«Vendange militante» chez LVMH: «L’accaparement des terres conduit à une spéculation foncière importante»

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Libération | 28 août 2022

«Vendange militante» chez LVMH: «L’accaparement des terres conduit à une spéculation foncière importante»

Porte-parole de la Confédération paysanne du Var, Sylvain Apostolo explique les raisons de la manifestation qui s’est déroulée ce dimanche dans le domaine varois de Château d’Esclans, qui appartient au milliardaire Bernard Arnault.


par Samuel Ravier-Regnat

Stop à l’accaparement des terres. C’est le message qu’ont voulu faire passer les quelque 300 manifestants (selon les organisateurs), qui ont pénétré joyeusement ce dimanche matin dans le domaine varois de Château d’Esclans. Situé à La Motte, il est propriété depuis 2019 du groupe LVMH et de son dirigeant Bernard Arnault, à qui les protestataires reprochent des politiques «agressives» qui passent «sous les radars» des autorités de régulation.

A l’appel de la Confédération paysanne et de l’organisation de désobéissance civile les Soulèvements de la Terre, ils ont vendangé une parcelle du domaine du milliardaire, déjà critiqué ces dernières semaines pour l’usage intempestif et violent de son jet privé, puis ont pressé le raisin devant une cave en construction appartenant à ce dernier. «Un symbole fort», pour Sylvain Apostolo, porte-parole de la Confédération paysanne du Var, qui explique à Libération ses motivations.

Quel est l’objectif de cette «vendange militante» que vous avez organisée ce dimanche dans le Var ?

Nous voulons dénoncer l’accaparement de terres qui s’opère par le biais du rachat de parts sociales d’entreprises qui possèdent ou exploitent des terres agricoles. Cette pratique de plus en plus courante permet aux grands groupes financiers de passer sous les radars des dispositifs de régulation actuellement en vigueur, qui ont été pensés par rapport au marché foncier classique et ne sont pas adaptés aux nouvelles stratégies des investisseurs.

C’est-à-dire ?

Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), par exemple, ne sont autorisées à intervenir que si un acheteur acquiert 100% des parts d’une société, ce qui n’est généralement pas le cas. C’est un problème de taille : en 2019, les rachats de parts sociales ont compté pour 6,5% des transactions liées au foncier, mais cela représentait 58,2% des surfaces acquises. La majorité des terres passent donc de main en main en dehors de tout contrôle. Nous avons ciblé le groupe LVMH car il s’agit d’un symbole fort. Bernard Arnault a mis la main sur le Château d’Esclans en achetant 55% des parts de la société et ses stratégies d’acquisition de terres sont très agressives.

Quelles sont les conséquences de l’accaparement des terres ?

Bernard Arnault est en train de se constituer un véritable monopole. Sa propriété comprend environ 140 hectares de vignoble, plus un millier d’hectares qu’il s’octroie en achetant le vin des viticulteurs locaux. L’accaparement des terres conduit à une spéculation foncière importante. Aujourd’hui, les prix sont tellement élevés que ça bloque toute nouvelle installation, notamment pour les jeunes. Il y a un pourtant un véritable enjeu de renouvellement des générations, car près d’un agriculteur sur deux partira à la retraite dans les dix prochaines années. Il faut donc une volonté politique d’installation qui passe par une régulation plus forte. Autre conséquence négative : plus les surfaces agricoles sont vastes, plus les emplois perdus sont nombreux. L’accaparement des terres pose enfin un problème environnemental. Quand on a des domaines qui s’agrandissent, on assiste à une homogénéisation et une uniformisation de la production. Cela va à l’encontre des objectifs de relocalisation et de diversification de notre agriculture portés par le réchauffement climatique.

Fin 2021, le Parlement a adopté définitivement la loi dite Sempastous, censée renforcer la régulation de l’accès au foncier agricole. Est-ce un bon pas en avant ?

C’est clairement insuffisant. Ce texte, dont les décrets d’applications n’ont toujours pas été publiés, a été vidé de son contenu. Les moyens alloués à la régulation sont trop limités. Nous demandons une loi foncière à la hauteur des enjeux, qui renforce le pouvoir des Safer et les moyens mis à leur disposition. Il faut que l’inaction des pouvoirs publics vis-à-vis de ceux qui contournent les dispositifs de régulation cesse.

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