Le gouvernement ne veut pas vendre les terres dominables aux étrangers mais voudrait les leur louer pour des décennies

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Tunisie Numérique | 20 Juin 2022

Le gouvernement ne veut pas vendre les terres dominables aux étrangers mais voudrait les leur louer pour des décennies

Par Mohamed Ben Abderrazek

Le ministre de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche Maritime vient de déclarer aujourd’hui lundi 20 juin 2022 par voie de communiqué sur sa page sur les réseaux sociaux qu’il ne propose pas au niveau du plan de réformes gouvernementales la vente des terres domaniales aux étrangers mais plutôt la possibilité de les louer à des sociétés à participation étrangère avec la révision du taux de celle-ci dans le capital de 66 à 100%.

Le ministère a rappelé, à cet effet, les dispositions de l’article 2 de la loi 56-1969 relative à la réforme de la situation des terres agricoles tel que modifié par la loi 33-1997 qui indique que les terres agricoles ne peuvent être exploitées par les étrangers qu’uniquement en mode de bail. Il a rappelé aussi que l’exploitation en propriété des terres agricoles ne peut se faire que par les sociétés anonymes dont le capital est détenu par des personnes physiques de nationalité tunisienne et ce, en vertu des dispositions de l’article 4 de la loi 43-1989.

Néanmoins, il est à noter que le 8 juin 2022, le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche Maritime a publié sur sa page officielle sur les réseaux sociaux un aperçu de l’état d’avancement de la mise en œuvre du programme de réforme du ministère pour le premier semestre de l’année en cours et les mesures prises dans certains domaines vitaux relevant de la compétence du ministère.

Selon le ministère, des mesures seront pris pour relancer l’investissement dans le secteur agricole, notamment la suppression du plafond de participation étrangère au capital des entreprises agricoles, actuellement fixé à 66% à 100%, et l’octroi du droit aux investisseurs ayant des projets d’importance nationale de louer des terres agricoles domaniales gré à gré sans passer par les procédures d’appels d’offres. L’administration aura, selon le ministère d’Agriculture, le pouvoir discrétionnaire pour accepter ou de rejeter les offres proposées.

Commentant ces mesures, l’Observatoire tunisien de l’économie a estimé qu’elles ouvrent la porte au phénomène dit « d’accaparement des terres », par la location ou la vente de vastes terres agricoles au profit d’investisseurs souvent étrangers.

Selon l’Observatoire, les « réformes » visant à permettre à l’investisseur étranger de posséder des terres tunisiennes ne sont pas récentes. Elles ont été évoquées en 2013 dans le projet de loi sur les investissements, où des chapitres ont été proposés qui permettraient à l’investisseur étranger de posséder des terres agricoles tunisiennes, mais sous la pression des de la société civile, ils ont été abandonnés.

A propos de ce projet, le gouvernement tunisien a également reproposé le sujet sous une autre forme dans le cadre de la loi sur l’amélioration du climat des investissements en 2019, ce qui a incité l’Observatoire de s’interroger à nouveau sur l’objectif de la proposition du gouvernement actuel de permettre aux étrangers d’être pleinement propriétaires de terres agricoles.

Cependant, il est important de noter que la formule de bail des terres domaniales est de plus en plus courante dans plusieurs pays du monde connues par la sous-traitance de leurs terres aux multinationales opérant généralement dans l’agriculture industrielle (bioéthanol, coton, huiles végétales, etc.) loin de toute considération liée à la sécurité alimentaire nationale.

En dépit de son communiqué d’aujourd’hui, le ministre de l’agriculture reste toujours muet quant à plusieurs questions fondamentales concernant son projet « réformateur » relatives notamment aux rapatriements des revenus des sociétés étrangères exploitant des terres agricoles en Tunisie, à la durée du bail qui est généralement de longue durée et à la nature des exploitations agricoles faites par des étrangers en relation avec les priorités de la sécurité alimentaire au pays.

Rappelons que durant la colonisation française de la Tunisie, les terres les plus fertiles étaient l’un des grands enjeux économiques pour les occupants et étaient vendues ou louées à des sommes symboliques aux colons français. Avec l’indépendance, les autorités tunisiennes ont dû ardument négocier avec les autorités françaises afin que ces terres soient restituées pour renforcer l’indépendance du territoire tunisien, ainsi que la sécurité alimentaire de sa population.

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