Lettre ouverte des riveraines au DG de la SOCAPALM

AFRISE | 5 avril 2024


Association des Femmes Riveraines de la SOCAPALM d'Edea (AFRISE)
Récépissé de Déclaration D’association N°054/RDA/C18/SAAJ
Tél : 690 44 33 17 /656 39 42 54

Apouh A Ngog, le 05 Avril 2024                                                                                                

MADAME LA PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION DES FEMMES RIVERAINES DE LA SOCAPALM D’EDEA (AFRISE)
A
MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SOCAPALM
   
Objet : Lettre ouverte contre le Replanting.

Monsieur le Directeur Général,

Nous, femmes riveraines d’Edéa, sommes indignées. Nous nous sentons trahies. A travers cette lettre ouverte, nous prenons à témoin l’opinion nationale et internationale.

En effet, en date du 23 Décembre 2023, nous avons répondu à votre invitation relative à « une causerie familiale sur la paix entre AFRISE et la SOCAPALM ». Lors de cette réunion, Monsieur le Directeur Général, vous avez pris note de nos revendications et vous vous êtes engagé à venir personnellement sur le terrain pour régler la situation. Seulement, à notre grande surprise, au lieu de la visite annoncée, notre Chef de village nous a transmis une correspondance (Réf : 041/24/MAO/NSJ/BDMN du 19 Mars 2024) de votre Directeur de Plantation à Edéa adressée à M. le Sous-Préfet d’Edéa 1er par laquelle il l’informe qu’il reprendra les activités de Replanting au début du mois d’avril 2024 sur un site dont il affirme avoir la propriété.
 
Cette correspondance nous plonge dans l’incompréhension la plus totale car les activités de replanting de la SOCAPALM sont la cause de la plupart des nombreux problèmes que nous avions exprimés devant vous en 2023. C’est la raison pour laquelle nous nous sentons trahies.

A titre de rappel, ce replanting est simplement une façon de nous priver, nous et nos familles, des espaces vitaux conséquents dont nous dépendons. Si, après l’avoir fait derrière nos cases, vous recommencez à planter des centaines de milliers d’hectares de palmiers à huile juste devant nos maisons, nous pouvons vous garantir que la PAIX que nous appelons tous et vivement de nos vœux sera définitivement compromise.

Toujours à titre de rappel, Monsieur le Directeur, ce replanting est une violation des termes du bail emphytéotique qui vous lie à l’Etat du Cameroun, notamment l’article 6 alinéa h intitulé obligation du repreneur qui interdit tout replanting sur les parcelles d’une superficie de 250 ha, situées autour des communautés villageoises sans qu’au préalable, l’administration compétente ait soustrait toute parcelle répartie comme espace vital. Des parcelles qui doivent être définies par l’administration et le receveur dans l’intérêt de la communauté bénéficiaire. Bien plus, aux termes de l’article 14 (1) du Décret n° 76-166 du 24/04 /1976 fixant les modalités de gestion du domaine national, la commission consultative dont le rôle est central dans l’attribution des concessions dont celle ayant permis l’attribution de terres à la SOCAPALM, propose à l’autorité préfectorale la répartition de l’espace rural en zone agricole et pastorale suivant les besoins des populations.

Monsieur le Directeur, nous vous rappelons que nous sommes des femmes rurales. Et, depuis plus de 40 ans, vous avez confisqué toutes nos ressources qui sont nos principaux moyens de vie et ce, sans aucune compensation. Vous vous êtes accaparés :
    • nos terres où nous devons cultiver des vivres pour nourrir nos familles, vendre le surplus pour faire face à l’éducation de nos enfants et à nos soins de santé ;
    • nos forêts où nous cueillons des produits forestiers non ligneux que nous transformons et vendons pour avoir un revenu, des médicaments et d’autres moyens de vie ;
    • nos cours d’eau où nous pêchions du poisson pour notre alimentation et pour la vente ;
    • l’air que nous respirons qui est aujourd’hui pollué du fait de votre action ;
    • des sépulcres de nos parents où nous ne pouvons y accéder ;
    • notre environnement qui nous offre un quotidien de mouches et de moucherons.

Comment parler de Paix alors que vous vous obstinez à confisquer tous nos moyens de vie, refusant de nous restituer l’espace vital qui nous est dû ? comment retrouver la sérénité alors que vous reprenez le replanting ce mois d’avril 2024 pour de nouveau, reprendre les terres autour de nos maisons sans considérer nos sites sacrés et ceci, pour plus de 40 années encore.

Sans espace vital conséquent, nous sommes aujourd’hui des paysannes sans terre. Pourtant, en tant que femmes, nous devons répondre aux responsabilités qui nous incombent, celles d’offrir la nourriture à nos familles. Dans cette quête, nous subissons au quotidien des violences physiques, des violences sexuelles, des abus sexuels, des viols et des arrestations arbitraires.

Privées de la dignité que vous nous avez arrachée, nous sommes obligées de nous compromettre pour survivre avec nos familles.
Privées de notre liberté, nous et nos familles sommes interdits de circuler librement sur notre territoire à cause des multiples barrières que vous érigez et des tranchées de 4m sur 4 que vous avez creusé tout autour de nos cases. Nous ne pouvons pas mener des activités économiques dans de telles conditions, ce d’autant plus que vous détruisez systématiquement nos unités de production d’huile de palme alors que nous avons le droit de transformer les noix issues de nos plantations villageoises.

Monsieur le Directeur Général, qu’avez-vous fait pour nous ? quelles initiatives en faveur des femmes riveraines avez-vous réalisées ? Nous manquons de tout, même d’eau potable, pourtant vitale pour la santé. Ayant confisqué nos cours d’eau, nous sommes obligées de parcourir des kilomètres à moto ou à pied pour trouver de l’eau potable. Lorsque nous tombons malades, nous n’avons même pas le droit à une prise en charge dans vos services de santé, au motif fallacieux que nous ne sommes pas des employés de l’entreprise. Nos enfants ne sont pas autorisés à fréquenter les écoles que vous avez fait construire et ne trouvent pas d’emploi décents dans votre entreprise, une fois en âge de travailler. La SOCAPALM est supposé être un projet de développement mais nous nous demandons à qui ce développement est destiné ?  Où sont les infrastructures supposées permettre le développement de notre communauté ? Pourquoi nous, les femmes riveraines, sommes condamnées à vivre dans la misère et la peur ?

Sans vouloir nous étendre davantage, et face à toutes ces infamies, ces violations de nos droits, dont vous avez connaissance, la reprise des activités de replanting prévu ce mois d’avril, alors que la visite annoncée n’a pas eu lieu, nous a laissé un goût amer et a entrainé une perte de confiance qui ne peut être restaurée dans un tel contexte.

C’est dans ce sens, que nous demandons de surseoir à votre projet de replanting et de bien vouloir honorer le rendez-vous que vous avez pris avec nous, afin que, la véritable paix revienne et la sérénité enfin.

Dans l’espoir que cette lettre ouverte connaitra une issue favorable, veuillez agréer,  Monsieur le Directeur Général, l’expression de notre parfaite considération.

Ampliation :
  -  M. Chef du village
  -  M. Le Sous -préfet Edéa 1er
  -  M. Préfet Edéa 1er  
  -  M. DP Socapalm Edéa
  -  M. DG Socapalm Edéa
  -  M. Président des droits de l’Homme

MADAME LA PRESIDENTE D’AFRISE


  • Sign the petition to stop the deployment of police/military and criminalisation of peasants struggling for their land against oil palm plantation company in Buol Regency, Sulawesi, Indonesia

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