La branche de la Banque mondiale dédiée au secteur privé – la SFI – doit cesser de financer l’agriculture industrielle

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13 octobre 2022

La branche de la Banque mondiale dédiée au secteur privé – la SFI – doit cesser de financer l’agriculture industrielle

13 octobre 2022

Mesdames et messieurs les dirigeants et directeurs exécutifs de la SFI,

À la suite d’une campagne publique exhortant la Société financière internationale (SFI) à reconsidérer un prêt de 200 millions de dollars au géant de l’agro-industrie Louis Dreyfus (LDC), la SFI s’est engagée à présenter l’intégralité de son portefeuille dans l’agrobusiness au Conseil du Groupe de la Banque mondiale pour examen. Alors que le Conseil d’administration s’interroge sur l’approche de la SFI dans ce secteur, les organisations soussignées vous demandent de saisir cette opportunité pour :

              Prendre en compte les nombreux impacts négatifs des investissements de la SFI dans l’agrobusiness industriel destructeur, en entreprenant une évaluation sociale et environnementale plus approfondie des investissements de la SFI dans le secteur

              Exhorter la banque à cesser d’investir dans l’agriculture industrielle qui alimente la crise climatique, sape la sécurité et la souveraineté alimentaires et est incompatible avec l’engagement de la banque d’aligner ses investissements sur les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et l’Accord de Paris

 Parmi les impacts environnementaux négatifs divers et potentiellement irréversibles des projets d’agrobusiness industriel soutenus par la SFI figurent notamment les émissions excessives de GES de la chaîne d’approvisionnement, l’épuisement et la pollution des ressources en eau, la déforestation et la perte de biodiversité. Au nombre des impacts sociaux négatifs figurent les maladies chroniques et mortelles associées à la dépendance de l’agriculture et de l’élevage industriels aux herbicides, pesticides et engrais synthétiques, ainsi que la pollution de l’air et de l’eau par les déjections animales provenant des exploitations intensives d’engraissement du bétail (CAFO) et les effluents des abattoirs. Des affaires d’accaparement des terres, d’attaques violentes contre les défenseurs et défenseuses des terres autochtones et d’expulsions de paysan·nes ont été documentées dans les pays du Sud et au-delà.

Le soutien apporté par le passé par la SFI à l’agrobusiness industriel destructeur, et l’incapacité chronique de la Banque à prendre correctement en compte les impacts négatifs de ces activités lors des processus de catégorisation des projets et d’évaluation des normes de performance (NP), exacerbent la transgression des limites planétaires, entravent le développement durable et menacent de maintenir hors d’atteinte au moins 15 des 17 ODD (dont l’ODD 1 : « Pas de pauvreté » et l’ODD 2 : « Faim zéro ») et l’Accord de Paris. La SFI contribue également à une concentration accrue dans le secteur alimentaire, ce qui accentue les inégalitésLes exemples suivants mettent en évidence les impacts négatifs des investissements de la SFI dans l’agrobusiness industriel et soulignent les risques qu’ils font peser sur les communautés locales et l’environnement :

Salala Rubber Corporation : L’investissement de 25 millions de dollars de la SFI dans Salala Rubber Corporation (SRC) est toujours actif et remonte à 2008. Vingt-deux communautés autochtones libériennes accusent la SRC de graves violations des droits humains et atteintes à l’environnement, notamment la saisie et l’occupation par la force de terres autochtones, des expulsions forcées sans consentement libre, informé et préalable (CLIP), la profanation de lieux de sépulture et de sites sacrés, des migrations forcées, le non-accès à l’éducation des enfants, le sous-paiement des services écosystémiques, ainsi que la violence et le harcèlement sexistes. Le conseiller-médiateur (Compliance Advisor Ombudsman - CAO) a entrepris une enquête de conformité en septembre 2020, notant que les accusations d’impacts environnementaux et sociaux sont graves, et bien que la documentation de la SFI indique que bon nombre de ces problèmes ont été identifiés, il est difficile de savoir s’ils ont été effectivement traités ou résolus par une diligence raisonnable et une supervision avant l’investissement de la SFI. L’enquête de conformité est toujours en cours.

