Une société d'huile de palme, des policiers et des militaires se livrent à un déchaînement massif et violent contre des villageois en RD Congo

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Un bidon de huile de palme détruit par le contingent de militaires, polices et guards industriels de PHC à Lokutu, octobre 2022.
RIAO-RDC | 10 novembre 2022

Une société d'huile de palme, des policiers et des militaires se livrent à un déchaînement massif et violent contre des villageois en RD Congo

En septembre 2022, deux importants contingents de la police nationale et de l'armée ont été envoyés dans les zones de concession des plantations de palmiers à huile de la société Plantations et Huileries du Congo (PHC) à Lokutu et Boteka. Selon la PHC, ces contingents lourdement armés ont été envoyés à la suite d'une demande déposée par la PHC auprès du gouvernement de la RDC, prétendument pour obtenir un soutien dans la prévention du vol de noix de palme dans ses plantations par des villageois quittant l'intérieur et les environs des concessions de la société. Vous trouverez ci-dessous un résumé de ce qui s'est passé, basé sur les informations recueillies par le RIAO-RDC par l'intermédiaire de ses membres locaux, des entretiens avec les villageois concernés et une mission d'enquête sur place à Boteka par deux membres du bureau national du RIAO-RDC en octobre 2022.

Rapport du RIAO-RDC, 10 novembre 2022 :
 
Le 17 septembre 2022, un contingent lourdement armé d'au moins 30 policiers nationaux et soldats des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) est arrivé à Boteka, une communauté rurale de la province de l'Équateur. Ils ont été envoyés par le Procureur général, sur la base d'une demande de la société Plantations et Huileries du Congo (PHC), un société qui exploite de grandes plantations de palmiers à huile dans la région, qui souhaitait prétendument obtenir de l'aide pour empêcher le vol de noix de palmiers à huile dans ses plantations. Les soldats et les policiers ont été rejoints par des agents de sécurité de la PHC et des membres de la société de sécurité privée G4S, qui opère sous contrat sur les sites de plantation de la PHC, et ont voyagé tout ensemble dans des véhicules de la PHC. 
 
Selon les témoignages de villageois locaux fournis à RIAO-RDC, le contingent de soldats, de policiers et de gardes s'est déchaîné dans les villages locaux à la recherche de preuves de vol. Les villageois interrogés par RIAO affirment qu'ils sont entrés par effraction dans les maisons, ont arrêté des personnes de manière arbitraire, ont endommagé des biens et ont commis de nombreuses autres violations des droits humains. Selon certaines allégations, ils auraient battu et torturé des villageois, tiré sur plusieurs d'entre eux et les auraient blessés, violé des villageoises et incendié des maisons. Les villageois affirment qu'il n'y a aucune justification possible à une répression de cette ampleur. Plusieurs centaines de foyers des villages de Mokoso, Ifoma, Duali, Bofalamkoka, Kelengo, Ilongo, Nseke, Bonzoku, Bolondo et Bempumba se seraient réfugiés dans les forêts voisines.
 
Un homme qui possède un petit magasin de proximité à Boteka affirme qu'un groupe d'au moins 30 soldats et policiers armés est arrivé dans trois véhicules (jeeps) appartenant à PHC. Ils sont sortis de leurs véhicules, ont commencé à tirer avec leurs armes, à rassembler les gens sur place et à saccager les maisons, les magasins et les étals des gens. Ils sont entrés dans son magasin et l'ont fait monter dans leur véhicule avec plusieurs autres personnes, sans lui fournir la moindre explication. Ils les ont conduits, lui et les autres, à 3 km de la ville où ils les ont battus et leur ont tiré dessus. Il a été touché au bras. Il a ensuite été emmené au dispensaire de l'entreprise où son bras a été bandé. Sa femme et ses enfants ont fui dans la forêt pour se réfugier. 
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La situation est similaire à Lokutu, dans la province de Tshopo, où PHC possède sa plus grande concession de plantation de palmiers à huile. À la mi-septembre, la société a soudainement interdit aux villageois de posséder de l'huile de palme dans la zone de sa concession. Comme à Boteka, l'huile de palme est un aliment de base essentiel pour la population locale, et la plus importante source de revenus pour les habitants de la région. Peu après, un contingent lourdement armé de 100 membres de la police nationale et de soldats des FARDC est arrivé pour faire respecter l'interdiction. Ils ont pénétré de force dans les maisons des habitants, procédé à des arrestations arbitraires, détruit leurs biens et leurs maisons et commis de nombreuses autres violations des droits humains.
 
