Socfin écrit au Quotidien
Dans son édition du 31 janvier, Le Quotidien rapportait des informations d'ONG faisant état de violences mortelles survenues a utour des plantations de palmiers à huile de Socfin dans le sud-est de la Sierra Leone. À la suite de cette publication, cette société de droit luxembourgeois, principalement contrôlée par les hommes d'affaires belge Hubert Fabri et français Vincent Bolloré, nous a fait parvenir le courrier suivant:
« Le Journal LE QUOTIDIEN, dans son édition du 31 janvier 2019, page 7, sous le titre "Heurts mortels autour des plantations Socfin", relate des événements tragiques qui ont eu lieu le 21 janvier dernier dans la Chefferie de Sahn Malen, dans le sud-est de la Sierra Leone.
Il apparaîtrait, selon ce journal, qu'un certain nombre d'employés d'une plantation de palmiers à huile, exploitée par SAC, une filiale de SOCFIN, aient déclenché une grève pour "protester contre les mauvaises conditions de travail et les faibles rémunérations" (sic) d'une part, et l'accaparement de plus de 18 hectares de terres au détriment des riverains de cette plantation, d'autre part.
Ce mouvement social, toujours d'après ce journal, aurait commencé le 16 janvier précédent et aurait fait l'objet d'une répression policière extrêmement violente puisqu'elle aurait eu pour conséquence le décès de deux personnes, l'arrestation de 15 autres et la fuite de 2 500 personnes dans les localités voisines.
Or ces affirmations sont parfaitement inexactes.
En effet, après une enquête, SOCFIN a pu déterminer que la cause de ces violences tient au seul conflit entre deux personnalités locales, Monsieur Shiaka Sama, député indépendant, dont l'article laisse entendre qu'il a été arrêté dans le cadre des manifestations consécutives à la grève des employés de la SAC d'une part, et le Chef de la Chefferie locale, ce qui est bien entendu contraire à la vérité. Le différend portait uniquement par Monsieur SHIAKA SAMA d'un terrain sur lequel il projetait de construire son bureau de circonscription, sans en avoir averti les autorités locales, à savoir le Chef de la Chefferie précité. La situation s'étant envenimée du fait de l'intervention d'un groupe de jeunes gens dont certains étaient armés, il a été fait appel à la police et aux forces armées.
Ces événements, confirmés par l'un des protagonistes précités, se sont malheureusement conclus par deux morts, de nombreux blessés et des milliers de personnes fuyant dans la forêt ou vers les localités voisines.
En d'autres termes, accuser SOCFIN d'être à l'origine de ces «heurts mortels» est parfaitement inexact, voire mensonger et parfaitement contraire aux conclusions auxquelles a abouti l'enquête locale.
Ces accusations se trouvent aggravées par la mention de prétendus conflits divers opposant SOCFIN à ses salariés ou aux riverains de ses plantations.
Au surplus, les autorités Luxembourgeoises auraient été averties depuis octobre 2018 des violences probables pouvant avoir lieu dans ou autour des plantations SOCFIN. Il est aujourd'hui établi que la SOCFIN est totalement étrangère aux malheureux événements du 21 janvier.
Par ailleurs, le quotidien profite de la relation totalement fantaisiste de ces événements pour rappeler que la SOCFIN a maintes fois fait l'objet de l'accusation «d'accaparement de terres» dans les pays où elle exerce ses activités de production d'huile de palme ou de caoutchouc en Afrique ou dans le sud-est asiatique.
Or, le Tribunal de Grande Instance de Paris, par Jugement aujourd'hui définitif en date du 29 mars 2018,a estimé que de telles accusations sont diffamatoires. SOCFIN tient donc absolument à rétablir la vérité des faits et se déclare intégralement étrangère aux malheureux événements qui ont endeuillé la Sierra Leone le 21 janvier 2019. »
Au cours des 18 derniers mois, Le Quotidien a par ailleurs adressé six demandes d'interview à M. Hubert Fabri, président du conseil d'administration de Socfin. Il n'a jamais répondu à ces demandes, ni positivement ni négativement.
Il est notable aussi que dans son courrier Socfin ne remet pas en cause les faits relatés par Le Quotidien mais leur interprétation, en se basant sur sa propre enquête interne, sans même attendre les résultats définitifs de l'enquête officielle, toujours en cours en Sierra Leone.
Les affrontements du 21 janvier ont été provoqués par un contentieux entre un député et le chef coutumier de Malen, la région où sont établies les plantations de Socfin. Élu en 2018, le député indépendant Shiaka Sama est l'ancien porte-parole de Maloa, une association de riverains des concessions de Socfin qu'ils accusent de s'être accaparée leurs terres pour des plantations de palmiers à huile, dont la culture s'étend sur 11 000 hectares.
Ce différend a dégénéré en affrontements entre riverains et policiers. Ils se sont soldés par la mort deux jeunes hommes et par des interventions brutales de l'armée et de la police. Des habitants des villages alentours ont été brutalisés et pillés par les forces de l'ordre, entraînant la fuite de 2 500 personnes vers les forêts et villages voisins. Au cours de ces opérations, Socfin avait mis l'un de ses véhicules tout-terrain à la disposition de l'armée. Ces faits ont été corroborés par une mission de défenseurs des droits humains qui s'étaient rendus sur place les jours suivants.
Socfin semble par ailleurs mettre en doute l'affirmation du Quotidien selon laquelle le ministère luxembourgeois des Affaires étrangères avait été averti dès octobre 2018 par des ONG luxembourgeoises sur les risques de graves violences autour de ses plantations en Sierra Leone. Le Quotidien maintient cette affirmation, confirmée par plusieurs sources.
Enfin, Socfin juge abusif d'établir une relation entre ces événements et les accusations d'accaparement de terres dont elle est l'objet depuis près de 10 ans. L'existence de ces accusations dans la dizaine de pay s africains et asiatiques où Socfin est implantée est établie par une quarantaine d'ONG, par les autorités luxembourgeoises, françaises et belges, par un rapport du Parlement européen ainsi que par des centaines d'articles de presse et de reportages audiovisuels. La contestation des riverains est également reconnue par la justice française dans un jugement rendu le 29 mars 2018 à l'issue de poursuites engagées par Socfin contre des ONG et des médias français. Les magistrats avaient alors jugé diffamatoires certains propos pour leur défaut de précision, mais avaient accordé la bonne foi aux prévenus et débouté Socfin de toutes ses demandes.
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