Il n’y a pas que les vaches qui rient

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Madagacasr-Tribune.com | lundi 22 juin 2009

par Ndimby A.

On se demandait avec curiosité ce qui faisait courir les Saoudiens, après la venue de cette délégation présentée par certains il y a deux mois comme les « gentils » de la communauté internationale, en opposition « aux méchants » qui s’obstinaient à ne pas reconnaitre la Haute autorité de transition (HAT). Un élément majeur de réponse est venu la semaine dernière : l’eau. Car le pouvoir de transition est en train de conclure un accord pour leur vendre l’eau du fleuve Faraony (près de Manakara). L’argent récolté permettrait, selon le Ministre Andriamahazo, de financer des projets d’adduction d’eau dans le Sud. Pour donner de l’eau aux Antandroy, il faut en vendre aux Saoudiens ! Pour paraphraser les pasteurs de cette étrange secte brésilienne qui a eu son heure de gloire il y a quelques année à Madagascar : miracle mon ami !

L’eau c’est la vie

Le financement de l’adduction d’eau dans le Sud nécessite des financements énormes, que Madagascar n’a pas. La HAT a donc trouvé ce moyen. L’idée en elle-même ne me gène pas, à deux conditions. Primo, si les études démontrent que ces ponctions en eau n’auront pas d’impact sur la disponibilité nécessaire pour le présent et le futur. Secundo, que l’argent ira bien vers des projets au bénéfice du Sud. Par contre, ce qui me gêne, c’est que les mêmes pingouins qui criaient à l’hallali sur la Place du 13 mai et dans les forums internet contre le projet Daewoo, applaudissent actuellement le projet saoudien de toutes leurs palmes. Alors que les deux projets sont kif kif de par leur essence.

De plus, les deux conditions citées précédemment en appellent deux autres : que la HAT sache faire des études d’impact sérieuses, et qu’elle soit motivée par un sens de l’honneur et du patriotisme au dessus de toute autre considération. On n’est pas à Hollywood : n’en demandons quand même pas trop à ces braves gens. Les patriotes ne font pas de coup d’État. Les démocrates ne font pas de coup d’État. Les hommes d’État ne font pas de coup d’État. Point barre, dirait notre ami forumiste Basile (22) Ramahefarisoa. Et quant au griots qui chantent qu’il n’y a pas eu de coup d’Etat à Madagascar, mais « une transmission du pouvoir du directoire militaire vers Andry Rajoelina dans des conditions sereines et légalisée par la Haute cour constitutionnelle », qu’ils nous montrent avec précision l’emplacement de cette partition dans la Constitution, pour nous permettre d’ânonner avec eux.

Quand on pense à la ventilation effrénée que Andry Rajoelina et ses partisans ont fait autour de la question Daewoo, on ne peut qu’être dubitatif. On peut reprocher au projet sud-coréen d’avoir été entouré d’un manque de transparence total et d’une absence de communication intelligente de la part du Gouvernement Rabemananjara. Les choses étaient donc peu claires, ce qui a favorisé toutes les accusations d’infamie envers les auteurs de cette initiative. « Mivarotra tanindrazana », « mpamadika tanindrazana » : telles sont les expressions classiques utilisées à Madagascar pour titiller la fibre nationaliste, surtout celle de ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. On ne lancera pas le débat sur Daewoo tout de suite, car le forumiste Vitagasy nous a proposé un dossier sur le sujet pour bientôt. Mais dans tout le flou et le vague qui règnent autour du projet Daewoo, il y avait au moins une certitude : les Sud-coréens se proposaient de louer des terres qui seraient restées à Madagascar. Tout comme d’ailleurs l’avion Air Force One number Two, qui était certainement un caprice dispendieux de Ravalomanana, mais qui ne peut en aucun cas être considéré a priori comme un acte délictueux. Sauf pour ceux qui sont pressés de justifier un acte anticonstitutionnel.

L’eau de Faraony quant à elle, quittera bel et bien la Grande Ile, et en grande quantité. Quand on sait quel poids géopolitique représentera l’eau au cours du XXIème siècle, on ne peut que se demander quel regard portera-t-on dans 20 ou 30 ans sur cette opération. Car pour le moment, les chantres mous de la HAT présentent celle-ci comme un coup de génie. La mode est donc à la vente des ressources naturelles du pays pour renflouer les caisses de l’État. Dans une économie mondialisée, c’est dans le cours normal des choses. Toutefois, question : pourquoi alors avoir basé le coup d’État en montant en épingle l’affaire Daewoo, qui était basée sur le même principe ? Réponse : il fallait bien trouver un moyen pour exciter les foules, quitte à crier au voleur pour des terres, qui pourtant ne servent actuellement que de déversoir de fiente pour les oiseaux de passage. Autre question : quand on part du principe et du slogan que « l’eau c’est la vie », comment alors qualifier ceux qui vendent l’eau des Malgaches ?