Pronaca : Malgré l’opposition des groupes de la société civile en Équateur et dans le monde, au printemps 2021, la SFI a accordé un prêt de 50 millions de dollars pour soutenir l’expansion du plus grand producteur de viande et de volaille d’Équateur.  Pronaca, la 4e plus grande entreprise équatorienne, gère plus de 115 installations industrielles porcines et avicoles qui consomment 30 % de la production de maïs du pays. Depuis 2004, la SFI a accordé à Pronaca 170 millions de dollars de prêts. En 2010, les communautés autochtones de la province de Santo Domingo de los Tsáchilas ont déposé une plainte officielle auprès de la SFI, déclarant que les déjections animales des élevages intensifs de Pronaca contaminaient les rivières locales et entraînaient une augmentation des problèmes de santé, notamment des affections cutanées, respiratoires et gastro-intestinales. Malheureusement, la plainte a été classée sans faire l’objet d’une véritable enquête et ces graves impacts perdurent dans un contexte de résistancecroissante. L’investissement de la SFI dans Pronaca est révélateur d’autres investissements problématiques de la Société Financière Internationale dans l’élevage industriel, notamment : Mavin (Vietnam), Guangxi Yangxiang (Chine), MHP (Ukraine), HMH Rainbow (Ouganda), Country Bird (Afrique australe) et Santa Priscila (Équateur) entre autres.  

Olam : En juillet 2022, la SFI a approuvé un prêt de 200 millions de dollars à Olam Company, son dernier investissement en date dans une longue série de financements totalisant plus de 560 millions de dollars de prêts directs depuis 2013, et plus de 228 millions de dollars de prêts indirects depuis 2010, visant à soutenir les plantations industrielles de palmiers à huile et les usines d’huile de palme d’Olam au Gabon. Ce dernier investissement s’inscrit dans le cadre du Programme mondial de lutte contre la crise alimentaire et nutritionnelle de 5 milliards de dollars du Groupe de la Banque mondiale. L’investissement de la SFI soutient l’achat par Olam Agri de blé, de maïs et de soja auprès des lieux d’approvisionnement, à destination des  activités de transformation d’Olam Agri et d’autres clients en Afrique de l’Ouest, en Asie du Sud et du Sud-Est, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Selon au moins une enquête, les plantations de palmiers à huile d’Olam ont entraîné la destruction d’au moins 19 000 hectares de forêt tropicale et ont eu des effets néfastes sur les terres et les droits des communautés locales.

Nicaragua Sugar Estates Limited : En 2008, la SFI a accordé un prêt de 62 millions de dollars à Nicaragua Sugar Estates Limited, une société fortement impliquée dans une grave crise sanitaire au Nicaragua. L’Organisation panaméricaine de la santé affirme que le taux de mortalité lié à l’insuffisance rénale chronique (IRC) au Nicaragua  – soit 6 travailleurs et travailleuses de la canne à sucre sur 10 – est le plus élevé d’Amérique latine. En 2008, une organisation locale regroupant 2 000 anciens travailleurs et travailleuses de la canne à sucre a déposé une plainte auprès du CAO, le mécanisme de recours indépendant de la SFI. Si l’issue de la plainte a conduit à une certaine distribution d’aides financières pour aider les personnes concernées à payer leurs factures médicales, la crise des maladies rénales se poursuit, en raison des conditions de travail difficiles permises par les investissements de la SFI. En avril 2021, la SFI continuait d’investir dans les entreprises sucrières nicaraguayennes. Les activités de Monte Rosa, bénéficiaire de l’investissement actuel, entraînent des problèmes de santé similaires. En fait, ces questions ont été étudiées dès 2005, et des infractions majeures au droit du travail ont été constatées.

BoViMa Madagascar : En 2018, la SFI a approuvé un investissement de 7 millions de dollars dans une entreprise qui souhaitait acheter des zébus de fermes malgaches et exporter la viande vers des pays riches du Moyen-Orient. Le projet BoViMA s’est heurté à un obstacle lorsque le président malgache Andry Rajoelina a interdit l’exportation de zébus l’année dernière. Bien qu’il vise à réduire la pauvreté, le projet a suscité des interrogations en raison de ses impacts négatifs sur la sécurité alimentaire, car il utilise des denrées comestibles pour alimenter le bétail dans l’une des régions les plus pauvres du monde et où l’eau est la plus rare. Une fois complètement opérationnels, l’abattoir et le parc d’engraissement nécessiteraient 120 000 tonnes d’aliments pour bétail et 150 millions de litres d’eau par an. Tout dernièrement, en décembre 2021, cette société a été accusée d’accaparement de terres dans le sud de Madagascar.

