Au Cameroun, péril sur la sécurité et la souveraineté alimentaire


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Scoops d'Afrique | 21 novembre 2019

Au Cameroun, péril sur la sécurité et la souveraineté alimentaire

Un rapport préparé et rédigé par le Réseau des Acteurs du Développement Durable (RADD) confirme à suffisance que les grandes sociétés de monoculture agro-industrielle implantées dans les sites de Mbondjo et Edea, dédiés à la culture du palmier à huile, les sites de Nkoteng et Nanga-Eboko où le Riz est cultivé et le site de Niete avec la culture de l’hévéa sont responsables des injustices environnementales et sociales qui affectent les femmes riveraines.

par Nestor Nga Etoga

Les plantations agro-industrielles à  grande échelle prolifèrent en Afrique occidentale et centrale, notamment dans les zones forestières où les femmes pratiquent l’agriculture de subsistance pour les cultures annuelles et les légumes afin de nourrir leurs familles. La foret est également la source de Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) et d’autres plantes médicinales qui contribuent de manière significative au bien-être des femmes et de leurs familles. Le développement des plantations implique l’occupation des terres coutumières traditionnelles et la destruction des forets dont les femmes et leurs familles dépendent pour leur subsistance.

En général, les femmes sont souvent exclues des processus de prise de décisions concernant le sort de leurs terres et sont généralement discriminées pour tous les avantages découlant de l’utilisation de leurs terres et même persécutées si elles se mobilisent pour défendre leurs droits.

En 2017, au cours de 16 jours d’activisme contre la violence à  l’égard des femmes régulièrement organisés par les Nations Unies, le RADD a piloté une vaste campagne qui a abouti à  un appel à  signer une pétition dénommée : « Les femmes africaines exigent que les grandes entreprises de monoculture rendent leurs terres et cessent la violence». Cette activité s’est poursuivie jusqu’en janvier 2018 et a vu un public mondial recevoir cette pétition favorablement et la signer.

La pétition et les signatures ont été remises au ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, ainsi qu’à  la Représentation Nationale de l’Union Européenne et à  ONU Femme pour action.

Le RADD, dans le but de mener des actions plus concrètes sur le terrain et lutter ainsi plus efficacement contre les abus des droits des femmes autour des grandes plantations de monoculture, a mené cette étude sur le thème « Rendre les grandes sociétés de monoculture agro-industrielle responsables des injustices environnementales et sociales qui affectent les femmes ».

L’étude poursuit un triple objectif : i) de recueillir les cas d’abus subis par les riveraines des entreprises de monoculture sur les sites retenus ; ii) de mieux cerner les cas pertinents pouvant faire l’objet d’un suivi judiciaire, et iii) de Soutenir / faciliter la formation de groupes de femmes et convenir de stratégies pour commencer à  résoudre les problèmes soulevés.

Etant donné les missions du RADD, les injustices qui affectent les femmes riveraines sont analysées ici à  l’aune de l’atteinte de l’ODD 5 et indirectement des ODD 1,2, 3, 4, 6, 7 et 16, ainsi que de leur cible.

La méthodologie consiste à  visiter les communautés autour des plantations et à  faciliter les discussions entre femmes pour documenter des cas spécifiques d’abus de leurs droits. L’étude vise les communautés des régions du Sud, du Littoral et du Centre du Cameroun. Environ 5000 personnes vivant au bord ou dans ces grandes plantations agricoles. Le RADD travaille avec 4 (quatre) communautés différentes dans ces 3 régions. Les données sont collectées par l’observation et l’enquête par questionnaire auprès des riveraines dans les sites choisis pour l’étude, notamment les sites de Mbondjo et Edea dédiés à  la culture du palmier à huile, les sites de Nkoteng et Nanga-Eboko où le Riz est cultivé et le site de Niete avec la culture de l’hévéa. Les données ainsi collectées on fait l’objet d’analyses de contenu et d’analyses descriptives au moyen du logiciel Excel.

Les principaux résultats révèlent les enseignements ci-après : i) Premièrement, les riveraines des plantations industrielles de monoculture vivent essentiellement de l’agriculture, soit 80% de l’échantillon. Deuxièmement, les riveraines des plantations industrielles de monoculture sont pauvres. Ainsi, 54% sont chefs de famille monoparentale. ii) En outre, 82% des familles de l’échantillon sont composés d’au moins cinq (05) personnes. Le revenu mensuel est inférieur à  35.000 FCFA pour 62% des femmes interrogées. Au final, le revenu moyen par tête dans ces familles est de 233 FCFA par jour, soit moins de 0,5 US$ par jour, alors que le standard selon les Nations-Unis pour les couches les plus pauvres est de 1,9 US$ par jour. iii) Troisièmement plusieurs abus environnementaux et sociaux expliquent cette pauvreté extrême.

