Un milliard de dollars de Harvard dans un fiasco lié aux terres agricoles

GRAIN et Rede Social de Justiça e Direitos Humanos | 6 septembre 2018

Un milliard de dollars de Harvard dans un fiasco lié aux terres agricoles

Medium__fr_final_pdf_harvard-1
 
 

L’un des principaux acquéreurs de terres agricoles au monde est sur la sellette en raison de conflits fonciers, de destruction de l’environnement et d’investissements à risque. Un nouveau rapport de GRAIN et de Rede Social de Justiça e Direitos Humanos1 présente, pour la première fois, une analyse exhaustive des investissements controversés de l’Université Harvard dans les terres agricoles au niveau mondial.

Le rapport constate que:

  • Le Fonds de dotation de Harvard a dépensé environ un milliard de dollars pour faire l’acquisition d’environ 850 000 hectares de terres agricoles à travers le monde, faisant de l’Université l’un des investisseurs agricoles les plus importants et les plus géographiquement diversifiés du monde.
  • Les acquisitions de terres agricoles de Harvard se sont faites sans faire preuve de diligence raisonnable et ont contribué au déplacement et à l’intimidation de communautés traditionnelles, à la destruction de l’environnement et à des conflits liés à l’eau. Les conséquences de ces ententes sont particulièrement désastreuses au Brésil où le Fonds de dotation de Harvard a fait l’acquisition de près de 300 000 ha de terres dans le Cerrado, la savane qui possède la plus importante biodiversité mondiale.
  • Les investissements opaques de Harvard ont engendré des rémunérations exceptionnelles pour les administrateurs du Fonds et les partenaires d’affaires, mais ont échoué en tant que stratégie d’investissement pour l’Université.

Le rapport exhorte les étudiants, le personnel enseignant et les anciens étudiants de Harvard

  • à exiger que le Fonds de dotation de l’Université cesse l’ensemble de ses investissements dans les terres agricoles
  • qu’il prenne des mesures immédiates pour résoudre les conflits fonciers liés à ses propriétés foncières actuelles
  • et qu’il s’assure que les communautés affectées soient indemnisées adéquatement pour les dommages subis.

« L’eau. C’est terminé. »

Medium_2_palmerina_ferreira
Palmerina Ferreira Lima devant sa maison dans le village de Melancias, État de Piauí, Brésil. (Foto: Rosilene Miliotti / FASE)

Palmerina Ferreira Lima est une femme âgée de 77 ans vivant à Melancias, un village situé sur les rives de la rivière Uruçuí Preto dans l’État brésilien de Piauí. Depuis plus de 100 ans, sa communauté, située dans la partie nord de la région du Cerrado, a bien vécu grâce aux terres fertiles, à la savane luxuriante et aux eaux abondantes. Mais ces bons jours sont maintenant de l’histoire ancienne.2

Il y a quelques années, de puissants entrepreneurs clôturèrent les terres entourant le village et érigèrent d’immenses plantations industrielles de soja. La communauté de Palmerina fut coupée des terres dont ils dépendaient depuis des générations pour nourrir leur famille. Ils commencèrent par la suite à souffrir de nouveaux problèmes de santé causés par la pulvérisation aérienne de pesticides, lesquels se propagent des fermes jusqu’à leurs demeures. Les pesticides ont aussi détruit leurs récoltes et contaminé leurs sources d’eau locales. Ces nombreuses rivières et sources, qui étaient jadis abondantes et poissonneuses, s’assèchent dû à la déforestation et à l’irrigation sur les plantations.

« L’eau. C’est terminé. Il n’en reste presque plus. Nous avons peur de mourir de soif. Si seulement ces projets prenaient fin, l’eau reviendrait. Mais ils ne s’arrêtent pas. Ils s’arrêteront probablement lorsque la rivière sera à sec », raconte Palmerina.

Bien que les gens de Melancias n’en sachent rien, l’une des fermes qui leur infligent ces conséquences est détenue par l’Université de Harvard. L’implication de Harvard n’est pas évidente parce que la propriété de l’Université de l’Ivy League est dissimulée derrière une entreprise gérée par ses partenaires locaux. Harvard a conclu des contrats avec ces entrepreneurs pour acquérir les terres et exploiter les fermes en son nom. Très peu de gens savent aussi que le même groupe commercial brésilien a acquis au moins cinq autres fermes dans la même région pour le compte de Harvard, et ce, en engendrant des conséquences similaires pour les communautés locales. Ce groupe n’est qu’un seul des trois groupes commerciaux brésiliens avec lesquels Harvard a travaillé dans le but d’acquérir près de 300 000 ha de terres agricoles dans le nord-est du Cerrado brésilien entre 2008 et 2016, faisant de Harvard l’un des plus importants propriétaires fonciers agricoles du pays.

