Une alimentation adéquate pour la population malgache d'abord, exporter après

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Brochure de l'EDBM
Collectif pour la défense des terres malgaches | 18.02.2019

UNE ALIMENTATION ADEQUATE ET DURABLE POUR LA POPULATION MALGACHE D’ABORD, EXPORTER APRES

Un Colloque International de 3 jours intitulé « La redynamisation des Organisations Paysannes pour un développement rural durable » aura lieu à Antananarivo à partir du 20 février prochain à l’Ecole supérieure des sciences agronomiques pour son 55e anniversaire. L’annonce de cet évènement donne l’occasion au Collectif TANY de partager la suite de ses réflexions sur le concept « Madagascar, grenier de l’Océan Indien » qui avait fait l’objet de deux communiqués en 2013. Le premier (1) demandait aux concepteurs et décideurs d'éviter d'accaparer les terres malgaches et de ne pas léser la sécurité alimentaire de la population de Madagascar, sollicitait des études approfondies et une totale transparence sur le projet et ses impacts négatifs et positifs pour les petits exploitants malgaches en termes de cartographie des zones identifiées,  mode de production agricole prévu, et revenus attendus des taxes à l'exportation. Le titre du deuxième communiqué était : "Que les paysans ne deviennent ni les oubliés ni les victimes" (2). Les mêmes inquiétudes et questions sont soulevées aujourd'hui face aux nouvelles appellations et au nouveau contexte.

Le PRESAN est la continuité du projet de la MADAGASCAR, GRENIER DE L’OCEAN INDIEN de 2013

Lors du dernier jour de ce Colloque sera présenté le PRESAN, Programme Régional pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition, annoncé en 2016 pour la période 2017-2022 par la Commission de l’Océan Indien (COI) (3).

Il s’agit d’une évolution ou une nouvelle version du projet « Madagascar, grenier de l’Océan Indien » de la Commission de l’Océan Indien - COI de 2013 (3), dont les objectifs étaient que Madagascar produise et exporte pour les 4 îles de l’Océan Indien, afin que celles-ci n’importent plus de produits vivriers agricoles, incluant la viande, de pays lointains comme ceux d’Amérique du Sud. Les principales cultures concernées - riz, maïs, oignons, légumineuses - concernent  les produits essentiels consommés par les Malgaches mais une augmentation des surfaces consacrées à l’exportation risque aussi de porter atteinte aux surfaces cultivées pour l’ensemble de la consommation locale.

La question fondamentale qui se pose face à cet objectif d'exportation est de savoir comment les responsables de ce projet à tous les niveaux peuvent assurer que, dans le contexte actuel, la sécurité alimentaire des Malgaches sera effective, alors qu’elle s’avère urgente et prioritaire face à la disette et à la malnutrition qui sévissent à Madagascar.

Cependant le document du PRESAN ne montre pas l’existence d’études réalisées au préalable et sur lesquelles ils s’appuieraient pour atteindre tous les objectifs annoncés et plus particulièrement celui d’assurer la sécurité alimentaire des Malgaches.

« Madagascar, grenier de l’Océan Indien » vise à exporter les produits dans le monde entier selon l’EDBM.

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Extrait de la brochure
Le concept de « Madagascar, grenier de l’Océan Indien » est repris désormais par d’autres dont l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM).

En 2017, pour attirer les investisseurs à faire de l’agribusiness à Madagascar (4), cette agence rattachée à la présidence de la République et financée par la Banque Mondiale met en avant la location des terres (10 USD/ha/an) et les salaires des ouvriers à bas prix (salaire minimum 70 USD), mais aussi des exportations avantageuses grâce aux nombreux accords signés entre l’Etat malgache et d’autres organisations régionales et internationales (COMESA, SADC,  AGOA, …)

L’exportation de produits vivriers n’est donc plus envisagée uniquement vers les 4 îles de l’Océan Indien, mais pour les pays du monde entier et ne se limite plus aux épices, à la vanille, aux litchis et aux crevettes.

Ces exportations commencent à avoir des conséquences sur le marché national.

Par exemple, Madagascar importe du riz à hauteur de 500 000 tonnes par an (5) mais en exporte aussi - sous la variété de riz rose quelques centaines de tonnes - que les collecteurs achètent en priorité. Mais ils délaissent la variété locale makalioka très prisée par la population et que les paysans n’arrivent plus à écouler vers les marchés. (6)

Selon la presse, l’augmentation des exportations du riz et autres denrées est une des causes de la hausse des prix sur le marché local. (7)

La nécessité d’une première transformation à Madagascar avant l’exportation est la nouveauté introduite par l’I.E.M.

Les nouvelles autorités malgaches ont été élues sur la base de promesses de campagne réunies sous l’intitulé Initiative pour l’Emergence de Madagascar (IEM). Aujourd’hui les citoyens attendent de connaître dans le détail le programme pour chaque ministère. En ce qui concerne l’agriculture, il y a un flou entretenu sur les choix politiques en matière d’exportation et de développement rural.

