Après quatre ans d’atermoiements, mauvais départ de la médiation des banques de développement entre PHC/Feronia et les communautés de la RD Congo

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Participants à la session de médiation de la ICM à Kisangani, 24 mars 2023

24 Mai 2023

Lettre collective :

Après quatre ans d’atermoiements, mauvais départ de la médiation des banques de développement entre PHC/Feronia et les communautés de la RD Congo

Le mécanisme international de plainte des banques de développement allemande, française et néerlandaise (ICM) a mené ses premières séances de médiation avec la société de plantations de palmiers à huile PHC et les neuf communautés de la RD Congo qui ont déposé plainte en 2018. Les communautés ont dû attendre plus de quatre ans pour que ce processus commence. Pendant ce temps, les propriétaires de PHC ont changés, les banques de développement se sont retirées de la société et celle-ci a été rachetée par un fonds d'investissement privé basé à l'île Maurice.

En 2020, à l’annonce de leur retrait, les banques européennes s'étaient pourtant officiellement engagées à ce que: “Le processus de médiation en cours entre l'entreprise et les communautés locales se poursuivra avec le soutien des nouveaux propriétaires et des IFD”. Parallèlement, un budget important aurait été provisionné afin de participer à la mise en œuvre des conclusions de la médiation.Les banques européennes devraient garantir le caractère inclusif, impartial et adéquat de la médiation plutôt que de s’engager à soutenir la mise en œuvre d’un potentiel mauvais accord issu d’un processus de médiation inadapté.

En effet, le processus de médiation et les résultats de ces sessions initiales sont faibles et même préoccupants. Des craintes exprimées se confirment:  le ICM semble inadapté pour résoudre les conflits fonciers hérités du passé, qui sont à la base de la plainte et des violentes tensions entre l'entreprise et les communautés. Aussi, dans leur plainte, les villageois avaient insisté sur la nécessité de disposer de ressources, en particulier d'un soutien juridique indépendant, pour garantir des conditions équitables. Cela n'a pas été le cas. Le panel du ICM n'a pas non plus veillé à ce que les communautés reçoivent les informations nécessaires à la préparation de la médiation, en particulier les documents juridiques concernant les terres en question et les documents pertinents de l'entreprise, tels que les derniers rapports financiers et les documents d'enregistrement. En outre, aucun financement spécifique n'a été accordé à RIAO-RDC, l'organisation mandatée pour accompagner les communautés, afin que cette dernière puisse préparer les communautés au processus. 

Les sessions se sont déroulées dans un contexte de répression violente des communautés, avec de nombreux membres des communautés en prison pour avoir prétendument volé des noix de palme dans les plantations de l'entreprise. Elles ont eu lieu dans les capitales provinciales, loin des communautés, et seul un petit nombre de représentants des communautés a pu y participer. En l’absence de budget adéquat, RIAO-RDC n’a pas été en capacité de bien accompagner les communautés, comme à Mbandaka par exemple. Les frais engagés par l’association congolaise n’ont d'ailleurs pas encore été totalement remboursés, alors que le budget avait été fixé par le panel du ICM.

La médiation doit absolument se concentrer sur la revendication principale des communautés: leurs terres ancestrales leur ont été prises sans leur consentement pendant l’occupation coloniale belge, avant d’être octroyées en concession à Unilever puis PHC/Feronia. Le panel du ICM ne peut l’ignorer ni continuer à  détourner la médiation en appelant les communautés à accepter la présence de PHC sur leurs terres. La seule résolution à l’issue des sessions initiales sur la question des terres est insuffisante:  la création d'une commission foncière tripartite composée de représentants des communautés, de PHC et du gouvernement. Selon les résolutions, cette commission enquêtera sur les titres fonciers de PHC et, uniquement dans le cas de Lokutu, évaluera comment les titres ont été acquis. Mais, comme le précisent les résolutions, il s'agit uniquement de déterminer si les activités de PHC s'étendent au-delà des limites de ces titres. La commission n'est pas clairement mandatée pour évaluer si les titres ont été acquis sur la base du consentement libre, préalable et éclairé des communautés ou si PHC a mis en valeur les terres qu'elle revendique - questions que la plainte initiale soulignait. En l'absence de consentement et/ou de mise en valeur des terres, les titres fonciers devraient être révoqués et l’usage et le contrôle des terres restitués aux communautés. 

Afin de rectifier cette situation, nous exigeons que les banques de développement et les gouvernements concernés assurent que le ICM prenne les mesures suivantes :

  • Élargir le mandat de la commission tripartite afin de déterminer si PHC a acquis ses titres fonciers par le biais du consentement libre, préalable et éclairé des communautés et de déterminer les superficies que PHC n'a pas mises en valeur ; 

  • Prévoir un budget suffisant permettant une participation adéquate des communautés et de RIAO-RDC, ainsi que le recours à un conseil juridique indépendant pour appuyer les travaux de la commission tripartite et des prochaines sessions de médiation ;

  • Rembourser immédiatement l’organisation de la société civile  RIAO-RDC pour l’entièreté des dépenses liées \des premières sessions de médiation ; et,

  • Organiser les prochaines sessions du processus de médiation à proximité des communautés afin qu'un plus grand nombre de leaders communautaires puissent participer et observer le processus.

L'un des principaux accords conclus lors de ces premières séances de médiation concernait la libération immédiate des villageois détenus en prison, à la suite des arrestations massives effectuées par la police et de l'armée, agissant en collaboration avec les gardes de sécurité de PHC. Il semblerait que ces villageois soient toujours en prison, plus d'un mois après les accords conclus lors de la séance de médiation. 

Nous demandons au panel du ICM de mettre tout en œuvre afin que ces prisonniers soient immédiatement libérés.

Signée par

Réseau d'Information et d'Appui aux ONG nationales (RIAO-RDC) - RD Congo
CNCD-11.11.11 - Belgique
Concertation Nationale des Organisations Paysannes du Congo (CNOP) - République du Congo
Confédération Paysanne du Congo -Principal Regroupement Paysan (COPACO-PRP ) - RD Congo
Corner House - UK
Entraide et Fraternité - Belgique
FIAN Belgique
FIAN Allemagne
GRAIN
HEKS/EPER - Suisse
Jeunes Volontaires pour l'Environnement - Côte d'Ivoire
Muyissi Environnement - Gabon
Oakland Institute - Étas-Unis
Réseau des Acteurs du Développement Durable (RADD) - Cameroun
Réseaux des femmes braves (REFEB) - Côte d'Ivoire
Rettet den Regenwald - Allemagne
Struggle to Economize Future Environment (SEFE) - Cameroun
Synergie Nationale des Paysans et Riverains du Cameroun (SYNAPARCAM)
Voice of the Earth Initiative - Nigeria
Women’s Network Against Rural Plantation Injustice (WoNARPI) - Sierra Leone
World Rainforest Movement
Young Volunteers for the Environment - Ghana

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