En Roumanie, une agriculture de subsistance aux côtés des agroholdings

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Les fermes de plus de 500 ha sont pour l’essentiel financées par des capitaux privés étrangers ou des fonds d’investissement. (photo Nicolas Lefebvre)
Avenir Agricole 09-04-2020

En Roumanie, une agriculture de subsistance aux côtés des agroholdings

Gérant d’une exploitation agricole en Roumanie, Nicolas Lefebvre était l’invité d’une journée organisée par l’association Base en février dernier, à Soudan (Loire-Atlantique). L’occasion de présenter l’évolution de l’agriculture d’un pays qui compte dans le paysage européen.

Pays d’une superficie deux fois inférieure à celle de la France, la Roumanie compte 3,4 millions d’exploitations agricoles ! Mais seulement 1,8 % en bio pour cause de contrats de fermage précaires. Après guerre, de 1949 à 1962, la collectivisation forcée des terres a abouti à la création de kolkhozes. De grandes structures normalisées ont vu le jour dans tout le pays et le territoire a été divisé en zones de production dédiées. “C’était des entreprises peu mécanisées destinées à occuper la population”, présente Nicolas Lefebvre, qui gère une exploitation de 1 600 ha dans l’ouest du pays. Pour peupler la zone désertée du Baragan au sud-est, le parti unique a procédé à des déportations massives de population. “En dix ans, c’est devenu le grenier à blé de l’est de l’Europe !” Les productions ont été normalisées. Des modèles se sont imposés dans tous les secteurs. “On trouvait les mêmes étables laitières partout. Il n’y avait qu’un seul modèle de tracteur Someca avec lequel ils ont travaillé tout le pays pendant quarante ans.”

Remembrement financier

1989, fin du communisme. Pendant les années quatre-vingt-dix, les kolkhozes ont été démembrés et les terres restituées aux habitants. “De l’ouvrier agricole au directeur, chacun avait droit à un ou plusieurs hectares.” Les familles qui pouvaient prouver leur propriété avant la collectivisation ont pu récupérer leur domaine.

De 2000 à 2007, la Roumanie a vécu un “remembrement financier” préalable à l’adhésion à l’Europe. Les Italiens et les Allemands ont acheté des terres en masse, parfois à moins de 100 euros l’hectare. “C’était un coup de poker. Il y avait peu d’intrants pour les cultiver et le risque politique était réel !” L’adhésion à l’Union européenne s’est accompagnée de versements des subventions Pac, à condition que les terres soient exploitées... “La plupart des Italiens ont revendu les parcelles tandis que les Allemands se sont mis à travailler.” Sous l’impulsion des fonds Feader, l’agriculture évolue, le parc matériel s’améliore et l'agrobusiness fleurit.

Fermes de 1 à 56000 ha

Aujourd’hui, la Roumanie compte quatre grands types de structures agricoles. Une grande majorité de fermes exploitent entre 1 et 5 ha pour une agriculture de subsistance sur des terres redistribuées. “C’est la catégorie la plus représentée en nombre de personnes mais la moins importante en surface.” Tous élèvent des porcs et cultivent du maïs pour nourrir les cochons et les volailles. Pourquoi le maïs ? “Ils peuvent tout faire à la main, le semis, le binage, la récolte et le dépanouillage des épis l’hiver. Les plus petites fermes n’ont aucun matériel.”

Plus grandes, les “petites fermes familiales” de 5 à 100 ha n’ont pas de corps de ferme, ni d’employés. Ces paysans travaillent avec du très vieux matériel qui dort dans la cour de la maison. “Ils ne sont pas du tout techniciens, le peu de production qu’ils tirent est mal vendue.”

Les “grosses fermes familiales” de 100 à 500 ha sont pour l’essentiel en fermage, les terres sont financées avec des capitaux locaux. La rotation est basée sur quatre à cinq cultures. Les fermiers embauchent quelques employés, donc “le patron ne monte pas sur le tracteur”. Ils achètent du matériel d’occasion venu de l’Ouest avec le Feader. “C’est un peu plus professionnel, mais leur technique est très encadrée par l’agrobusiness. Ils appliquent la dose préconisée sur le bidon.” Leur production est “correcte” mais comme elle n’est pas stockée, elle est mal valorisée.

Un seul itinéraire

Enfin, les agroholdings comptent de 500 à 56 000 ha pour la plus grosse. Les terres sont en propriété ou en fermage sous concession d'Etat pour une durée de dix à quarante-neuf ans. Ces fermes sont financées par des capitaux privés étrangers ou des fonds d’investissement. “Ce sont des nouveaux riches locaux qui ont eu le nez fin en 1990.” Leur équipement est à la pointe et ils ont construit des silos de stockage. “Ils sont très techniques mais avec un seul itinéraire. Ils travaillent 1 000 ha comme un seul.” Le management est étranger, soumis à un raisonnement financier. Grâce à la technique et à la génétique, les rendements sont en constante progression. “En blé, ils ont doublé pour atteindre 80 q/ha en 2016-2017.”

Sabine Huet

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