Plusieurs villageois affirment que les contingents armés de Boteka et de Lokutu ont saccagé les moulins à huile de palme artisanaux des habitants, qui sont approvisionnés en noix provenant de leurs propres petites parcelles de terre. Par exemple, dans la région de Lokutu, M. Alphonse Mongulu possède sa propre parcelle de 10 ha où il cultive et récolte des palmiers à huile et produit sa propre huile de palme. Au milieu de la nuit du 24 septembre 2022, M. Mongulu raconte qu'un contingent de policiers nationaux armés, de soldats, de gardes de sécurité de la PHC et de gardes de la société de sécurité privée G4S est arrivé sur ses terres dans trois camions de la PHC. En tirant des coups de feu, ils ont arrêté son fils aîné ainsi que deux hommes et deux femmes qui l'accompagnaient (dont une enceinte). Les cinq personnes ont été battues et transportées pendant la nuit à la prison centrale de Kisangani, la capitale provinciale. M. Mongulu s'est échappé en s'enfuyant dans la forêt. Il affirme catégoriquement qu'il dispose de toutes les noix de palme dont il a besoin sur ses propres terres et qu'il n'a jamais pris de noix dans les plantations de PHC. 
 
Mais, pour la plupart des villageois vivant dans les zones de concession de PHC et n'ayant pas accès à leurs propres terres pour l'agriculture, ils n'ont guère d'autre choix que de prendre occasionnellement de petites quantités de noix dans les plantations de PHC pour survivre. Depuis plus d'un siècle, PHC occupe les terres ancestrales que les communautés utilisaient traditionnellement pour la récolte des palmiers à huile et les cultures vivrières, suite à un premier accaparement illégal et violent des terres pendant l'occupation coloniale belge. Sans ces terres, les villageois sont complètement dépendants de l'entreprise pour leur survie. Cependant, l'entreprise n'offre qu'un nombre très limité d'emplois à temps plein, et la plupart des emplois proposés aux villageois locaux sont des emplois de journaliers, avec des salaires bas qui ne permettent pas de couvrir le coût de la vie. Dans ce contexte, de nombreux villageois sont contraints de prendre des noix dans les plantations pour produire leur propre huile de palme, un aliment de base dans cette partie du Congo. Selon les villageois locaux, cette situation existe depuis de nombreuses années. Ce qui est nouveau, c'est l'ampleur de la répression violente que PHC a déclenchée, sans fournir aux villageois d'autres moyens d'assurer leur sécurité alimentaire.
 
Le 21 septembre 2022, un article a été publié sur la situation à Boteka sur le site Congo au jour le jour avec une interview d'un villageois local et membre du syndicat des travailleurs permanents de PHC, Pasteur Bolisomi. Dans cette interview, il décrit le déchaînement de violence dont les villageois ont été victimes de la part du contingent militaire et policier.  Quelques jours plus tard, le 26 septembre 2022, trois chefs de communauté de la région de Boteka ont déposé une plainte officielle par le biais de la procédure de règlement des griefs de PHC contre deux employés de PHC : le directeur, Levis Lutete et le chef du personnel Joel Yaya. Dans leur plainte, les trois chefs de village affirment que ces deux hommes ont illégalement ordonné à un contingent de militaires et de policiers de Mbandaka et d'Ingende d'intimider les villageois de la région de Boteka. La plainte indique que les policiers et les militaires ont "battu, violé, volé, brûlé et détruit des maisons, tiré des coups de feu en blessant des gens, fait des incursions, déplacé des villageois - des punitions inhumaines, d'une cruauté jamais vue auparavant, uniquement pour s'emparer de l'huile de palme produite par des plantations indépendantes (c'est-à-dire les palmiers à huile des villageois)". Les plaignants ont demandé que les deux employés de PHC soient suspendus et envoyés hors de Boteka. Ils ont également demandé à PHC de dédommager les villageois pour tous les dommages causés par les militaires, la police et les agents de sécurité de PHC. 
 
Cependant, aucune action ne semble avoir été entreprise par la PHC ou par les autorités gouvernementales pour mettre fin à la violence et aux violations des droits de l'homme. Au contraire, RIAO a reçu davantage de rapports sur les violences commises par la police et l'armée tout au long du mois d'octobre et en novembre.
 
