Socapalm : de l’argent versé à des plaignants camerounais

Pour Marie Noëlle Etonde, cette victoire judiciaire ne suffit pas car les terres communautaires doivent être restituéesDeutsche Welle | 15 mars 2024 

Socapalm : de l’argent versé à des plaignants camerounais

Henri Fotso

Les plaignants dénoncent l’expropriation de leurs terres. Selon des ONG camerounaises, le versement de cette somme aiderait à réaliser des projets communautaires. 

C’est une nouvelle étape dans une longue procédure judiciaire. Un collectif de Camerounais vient de forcer la holding belgo-luxembourgeoise Société financière des caoutchoucs, la Socfin, à lui verser 142.000 euros : une astreinte infligée par la justice française qui accuse l'entreprise de ne pas avoir produit des documents qui pourraient établir ses liens avec l'entreprise française Bolloré.

Les plaignants camerounais assurent en effet que le groupe Bolloré contrôle, par l’intermédiaire de la Socfin, l’entreprise Socapalm qui exploite des plantations de palmiers à huile au Cameroun. Or, la Socapalm est accusée par les riverains de s’approprier leurs terres et de polluer l’eau des rivières.

Face à cela, le groupe Bolloré assure ne pas contrôler la Socfin. Mais si le lien était prouvé, le groupe Bolloré pourrait être tenu responsable de possibles atteintes aux droits humains de la Socapalm.

Des terres dans les mains de multinationales

Dans les régions du Sud, du Littoral et du Sud-Ouest du Cameroun, d'interminables plantations de palmiers à huile, d'hévéas et des bananeraies couvrent depuis des décennies de nombreux villages, dont les populations ont perdu leurs terres au profit des multinationales.

Parmi ces entreprises, la Société camerounaise des palmeraies, la Socapalm. Le 29 septembre dernier, la holding belgo-luxembourgeoise Socfin, qui possède la Socapalm, a été condamnée à payer une astreinte de plus de 140.000 euros à 145 plaignants camerounais constitués en associations.

C’est cette somme qui vient d’être versée aux plaignants, mercredi (13.03.24).

Emmanuel Ndoumbe, coordonnateur de l’ONG Socarf, affirme que l’argent a été payé mais que la somme n’est pas encore entre leurs mains.

"Nous apprenons que cet argent a été effectivement payé. On ne parle de 140.000 euros, mais de 142.000 euros. Et l’argent aurait été payé, c’est même confirmé par l’avocat des paysans camerounais. Ce qu’il faut savoir, c’est que cette information n’existe pas encore ici. Et il n’y a rien qui a été décliné au niveau des dits paysans."

Emmanuel Elong, le président de la Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synaparcam), qui a coordonné les actions des plaignants, expliquait, en septembre dernier, que cette somme allait aider les communautés de la région.

"Si la décision est exécutée, ça va réaliser un grand progrès dans nos communautés parce qu'on a subi beaucoup d'abus. Les sommes qui vont être allouées suivant la plainte vont aider les communautés à réaliser certains projets communautaires."

Les plaignants dénoncent l'expropriation des terres communautaires, dont des lieux de sépultures, et la pollution des eaux par la Socapalm.

Des accusations que conteste la direction de la Socapalm.

Des accusations de viols

Les besoins des populations sont avant tout la construction d’écoles, de centres de santé, l'entretien des routes et l'adduction en eau potable.

Mais pour Marie Noëlle Etonde, aussi membre de la Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun, cette victoire judiciaire ne suffit pas.

Selon elle, les terres communautaires doivent être restituées partout où les plantations les ont ravies.

Par ailleurs, Marie Noëlle Etonde rappelle que certaines femmes affirment avoir été violées par les gardiens des plantations.

"Ces viols-là, ça existe. On a eu des femmes qui ont eu le courage de se lever et de dire oui, moi j'ai été violée, tel jour, j'ai été attaquée aux champs. Elles ont expliqué ce qu'elles vivent. Mais je crois que la solution dans tout ça ce sont les terres. Les parties qui ont été prévues d’être libérées dans toutes les plantations, si elles sont libérées, ces femmes auront où travailler aisément et à ce moment-là, on n'aura plus affaire à ces gardiens, puisque nous serons dans ce qui nous revient, et eux ils seront dans ce qui leur revient."

Ces accusations d’agressions sexuelles nous ont été confirmées par deux autres sources locales.

Confrontée à ces accusations, la Socapalm avait expliqué à la DW, en 2020, qu’"un mécanisme de plainte pour les parties prenantes de toutes les sociétés Socapalm avait été mis sur pied."

Mais selon la Synergie nationale des paysans riverains du Cameroun (Synaparcam), ce mécanisme de plainte n'aurait jamais fonctionné.

Si la justice parvenait à prouver le lien entre le groupe Bolloré et la Socapalm, cela soumettrait le géant industriel au "devoir de vigilance" sur ses activités, suivant une loi française de 2017 qui oblige les grandes entreprises à prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l'environnement chez leurs sous-traitants et fournisseurs étrangers.
  •   DW
  • 15 Mar 2024

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