Ces Belges qui cultivent la pomme de terre illégalement dans l’Oise

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Dans les Hauts-de-France, il y aurait une dizaine de milliers d’hectares qui seraient en sous-location dans la région. (LP/Juliette Duclos)

Le Parisien | 9 juin 2019

Ces Belges qui cultivent la pomme de terre illégalement dans l’Oise

Juliette Duclos

Pour alimenter un marché en pleine expansion, ces agriculteurs sous-louent des parcelles françaises à prix d’or. Un phénomène illégal et tabou qui, après le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme, arrive peu à peu dans le département.

« On les voit arriver avec leur camion et leur matériel, raconte un agriculteur qui préfère rester anonyme. Et ils plantent, pendant 15 jours, 24 heures sur 24. Et en septembre, ils repartent avec la récolte en camions. » Ils ? « Les Belges », bien sûr. « Il y a en a tout autour de nous, soupire-t-il. Avant, on n’en avait pas… »

Autrefois cantonné aux départements limitrophes de la Belgique, le phénomène de sous-location des terres agricoles s’étend de plus en plus. Il est désormais bien implanté dans l’Oise. « Cela s’accélère depuis un ou deux ans », confirme Thierry Dupeuble, directeur adjoint de la Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (Draaf) des Hauts-de-France.

Avec un objectif : satisfaire la consommation de frites et de chips qui explose… de l’autre côté de l’hémisphère, au Brésil, en Afrique du Sud, au Mexique ou encore en Indonésie. S’il est impossible de quantifier avec exactitude son ampleur, il y aurait une dizaine de milliers d’hectares qui seraient en sous-location dans la région, selon la Draaf.

Plus de 1 000 € pour un hectare

Initialement surnommée « contrat patate », cette pratique permet à des exploitants de cultiver une parcelle déjà louée à un agriculteur français. Et ce, à l’insu du propriétaire… « C’est le jackpot pour un an », estime un paysan. « Plus la rémunération proposée est intéressante et moins le fermier est enclin à le dire », complète Thierry Dupeuble. Si un fermier loue son hectare une centaine d’euros, les industriels belges peuvent alors proposer « entre 1 200 et 1 500 € » pour la même parcelles.

« Ils n’ont pas d’intérêt à devenir eux-mêmes locataires en France, insiste Laurent Degenne, président du syndicat agricole, FRSEA Hauts-de-France. Ce qui les intéresse, c’est la quantité. Ils produisent pendant un an et l’année d’après, ils vont sous-louer une autre parcelle ailleurs. » Et ainsi, plus besoin de faire tourner les cultures, pour éviter le développement de maladies sur les tubercules. « C’est de l’agriculture délocalisée, car après, toute la transformation se fait dans des usines de l’autre côté de la frontière », s’énerve le représentant syndical.

Plutôt que l’appât du gain, les professionnels rencontrés préfèrent évoquer la précarité du métier. « Faut se rappeler qu’il y a des mecs, en France, qui vivent avec 300 € par mois et des tracteurs qui ont 50 ans… Quelqu’un arrive, leur propose de l’argent, ils acceptent mais faut pas leur jeter la pierre, estime un agriculteur. Ce sont des gars qui cherchent une bouffée d’air financière. » Pour lui, « les Belges » démarcheraient ainsi principalement des fermiers, « proches de la retraite ». Selon une étude de la Mutualité sociale agricole (MSA) de 2016, un tiers des agriculteurs français touche moins de 350 € par mois.

Des produits phytosanitaires non-homologués dans les champs de l’Oise ?

« Il y a des producteurs belges qui cherchent à louer des terres et qui en trouvent, reconnaît Romain Cools, secrétaire général de l’association belge des professionnels de la filière Belgapom. Ce n’est pas légal, mais ce sont les agriculteurs qui font l’erreur de louer. » Au risque de voir leur bail résilié si la sous-location est repérée. Pour autant, Romain Cools l’assure, le phénomène reste marginal en comparaison des « 500 000 t de pommes de terre importées légalement depuis la France chaque année ».

Malgré tout, la pratique inquiète. « L’entreprise belge qui arrive pour faire ses travaux, avec ses plants de pomme de terre et ses produits phytosanitaires, on ne contrôle plus rien », dénonce un fermier. « Ils épandent des pesticides que l’on n’a pas le droit d’utiliser », renchérit un autre. Pour ces agriculteurs oisiens, c’est sûr, des « phytos » non homologués en France ont débarqué dans nos champs. Pour le moment, aucun produit interdit dans l’Hexagone n’a été retrouvé lors de contrôles, indique-t-on à la Draaf.

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