La SFI devrait mettre fin au financement de l’agrobusiness industriel

Pour toutes ces raisons, les organisations soussignées demandent l’arrêt du financement par la SFI des projets d’agrobusiness industriel qui reposent sur les monocultures intensives en intrants, les engrais et pesticides de synthèse, les parcs d’engraissement et abattoirs industriels, et l’utilisation d’antibiotiques prophylactiques pour le bétail. Toutes ces pratiques ont des incidences négatives et entraînent des vulnérabilités, notamment des émissions excessives de GES, la déforestation, l’épuisement et la pollution des ressources en eau et la dégradation des écosystèmes. En outre, le financement de l’utilisation des terres et d’autres ressources pour nourrir les animaux plutôt que les personnes aggrave l’insécurité alimentaire et la malnutrition mondiales, tout en entraînant la surconsommation de produits animaux, ce qui augmente la prévalence de maladies liées à l’alimentation dans les économies développées et émergentes.

Les investissements de la SFI dans l’agrobusiness industriel sapent les systèmes alimentaires agroécologiques diversifiés sur lesquels repose la souveraineté alimentaire. Le Groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables voit dans ces systèmes « la diversification des exploitations agricoles et des paysages agricoles, le remplacement des intrants chimiques, l’optimisation de la biodiversité et la stimulation des interactions entre différentes espèces, dans le cadre de stratégies holistiques visant à créer une fertilité à long terme, des agro-écosystèmes sains et des moyens de subsistance sûrs ». Comme l’indique une lettre de 2021 signée par 280organisations de la société civile, la SFI et toutes les banques publiques de développement (BPD) sont tenues de respecter, de protéger et d’appliquer les droits humains, et doivent rendre compte de leurs actes à la population, y compris lorsqu’elles financent des entreprises privées.

Nous demandons instamment au Conseil de faire preuve de leadership en faisant pression sur la SFI pour qu’elle applique des méthodologies de sélection, de classification et d’évaluation beaucoup plus rigoureuses à ses processus de diligence raisonnable et pour qu’elle cesse de financer l’agriculture industrielles, comme l’exige l’engagement pris par la Banque d’aligner ses investissements sur les ODD et l’Accord de Paris. Nous demandons également officiellement que la société civile soit informée du portefeuille d’agriculture industrielle de la SFI et des conclusions pertinentes de la discussion du Conseil.

Nous vous prions de recevoir nos salutations distinguées.

Signataires
 

United States and Canada
350 Seattle
A Growing Culture
A Well-Fed World
ActionAid USA
Adelphi University
Agroecology Fund
Brighter Green
Center for Biological Diversity
DeepAgroecology.org
Fair Start Movement 
Family Farm Defenders
Farmworker Association of Florida
Fish Welfare Initiative
Food & Justice w/ Brenda Sanders
Friends of the Earth US
Global Justice for Animals and the Environment
Government Accountability Project Food Integrity Campaign
Guelph Wellington Climate Initiatives (Canada)
Health Care Without Harm
Inclusive Development International
Integrated Capital Investing
National Family Farm Coalition
Plant Based Treaty (Canada)
Real Food Media
Reducetarian Foundation
The Oakland Institute
Thousand Currents
Thrive Baltimore
Voice for Animals Society(Canada)
Voters For Animal Rights
Waterloo Region Climate Initiatives (Canada)
Wetland Activism Collective
 
Australia and New Zealand
Animals Australia
Australian Food Sovereignty Alliance
LASNET (Latin America Solidarity Network) (Australia)
The Lentil Intervention (New Zealand)
World Public Health Nutrition Association (Australia)
 