En montant ce dossier avec les compatriotes d’Oussama ben Laden, la HAT ne me déçoit pas. Car pour être déçu, il aurait fallu fonder un minimum d’espoir et de confiance sur elle. Toutefois, je me pose tout juste des questions sur les effets d’annonce concernant les investissements saoudiens, annoncés à grand renfort de propagande il y a deux mois. Je ne comprends toujours pas, dans la faible étendue de ma capacité de compréhension, comment pouvaient-ils promettre un prix de vente du riz curieusement en-dessous du coût en Arabie Saoudite : autre miracle mon ami ! Sauf si on veut croire que ces Saoudiens font dans la philanthropie, comme ce pseudo-prince Constantin du Liechtenstein dans les bras duquel Albert Zafy avait flirté du temps de sa présidence, poussé par ses brillants conseillers de l’époque.

Gouvernement par effets d’annonces populistes

En matière d’effets d’annonce à vocation populitisque, le pouvoir de transition se montre être un grand spécialiste. Sans doute Andry Rajoelina et Monja Roindefo ont choisi comme mode d’emploi la fameuse phrase de Sir Winston Churchill, sans doute par coïncidence, car je doute qu’ils lisent l’œuvre de ce brillant politicien britannique. Celui-ci a répondu ainsi à ceux qui lui demandaient ce que doit être la qualité d’un politicien : « C’est la capacité de prédire ce qui va arriver demain, le mois prochain, et l’année prochaine - et, après, d’expliquer pourquoi cela ne s’est pas passé ».

Sur la Place du 13 mai, on avait annoncé pour diaboliser le monopole de Tiko qu’il était possible de vendre l’huile à 12.000 Fmg. Puis, à partir de stocks arrivés d’un bateau fantôme (mais qui ont plus probablement quitté sous forme de camions les entrepôts de Tiko), les fokontany ont vendu de l’huile à 2.500 Ariary (et du riz à 500 Ariary), jusqu’à épuisement des fruits de ce piratage contre lequel le groupe Tiko va d’ailleurs porter plainte. Or la réalité s’est révélée amère pour les naïfs qui ont placé leurs espoirs dans ces opérations populistes mais sans fondement en matière de calculs économiques : l’huile sur le marché est maintenant beaucoup plus chère qu’avant le 17 mars 2009. Encore un miracle mon ami, mais dans l’autre sens. Quant au prix du riz, il va baisser du fait de l’arrivée des récoltes, et cela n’aura rien à avoir avec l’œuvre de la HAT.

On nous a également promis une baisse du prix des carburants, qui a eu lieu pendant quelques semaines avant que la réalité du marché ne nous rappelle que l’économie ne se fait pas à coup de propagande, comme au bon vieux temps de l’Union Soviétique. Le prix de l’essence a subitement augmenté de plus de 10% vendredi dernier. On nous a également annoncé une baisse des tarifs de la JIRAMA : reste à savoir combien de temps va-t-elle durer, avant de refaire un bond inéluctable à la hausse. Car aussi bien pour assurer les besoins présents que pour prévoir les investissements nécessaires de l’avenir, la JIRAMA ne peut pas se dissocier des principes de la vérité des prix. A moins de continuer à faire d’autres miracles (mon ami).

J’ai cependant essayé de me poser une question : n’y a-t-il vraiment rien qui puisse être mis de positif sur le compte de Andry Rajoelina ? Réponse : oui, indéniablement, une chose, celle d’avoir été le seul à oser se dresser contre les abus de Marc Ravalomanana, alors que toutes les autres tapettes s’étaient camouflées avant d’apparaitre sur la Place du 13 mai et revendiquer la paternité du mouvement de contestation. Malheureusement, il a gâché l’aspect positif de son acte en voulant faire le geste de trop. Deuxième question : n’y a-t-il vraiment rien qui puisse être mis de positif sur le compte de la HAT ? Réponse : oui, il n’y a rien. Nous avions dénoncé ici un ensemble de faits incongrus, qui sont peu à peu rectifiés. Mais remettre en place ce qu’elle a détruit ne doit pas valoir au pouvoir de transition de quelconques félicitations. A la rigueur, cela peut leur éviter plus tard l’application de la peine maximale prévue par la Loi pour les auteurs de putsch et de mutinerie.

Les communautés nationale et internationale attendent donc la HAT au tournant. Ils ont engagé un coup d’État dans le but prétendu de remettre le pays sur de bons rails en matière de bonne gouvernance, de démocratie et de respectabilité. Or, en faisant le bilan de ce que Madagascar a perdu depuis Janvier 2009 sur le plan de l’économie, de la stabilité interne, de la respectabilité externe, et des perspectives pour le futur, il y a énormément plus de raisons de s’affliger que de se réjouir. Et pour couronner le tout, les dissensions commencent à apparaitre dans ce patchwork hétéroclite qu’est le régime de transition ; les discours des politiciens s’extrémisent et le terrorisme fait son apparition : tout ceci n’augure rien de bon pour les semaines à venir. Si cela continue, le pire ne sera certainement pas derrière nous. Mais cela, seul le peuple s’en préoccupe.

Quant à nos tocards de politiciens, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition ; qu’ils soient à Neuilly, Ambatobe ou Johannesburg ; qu’ils soient new wave ou vieux croutons ; qu’ils soient spermatozoïdes en devenir ou dinosaures en post-retraite avancée ; ils se donnent tous la main à distance pour psalmodier cette citation de Louis Latzarus, « En démocratie, la politique est l’art de faire croire au peuple qu’il gouverne ». Pas de miracle mon ami : quand on contemple la classe politique malgache, il n’y a pas que les vaches qui rient.
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