Un discret empire basé à Fribourg

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Photo : Attac Suisse
La LIberté | 11.05.2017

Un discret empire basé à Fribourg

Le groupe Socfin, actif dans la culture d’huile de palme, a fait hier l’objet de critiques de manifestants

THIBAUD GUISAN

Fribourg » Des tracts collés sur la porte d’entrée, une banderole avec le message: «Stop à l’accaparement de terres», et des chants de protestation. Une quinzaine de militants issus d’organisations altermondialistes françaises et suisses – React, Attac Fribourg, Uniterre – ont manifesté hier après midi devant les locaux du groupe Socfin, à Fribourg.

Discrète, cette holding basée au Luxembourg est active en Afrique et en Asie dans la culture et le négoce d’huile de palme et du caoutchouc (issu d’hévéa). Depuis 2012, plusieurs de ses sociétés sont basées à Fribourg. Une trentaine de collaborateurs (administration, conseil technique, achat et vente), sont employés par le groupe, qui occupe les étages de l’ancienne poste, face à la place Georges-Python.

Protestations pacifiques

Hier, les locaux sont restés clos. Les manifestants ont demandé pacifiquement à Socfin d’engager «un réel dialogue avec les représentants légitimes des populations», d’offrir les compensations promises (indemnités financières, services publics) et de ménager l’environnement.

Présent dans dix pays (dont le Cameroun, le Liberia, le Nigeria et l’Indonésie), le groupe dispose de concessions d’Etat totalisant un peu plus de 400 000 hectares, dont 186 000 exploités actuellement. La notion d’«accaparement des terres» fait bondir Pierre Bois d’Enghien, responsable du développement durable chez Socfin, contacté par La Liberté: «Nous ne sommes pas propriétaires des terres. Nous obtenons des concessions de manière légale, avec l’acceptation préalable des populations.» S’il ne nie pas des situations localement plus tendues, le responsable ajoute que le groupe ne néglige pas ses engagements sociaux. «Nous investissons dans des domaines où l’Etat est défaillant», martèle-t-il, en relevant que Socfin a notamment développé 104 hôpitaux et dispensaires, ainsi que 283 écoles. «Nous tenons nos engagements mais, parfois, la mise en place des infrastructures ne va pas aussi vite qu’attendu. Nous ­menons toujours des études d’impact au niveau social et ­environnemental.»

Le groupe, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 510 millions d’euros en 2015, emploie directement plus de 46 000 personnes, essentiellement en Afrique et en Asie. «Nous faisons encore vivre 50 000 familles de petits planteurs, qui nous livrent de la matière première complémentaire», ajoute Pierre Bois d’Enghien. Le responsable précise que si le caoutchouc est livré à des fabricants de pneus, l’huile de palme reste en Afrique et en Asie, où elle est utilisée par l’industrie agroalimentaire locale, des savonneries, ou consommée brute par les populations de ces continents.

Un cœur fribourgeois

Le groupe Socfin, dont les origines remontent à 1909, dispose de bureaux à Bruxelles et au Luxembourg, où il réunit une trentaine d’employés. «Mais le centre décisionnel est désormais basé à Fribourg», relève Pierre Bois d’Enghien. D’ailleurs, plusieurs collaborateurs ont été récemment transférés de Belgique. A l’étroit, le groupe a quitté à la fin de l’année dernière la rue de Romont pour l’ancienne poste. «Nous avons été très bien accueillis à Fribourg et nous recrutons du personnel supplémentaire», note Pierre Bois d’Enghien, qui ne cache pas que des critères fiscaux ont pesé dans la balance.

Socfin est contrôlé par l’homme d’affaires belge Hubert Fabri et compte comme actionnaire le milliardaire français Vincent Bolloré, notamment à la tête des conseils de surveillance de Vivendi et du groupe Canal+.

En euros, le chiffre d’affaires 
du groupe Socfin en 2015



Le Liberté | 20.05.2017

Forum des lecteurs
Certains ne manquent pas d’air

Il est vrai que l’empire Bolloré et Fabri est discrètement basé à Fribourg, mais les manifestants souhaitaient surtout dénoncer la manière dont cet empire se bâtit (LL 11.05).

Une manière qui pose problème par l’intensification de la culture de palme au détriment de la forêt primitive et participe à l’extinction d’espèces déjà menacées, la disparition des cultures vivrières qui chasse les paysans de leurs terres, l’exploitation des salariés au Cameroun payés un euro la journée, la pollution de l’eau par les pesticides et les dénonciations pour évasions fiscales par la Belgique sont autant de procédés que nous ne voulons plus.

Lorsque l’on cumule 400 000 ha, il s’agit bien d’un accaparement de terre, le fait que la Socfin n’en soit pas directement propriétaire, mais utilise un droit d’exploitation à travers des concessions de trente ou cinquante ans ne change rien à l’affaire.

En venant s’installer à Fribourg, la Socfin ne cache pas que des critères fiscaux ont pesé dans la balance. Nous préférerions que cette société paie plus d’impôts dans les pays où elle est active plutôt que de fuir l’impôt et prétendre intervenir dans des domaines où l’Etat est défaillant. Les raisons du mécontentement sont à chercher à travers l’irresponsabilité écologique, sociale, fiscale.

Enfin l’administrateur de la Socfin cité dans l’article, qui se présente aussi comme consultant en agro-industrie ou auditeur sur l’huile de palme durable, reprochait en 2015, dans une lettre ouverte à la ministre française de l’Ecologie, ses propos contre l’extension de la culture de palme à huile en se demandant si elle avait des intérêts personnels à servir? Il y en a qui ne man­quent pas d’air.

PIERRE DUFOUR,
ATTAC-FRIBOURG

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