Accaparement des terres arables : Du riz mauritanien pour nourrir les saoudiens !

Séchage du riz en Mauritanie

Le Quotidien de Nouakchott | le 12 octobre 2009

Avec un déficit de 25% dans sa consommation de riz, le royaume d’Arabie saoudite recherche de nouveaux «débouchés » pour s’approvisionner en Afrique notamment dans les pays d’Afrique de l’Ouest où il s’arroge d’énormes superficies acquises à cet effet. La Mauritanie ne déroge pas à cet appétit et depuis 2008, sous l’ancien régime, une zone de 2000 hectares a été allouée à la société Foras-Mauritanie qui a confié la faisabilité du projet rizicole à une équipe de consultants de l’université thaïlandaise de Kasetsart. Le premier acte est passé presqu’inaperçu.

Ils sont des investisseurs saoudiens, soutenus par la Banque Islamique de Développement (BID) et le gouvernement saoudien. Ils font équipe avec des hommes d’affaires mauritaniens et ont déjà fondé une société mixte, Foras-Mauritanie du nom de la Maison-mère, dont le capital est fixé à deux millions Usd mais dont n’ont été libérés que 25% en raison probablement du temps mort observé par les autorités mauritaniennes dans l’attribution des terres et du succès ou non de la rentabilité du projet rizicole engagé sur les 2000 ha mis à leur disposition. L’Etat n’a pas encore totalement souscrit à la demande de ce consortium mauritano-saoudien qui entend produire du riz en Mauritanie et l’expédier en totalité vers l’Arabie. Mais il pourrait bien s’affaissait face à des investisseurs aussi importants et bien introduits dans le pays, non seulement par des hommes d’affaires qui ont l’œil sur le pactole saoudien, mais l’on craint que la Banque Mondiale n’apporte aussi sa caution à ce projet en convainquant les autorités de sa « pertinence ».

Un projet pharaonique au départ

Les investisseurs de la Société Foras-Mauritanie n’ont pas perdu leur temps. L’initiative prise sous l’impulsion des conseils de l’IRRI (l’Institut international de recherche sur le riz) aux autorités saoudiennes pour résorber leur déficit suscite un débat houleux quant à la moralité de telles OPA sur les rares terres arables dans la sous-région.

En Mauritanie, les responsables de Foras-Maurianie voulaient 100.000 hectares au début. Finalement seul un potentiel de 15.000 ha serait disponible mais les réticences de l’Etat continuent d’ajourner l’attribution foncière. Or, Foras est une filiale récemment créée de la Chambre islamique du commerce et de l’industrie, financée par la Banque islamique de développement, le gouvernement saoudien et des investisseurs privés. Sa mission est de développer les investissements dans les pays islamiques et elle joue un rôle particulièrement actif dans le soutien aux objectifs des pays du Golfe en matière de production de denrées alimentaires à l’étranger. Elle a déjà acquis 200 milles ha au Mali et 500 milles au Sénégal.

Son projet-pilote se résume, à l’heure actuelle, à 2000 ha. La crise financière et alimentaire aidant, plusieurs pays dont l’Inde et la Chine seraient aussi tenté par l’acquisition de terres dans certaines régions comme l’Afrique pour améliorer leur couverture en besoins nutritionnels. Il existerait aujourd’hui, selon l’organisation GRAIN, « une centaine de transactions de ce type, la plupart d’entre elles déclenchées par les crises alimentaire et financière de la fin de l’année dernière ». A ce jour, « 15 à 20 millions d’hectares, essentiellement en Afrique et en Asie, ont récemment été loués, achetés ou font l’objet de négociations pour une production alimentaire destinée à d’autres pays » dénonce GRAIN.

Une contestation crescendo

A l’orée de l’organisation du Congrès du riz en Afrique 2010 au Mali, la contestation ne cesse de monter au sein des organisations paysannes de la sous-région qui craignent d’être même dépossédées de leurs terres pour favoriser un tel transfert foncier.

Le plus ahurissant dans cette affaire est que de hauts fonctionnaires de la Banque Mondiale (Bob Ziegler de l’IRRI) auraient convaincu le royaume d’acheter des terres arables auprès de plusieurs pays pauvres alors que d’autres structures de la Banque apportent aussi des conseils techniques au royaume.

Si au Mali, Foras entend construire pour 700 millions Usd 60.000 logements, l’on ne sait toujours pas quelle contrepartie a été donnée à l’Etat mauritanien pour l’acquisition par Foras-Mauritanie de deux milles hectares actuellement en friche.

La mise en place de Foras-Mauritanie a tout au plus été annoncée en marge de l’Assemblée générale de l’Oci à Nouakchott, il y a quelques mois. On navigue donc à vue et les partenaires mauritaniens de Foras (International) dont Tadco s’occupant à travers le monde de collecter des terres arables en véritables sous-marins continueraient de vouloir convaincre les autorités politiques d’accorder un tel domaine à leur partenaire saoudien au moment où les terres arables reculent comme peau de chagrin.

JD

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