Latin America
AJICAM (Peru)
Asociación Ambiente y Sociedad (Colombia)
Asociación de talleres 11 de septiembre (Bolivia)
Asociación Interamericana para la Defensa del Ambiente (AIDA) (Latin America + Caribbean)
Centro de Documentación en Derechos Humanos "Segundo Montes Mozo SJ" (CSMM) (Ecuador)
Finca Sagrada (Ecuador)
Fundación Cauce: Cultura Ambiental, Causa Ecologista (Argentina)
Fundación para la conservación y uso sustentable de los Humedales/ Wetlands 
International (Argentina)
Heñói Centro de Estudios (Paraguay)
Movimento Tapajós Vivo (Brazil)
Network for Social Justice and Human Rights (Brazil)
PAPDA (Haiti)
Project on Organizing, Development, Education, and Research (PODER) (Mexico)
Proyecto ALA Animales Latino América (Colombia)
Sinergia Animal (Brazil)
The Humane League Mexico
World Nutrition Journal (Brazil)
 
Africa
AbibiNsroma Foundation ANF (Ghana)
AICED (DR Congo)
Amis de l'Afrique Francophone- Bénin (AMAF-BENIN) (Benin)
Association pour la défense des droits à l'eau et à (Senegal)
Biotech Services Senegal
Biowatch South Africa
Club Humanitaire sans Frontières (Guinea)
Coalition of African Animal Welfare Organizations (South Africa)
CREDDHO (DR Congo)
Envirosense (South Africa)
Espace de Solidarité et de Coopération de l'Oriental (Morocco)
Femmes Autochtones pour le Développement et l'Environnement (FADE) (Benin)
Green Advocates International (Liberia)
Green Scenery (Sierra Leon)
Jamaa Resource Initiatives (Kenya)
Mazingira Network - Tanzania (MANET)
NGO ASRAD (Mali)
Observatoire d'Etudes et d'Appui à la Responsabilité Sociale et Environnementale (OEARSE) (DR Congo)
PIDP (DR Congo)
Réseau d'information et d'appui aux ONG en République Démocratique du Congo
SUHODE Foundation (Tanzania)
Sustainable Development Institute (Liberia)
 
Asia
Aino Kai (Japan)
Association of Western Japan Agroecology
Bangladesh Food Security Network-KHANi
BioThai-Thailand
Community Empowerment and Social Justice Network (CEMSOJ) (Nepal)
Environmental Protection Society Malaysia
Federation of Indian Animal Protection Organizations (India)
Focus on the Global South (Thailand)
HADAM Malaysia (Right to Food Malaysia)
Indonesia for Global Justice (IGJ) (Indonesia)
Kampung Senang Charity and Education Foundation(Singapore)
KRuHA (Indonesia)
Kyoto University (Japan)
Kyushu University (Japan)
Lembaga Bentang Alam Hijau (LemBAH) (Indonesia)
OATEY (India)
Participatory Research & Action Network- PRAAN (Bangladesh)
Phenix Center for Sustainable Development (Jordan)
Project SEVANA Southeast Asia (Thailand)
Public Health Resource Network (India)
SHARAN (India)
Solidaritas Perempuan (Indonesia)
Vikas Samvad Samiti (India)
 
Europe
Amigos de la Tierra (Spain)
Animal Protection Denmark
Aquatic Life Institute (Spain)
Association Nouveaux Mondes (France)
ATTAC Liège et via Hesbicoop (Belgium)
BankTrack (Netherlands)
Bomenstichting Achterhoek (Netherlands)
Both ENDS (Netherlands)
Compassion in World Farming (UK)
Eurogroup for Animals (Belgium)
Ex CADTM (France)
Feedback (UK)
FIAN Switzerland (Switzerland)
Friends of the Earth England, Wales, Northern Ireland
Friends of the Earth Europe
Friends of the Earth France
Green REV Institute (Poland)
HEKS Swiss Church Aid (Switzerland)
Milieudefensie (Netherlands)
Mouvement de la décroissance (Belgium)
Peuples Solidaires Actionaid France
Policies for Equitable Access to Health-PEAH (Italy)
Profundo (Netherlands)
RealFoodSystems.org (Switzerland)
Schola Campesina (Italy) SOSFAIM(Luxembourg)
Soil Association (UK)
TAPP Coalition (Netherlands)
Urgewald e.V. (Germany)
World Animal Protection Netherlands
 
International
Biofuelwatch (UK/USA)
Compassion in World Farming International 
ETC Group
FIAN International
GRAIN
Institute for Agriculture and Trade Policy
 

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