Un code de conduite pour les investisseurs

Le Temps (Suisse) | vendredi 16 octobre 2009

Par Ram Etwareea

Les pays d’Asie et du Golfe multiplient les concessions, notemment en Afrique, en vue d’assurer leur propre sécurité alimentaire. Dans le cadre de la Journée mondiale de l’alimentation, la coopération internationale dénonce l’opacité des contrats et appelle à fixer des règles

L’acquisition de terres agricoles par des Etats ou des fonds d’investissement inquiète la Suisse. La Chine, la Corée du Sud, l’Inde ainsi que des monarchies pétrolières du Golfe ont négocié des concessions pour cultiver des dizaines de milliers d’hectares en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud pour assurer leur propre sécurité alimentaire. Le phénomène n’est pas nouveau, mais son ampleur donne lieu à beaucoup d’interrogations.

«En soi, les investisseurs sont nécessaires pour financer la modernisation de l’agriculture dans les pays où une bonne partie de la population survit dans les régions rurales, déclare Jürg Frieden, vice­directeur de la Direction du développement et de la coopération (DDC). La recherche et la gestion des biens publics (eau, biodiversité) ont également besoin des fonds. En revanche, il serait approprié que les contrats entre investisseurs étrangers et pays d’accueil soient négociés et signés dans la transparence.» C’est dans ce contexte que la Suisse se veut le moteur d’un mouvement international qui revendique un code de conduite pour les investisseurs en quête de terres agricoles.

Berne ne manque pas d’alliés. Même si les informations sur le nombre et la nature des transactions font défaut, une large mobilisation s’organise autour de la Coalition internationale pour l’accès à la terre (CIAT). Fondée en 2006, ­celle-ci regroupe 82 organisations intergouvernementales et non gouvernementales et se préoccupe de l’impact politique, économique, social et environnemental d’une agriculture intensive financée par des capitaux étrangers. Plusieurs études prospectives sont en chantier.

Bénédiction du G7

Ce mouvement vient d’obtenir une bénédiction officielle. Lors du dernier G7 à L’Aquila, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Canada, l’Italie, la Grande-Bretagne et le Japon ont appelé à prendre des mesures pour mieux cerner et encadrer le phénomène. Ensuite, à l’initiative des Japonais, une séance de travail a eu lieu en septembre en marge de l’assemblée générale de l’ONU à New York.

«Nous n’avons pas d’échéance pour définir un code de conduite ou pour tout autre instrument pour réglementer l’accès à la terre», a prudemment expliqué jeudi Madioda Niasse, de la CIAT, lors d’un débat à la veille de la Journée mondiale de l’alimentation. Pour avoir travaillé au sein de la Commission internationale sur les grands barrages, l’expert sénégalais craint notamment le déplacement forcé de populations suite à l’installation de grandes exploitations agricoles.

Pour Jürg Frieden, l’agriculture a toujours été un sujet prioritaire de la coopération suisse ces trente dernières années. «Nous avons patiemment construit des réseaux et réalisé plusieurs acquis. Nous ne pouvons dès lors pas rester les bras croisés face à l’arrivée de grands investisseurs, dit-il. Suivant son propre modèle de la multifonctionnalité de l’agriculture, la Suisse a sans doute beaucoup à apporter à nos partenaires.»

Pour Berne, un code de conduite devrait inclure les questions suivantes: compensation en cas d’appropriation, accès garanti aux ressources naturelles pour les populations locales, conditions de travail pour les salariés, rapports entre les travailleurs locaux et la main-d’œuvre importée (les investisseurs chinois débarquent souvent avec des ouvriers chinois), liberté d’organisation de paysans et enfin, liberté de la presse et accès à l’information dans les grandes zones agricoles.

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