Le 19 octobre 2022, une délégation de deux membres du RIAO-RDC est arrivée à Boteka pour rassembler des preuves et tenter de trouver une solution pacifique à la situation. Cependant, lorsqu'ils sont arrivés aux bureaux de la société locale, ils ont été informés par le personnel local qu'ils ne seraient pas reçus puisqu'ils avaient pénétré dans les plantations de la société sans autorisation. 

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Mme Cécile Boita montre les blessures qu'elle a subies au bras par les forces de PHC et les militaires/polices.
Le 25 octobre 2022, un contingent d'agents de sécurité et de policiers armés de la société PHC est parti à minuit dans quatre camions de la société PHC en direction des villages de Wamba et Bongemba. Les villageois avec lesquels RIAO s'est entretenu disent qu'au cours de la nuit, les gardes et la police ont violemment attaqué de nombreuses familles et procédé à de nombreuses arrestations. Vingt villageois auraient été hospitalisés en raison de blessures subies cette nuit-là. Dans l'un des villages, Yakote (dans le groupement de Bolesa), 10 personnes ont été arrêtées et battues, et trois d'entre elles ont été hospitalisées. L'une des deux femmes qui a été arrêtée est Mme Cécile Boita. Elle a été arrêtée à son domicile vers 4 heures du matin. Sur la photo, vous pouvez voir les blessures qu'elle a subies au bras. Une autre photo montre les personnes qui ont été arrêtées et détenues dans la cellule de détention du village de Yangambi.
 
Le 28 octobre 2022, PHC a publié un article dans Scoop RDC affirmant que l'intervention policière du 25 octobre à Lokutu avait été lancée à la demande des chefs de la communauté, inquiets du fait que certains villageois volaient l'entreprise et étaient devenus violents avec d'autres membres de la communauté. Le PHC affirme que les villageois ont violemment attaqué le contingent de police et qu'aucun membre de la communauté n'a été blessé pendant l'intervention de la police. Le PHC a affirmé que l'intervention de la police avait permis de "démanteler un vaste réseau criminel à Lokutu". 

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Membres de communautés au cachot de Yangambi, en attendant leur transfert au Prison Central de Kisangani. 
Le 6 novembre 2022, il a été rapporté à RIAO que 21 leaders communautaires étaient en cours de transfert vers la prison provinciale de Kisangani. Alphonse Mongulu a pu éviter d'être envoyé à la prison en payant une forte rançon. Il affirme qu'environ 300 litres d'huile de palme produite sur ses terres ont été emportés par le contingent de policiers et de gardes du PHC. 
 
Le 9 novembre 2022, RIAO a reçu un rapport alarmant selon lequel un leader communautaire faisant partie d'un groupe de 11 personnes originaires de Yakote et Bolombo arrêtées par les forces de PHC et l’arméé/police est mort pendant son transport par bateau vers la prison de Kinsangani. RIAO demande une enquête urgente sur cette situation. 
 
La répression policière et militaire à Lokutu et Boteka a suivi la visite d'une délégation du panel du Mécanisme International de Plaintes pour faire avancer un processus de médiation entre PHC et 11 villages, qui a été initié par les chefs de village il y a plus de trois ans. La médiation proprement dite était censée commencer en novembre de cette année, mais il n'est pas possible qu'un processus de médiation juste se déroule dans un tel contexte d'insécurité et de répression. 

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En mi-octobre 2022, à 25 km de Lokutu, vers Lokumete, le mur d’une maison de travailleur s’est écroulé, rendant la mort à sa femme.
Pourtant, RIAO constate que le PHC tente de mettre en place un processus de médiation parallèle à travers le député national élu du territoire d'Ingende, l'honorable Bompanze. Le RIAO dénonce cette tentative qui peut seulement nuire au processus de médiation du Mécanisme International de Plaintes.
 
Tout cela prend place dans un contexte de dégradation de la vie quotidienne des travailleurs de la PHC. Plusieurs travailleurs ont présenté leurs plaintes sur les détournements des décomptes finales et de la montée à flèche du phénomène de dette Ikotama. Le président du comité des sages de Mokoso a accusé les responsables du service de comptabilité et du personnel de la PHC d'être responsable de cette pratique maffieuse. 
 
En mi-octobre 2022, à 25 km de Lokutu, vers Lokumete, le mur d’une maison de travailleur s’est écroulé rendant la mort à sa femme.

Pour plus d'information :
 
Jean François Mombia Atuku 
PCA/ Manager RIAO-RDC 
Défenseur des droits humains 
Tel : 00243847122824 
Skype : jfmombia
 

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