Lors la cérémonie de passation de service, le nouveau Ministre de l’Agriculture a affirmé que « les travaux réalisés par l’ancien ministre au cours des 15 derniers mois seront poursuivis ». Or dans la version de l’IEM dont nous avons pu prendre connaissance, un passage contredit cette volonté de continuité, tout en insistant sur la place primordiale accordée aux exportations dans le développement du pays. (8)

Il est écrit que « depuis l’avènement de l’indépendance […] aucun programme économique national n’a mis en avant une véritable industrialisation de Madagascar. Aucune réflexion claire n’a été entamée pour définir une stratégie de croissance tirée par l’exportation de produits transformés. Les programmes réalisés ont tous eu comme base d’orientation la valorisation du milieu rural par le développement du secteur agricole. L’objectif stratégique était invariablement la satisfaction des besoins alimentaires. En cas d’excédent seulement, est envisagée l’exportation. Ambition : faire de Madagascar le grenier de l’Océan Indien. L’objectif sous-jacent demeure l’augmentation de la production agricole, facteur de l’amélioration du niveau de vie du milieu rural qui constitue 80% de la population. Un raisonnement vicié qui ne peut déboucher sur le développement de Madagascar ».

Le Collectif TANY réitère donc sa demande de mettre à la disposition du grand public la totalité du document Initiative pour l’Emergence de Madagascar, ainsi que sa concrétisation en termes de Politique Générale de l’Etat déclinée dans chaque ministère.

Conclusion

Le Colloque sur la redynamisation des Organisations Paysannes sera intéressant à plus d’un titre car il permettra de mieux connaître la stratégie des différents acteurs par rapport aux paysans et au droit à l’alimentation des Malgaches. Ces questions sont d’autant plus d’actualité que les autorités privilégient comme principal outil de développement la multiplication de Zones Economiques Spéciales (ZES), en particulier Agricoles, qui mettent en péril l’indépendance et l’avenir des exploitations paysannes malgaches.

Le Collectif TANY encourage l’ensemble des paysans malgaches :
  • à persévérer dans la pratique de l’agriculture familiale paysanne dont le principal bienfait est de donner du travail et de la nourriture à tous les membres de la famille et de pouvoir vendre les surplus ;
  • à ne pas céder aux sirènes de la monoculture en vue de l’exportation des récoltes, mais à développer davantage la polyculture et la pluriactivité, vrais remparts face aux vicissitudes de la vie, car cela offre d’autres sources d’alimentation et de revenus en cas de maladie ou autres catastrophes (9)
Nous invitons les décideurs à soutenir le développement de l’agriculture familiale par différentes mesures d’accompagnement qu’ils détermineront à la suite de l’écoute des paysans et d’échanges permanents avec eux.

A travers ce plaidoyer, le Collectif TANY ne s’oppose ni à la coopération régionale, ni aux exportations de produits agricoles, mais cela doit faire l’objet de concertation notamment avec les paysans et d’études approfondies préalables en termes d’impact pour ne pas léser les intérêts de la majorité de la population malgache et aggraver l’insécurité alimentaire.

Paris, le 18 février 2019

Le Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY


[email protected]; http://terresmalgaches.info; www.facebook.com/TANYterresmalgaches

Références :

(1)    http://terresmalgaches.info/spip.php?article65

(2)   http://www.terresmalgaches.info/spip.php?article74

(3)    http://commissionoceanindien.org/activites/securite-alimentaire/la-coi-presente-son-programme-regional-de-securite-alimentaire-et-nutritionnel-presan-formule-avec-lappui-technique-de-la-fao-26-avril-16-antananarivo/;

- http://commissionoceanindien.org/fileadmin/resources/Securite_alimentaire_axe_3/Concept_note_securite_alimentaire_COI_2014_v_30.1.pdf

(4)    http://edbm.mg/wp-content/uploads/2018/09/INVEST-IN-AGRIBUSINESS.pdf         

(5)    http://www.newsmada.com/2018/02/22/commerce-les-importations-de-riz-en-hausse-de-170/

(6) https://www.newsmada.com/2019/01/29/alaotra-tsy-mividy-makalioka-ny-mpanangom-bokatra/

(7)  https://www.madagascar-tribune.com/Les-prix-augmentent-a-cause-de-l-exportation.html

(8) http://www.newsmada.com/2019/01/29/agriculture-lucien-ranarivelo-vise-lautosuffisance-en-riz/

(9)  http://mg.one.un.org/content/unct/madagascar/fr/home/presscenter/actualites-et-communiques-de-presse/lutte-phytosanitaire-contre-la-chenille-legionnaire-dautomne.html
   
  •   TANY
  • 18 February 2019

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