Les cas d’abus les plus fréquemment dénoncés par les personnes enquêtées sont : i) l’accaparement des terres, ii) la destruction des forets et la disparition des essences, iii) l’interdiction de cueillir et de consommer les produits de sa propre plantation, iv) les violences sexuelles, v) la création des plantations sous des installations de transport électrique de haute tension, vi) l’interdiction faite aux riverains d’accéder aux infrastructures et services sociaux des entreprises de monoculture (centre de santé, écoles), vii) la dangerosité des tranchées creusées par les sociétés de monoculture pour empêcher les entrées des riverains dans leurs exploitations.

S’agissant des cas pertinents pouvant faire l’objet d’un suivi judiciaire. De nombreux cas sont répertoriés et classés selon la nature de l’infraction en procédure civile, procédure pénale et procédure sociale.

Sur le plan civil, la principale infraction identifiée porte sur l’atteinte des entreprises aux droits fonciers coutumiers des riverains.

Sur le plan pénal, les infractions perpétrées par les entreprises de monoculture portent notamment sur des : i) atteintes à  la tranquillité et l’intimité des personnes, ii) abus d’autorité et de fonction, iii) atteintes à  la sécurité publique, iv) atteintes à  la santé publique, v) offenses sexuelles, vi) retentions abusives de biens, vii) atteintes aux biens, viii) atteintes à  la paix et à  la liberté des personnes, ix) violences et voies de faits volontaires, x) atteintes à  l’environnement, atteintes à  l’intégrité physique.

Sur le plan social, les infractions portent sur les atteintes au droit du travail et de la sécurité sociale sont les plus nombreux. Ce sont notamment les violations des règles en matière de travail et de sécurité sociale manifestées par : l’absence de contrat de travail ou d’embauche signé, le non renouvellement desdits contrats, les contrats d’essai signés à  durée prolongée dépassant les seuils prévus par la loi du travail, la non immatriculation et de la non affiliation des employés  à  la sécurité sociale, la non déclaration du travailleur à  la date d’embauche, des salaires dérisoires non conformes à  la grille catégorielle salariale, ni en respect du travail fourni et des heures de travail, des salaires largement inférieurs au SMIG, des affectations catégorielles, professionnelles non conformes à  la loi du travail, des conditions de travail alarmantes, primitives et précaires,  le  non reversement des cotisations sociales, des licenciements abusifs, des frustrations et intimidations, la non prise en compte de l’ancienneté (avec manque d’impact sur le salaire), le non octroi des congés (maternité, annuel), l’affiliation à  la sécurité sociale sans  reversement des cotisations sociales, le non-paiement des primes et indemnités de travail (logement, rendement, heures supplémentaires, etc.), la non prise en charge en cas de maladie ou de risque professionnel, le non-paiement des droits et avoirs successoraux des conjoints survivants (veuves) et  ayants droit, le non-paiement  des droits à  la retraite (pension vieillesse), le chantage et les violences  sexuelles, la non existence d’un réel service médical et hospitalier, le non-paiement des allocations familiales, le non alignement des descendants et progéniture des employés au rang des fichiers de la sécurité sociale.

Sur la base de ce qui précède, l’étude confirme à  suffisance que les grandes sociétés de monoculture agro-industrielle sont responsables des injustices environnementales et sociales qui affectent les femmes riveraines.

Il apparaît alors opportun d’apporter du soutien à  la formation de groupes de femmes ou à  l’encadrement des groupes de femmes existants pour commencer à  résoudre les problèmes soulevés. Les actions du RADD et de tous les autres acteurs soucieux du bien-être des riverains sur ce plan sont mises en perspective. Elles portent notamment sur : i) l’assistance psychologique, intellectuelle et juridique des associations existantes des femmes riveraines des plantations de monoculture industrielle dans la défense de leurs droits et de leur patrimoine ; ii) L’assistance technique et intellectuelle des femmes riveraines non constituées en associations à  la création d’associations de défense de leurs droits et patrimoine ; iii) La recherche de financement des actions d’encadrement des associations de femmes riveraines.
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