L'association Terre de liens s'alarme de l'accaparement des terres agricoles par des "sociétés financiarisées"

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Un agriculteur retourne le reste du foin dans son champ (illustration) Photo : Maxppp - Mourad ALLILI

France Bleu | 28 février 2023 

L'association Terre de liens s'alarme de l'accaparement des terres agricoles par des "sociétés financiarisées"

Dans un rapport publié lundi, l'association Terre de Liens s’inquiète de l’accaparement de terres agricoles françaises par des firmes industrielles.

De Sarah Mansoura

À qui appartiennent vraiment les terres agricoles françaises ? En majorité, pas aux agriculteurs, selon l'association Terre de liens, qui lutte contre le recul des terres cultivables. Elle dénonce ce lundi leur "accaparement" par des investisseurs extérieurs au monde paysan, accusés d'agir au détriment des agriculteurs. Cette organisation citoyenne, qui rachète des fermes pour y installer de jeunes agriculteurs, estime dans un rapport que ces nouveaux acteurs "possèdent 640.000 hectares de terres et contrôlent 14% de la surface agricole", via des sociétés agricoles "financiarisées".

"Près d'un quart des agriculteurs va partir à la retraite ces prochaines années, et ainsi libérer cinq millions d'hectares. Qui va reprendre ces terres, et que vont en faire les propriétaires ?", a interpellé Coline Sovran, coordinatrice du rapport, lors d'une conférence de presse lundi au Salon de l'agriculture à Paris.

Des sociétés "financiarisées"

Parmi les investisseurs cités par Terre de liens, Chanel et L'Oréal "qui achètent des parcelles à prix d'or", deux à quatre fois supérieur au marché, pour leurs plantes à parfum à Grasse, le chipsier Altho (producteur de la marque Bret's), qui a acquis 1.700 hectares en Bretagne pour ses activités industrielles ou encore le charcutier Fleury Michon, avec "un élevage où naissent 6.000 porcelets par an". "Les firmes agroalimentaires, cosmétiques, la grande distribution sont de plus en plus impliquées dans ce type de transactions", affirme Tanguy Martin, responsable du plaidoyer chez Terre de liens.

La France manque de données pour analyser ce phénomène, déplore l'organisation. La dernière enquête statistique sur la propriété agricole remonte à 1992, à une époque où l'agriculture était familiale sur environ deux tiers de sa surface. À l'heure où de plus en plus d'agriculteurs louent les parcelles qu'ils cultivent, les propriétaires ont un fort pouvoir de décision sur l'usage qui est fait de leurs terres ; la question est de savoir si elles serviront à installer de nouveaux paysans, à agrandir des exploitations déjà existantes ou à construire des "méga-fermes".

Aujourd'hui, de nouvelles formes d'organisations ont émergé, avec des investisseurs non agricoles, selon Terre de liens. Nul besoin d'être paysan pour être au capital d'une société civile d'exploitation agricole (SCEA), d'une SARL ou d'une société anonyme agissant en agriculture. Terre de liens estime que le nombre de SCEA a "doublé en 30 ans", dans son étude basée en partie sur le recensement et conduite avec le Cerema, un établissement public dédié aux politiques d'aménagement.

Un "marché parallèle de la terre"

Terre de liens, qui rachète des fermes pour y installer des paysans, estime que ces sociétés s'étendent via un "marché parallèle de la terre", qui échappe au contrôle de la  Safer, le gendarme français des terres agricoles. L'association déplore donc le manque de "garde-fous", alors que 200.000 hectares transitent chaque année via ce "marché parallèle", selon la Safer. Selon l'association, ces exploitations reviennent de moins en moins à de jeunes agriculteurs, au profit de l'agriculture intensive.

Alors qu'une loi d'orientation agricole (LOA) doit voir le jour à l'été, l'organisation "appelle le gouvernement à agir pour mieux contrôler ces sociétés qui dessinent une agriculture sans agriculteurs". Elle juge que la concentration croissante des terres est accentuée par une Politique agricole commune (PAC) européenne qui verse des aides en fonction des hectares exploités, incitant à s'agrandir. En 2020, la taille moyenne d'une ferme était de 69 hectares, en hausse de 25% en dix ans.

Lire le rapport de Terre de Liens

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