Les actifs en terres agricoles de Harvard au Brésil ne sont qu’un morceau de l’immense casse-tête qui se cache derrière un réseau opaque d’entreprises qui acquièrent des terres agricoles à travers le monde pour le compte de l’Université. Nos recherches ont révélé que, au cours de la dernière décennie, Harvard a utilisé diverses structures d’entreprises pour acquérir de vastes terres agricoles au Brésil, en Afrique du Sud, en Russie, en Ukraine, en Nouvelle-Zélande, en Australie et aux États-Unis. Dissimulé aux yeux du public, le Fonds de dotation de l’Université a discrètement accumulé, en moins d’une décennie, l’un des portefeuilles de terres agricoles les plus imposants de l’ensemble des sociétés financières du monde.

La ruée de Harvard sur les terres agricoles

L’Université de Harvard s’est mise à acheter des terres agricoles tout de suite après les crises financières et agricoles de 2007-2008. Elle figurait alors parmi les nombreux fonds de pension, dotations et autres investisseurs institutionnels qui se sont mis à acquérir des terres agricoles après la crise des subprime et l’effondrement du marché immobilier aux États-Unis et en Europe. Bien que TIAA, basé à New York, ait été le chef de file en matière d’acquisition de terres agricoles par un fonds de pension, Harvard, avec son Fonds de dotation de 37,1 milliards de dollars, s’est vite positionnée comme principal acquéreur de terres agricoles parmi les universités (voir Tableau 1).3

Tableau 1. Fonds de dotation des principales universités aux États-Unis qui investissent dans les terres agricoles.
Fonds de dotation Actifs gérés (en miliards de dollars) Allocation pour les ressources naturelles (en millions de dollars) Localisation des terres agricoles
University of Texas Investment Management Company 40,3 4 978 Australie, Amérique Latine
Harvard Management Company 36,0 4 644 Afrique, Océanie, Amérique Latine, États-Unis
Princeton University Investment Company 21,7 3 625 Inconnu
Stanford Management Company 29,1 2 301 Inconnu
Yale University Endowment 25,4 2 007 Inconnu
University of Michigan Endowment 9,7 700 Inconnu
Emory University Endowment 4,6 642 Inconnu
University of Pennsylvania Endowment 10,7 642 Inconnu

Source: Perqin, août 2017, http://docs.preqin.com/reports/Preqin-Special-Report-Natural-Resources-Top-100-August-2017.pdf

Harvard avait déjà effectué d’importants mouvements dans l’acquisition de terrains forestiers exploitables.4 La dotation n’était pas en terrain inconnu en ce qui concerne les terres agricoles et pouvait aisément ajouter ces acquisitions à son portefeuille de ressources naturelles. Les investissements dans les terrains forestiers leur ont aussi fourni des contacts à travers le monde, ainsi qu’un modèle reproductible d’investissements fonciers liés à des sociétés étrangères fictives et des filiales obscures. L’Université a d’abord acquis des terres agricoles au Brésil, en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande en 2008. Elle a, par la suite, réalisé un important investissement en Russie et en Ukraine, suivi de plusieurs achats de fermes en Australie et aux États-Unis. Avant juin 2017, Harvard avait injecté plus de 930 millions de dollars dans ses différentes filiales et avait pris le contrôle de plus de 850 000 hectares de terres agricoles à travers le monde, faisant de l’Université l’un des plus importants acheteurs de terres agricoles au monde.5

Une structure organisationnelle opaque

Medium_low-fr-final-map-flatworld
Figure 1 : Les terres agricoles mondiales du Fonds de dotation de l'Université Harvard.

Les acquisitions de terres agricoles de Harvard passent par des structures organisationnelles complexes, ce qui rend difficile de confirmer la liste des terres que l’Université possède. Même le Board of Oversees (conseil de surveillance) du Fonds ne sait pas vraiment quelles terres agricoles le Fonds possède et gère.6

Au sommet de chaque structure d’investissement foncier agricole se trouve l’une des filiales établies à Boston - et exemptes d’impôts - qui gèrent différentes parties des investissements de la dotation. Ces filiales impliquées dans l’acquisition de terres agricoles sont Blue Marble Holdings, Phemus, Demeter et Harvard Private Capital Realty.

Les informations contenues dans les déclarations d’impôts de ces filiales bostonnaises montrent que Harvard utilise ces filiales pour acheminer de l’argent dédié à des investissements fonciers agricoles vers d’autres filiales – telles que Guara LLC ou Granary Investments - , filiales enregistrées dans des paradis fiscaux tels que le Delaware ou les Îles Caïmans.

De ces compagnies dissimulées dans des paradis fiscaux, l’argent est versé à des filiales installées dans les pays visés et qui sont gérées par divers opérateurs locaux actifs dans le domaine de l’agroalimentaire et de l’acquisition de terres agricoles. Ces groupes d’affaires locaux trouvent les terres, les achètent et gèrent les fermes. Harvard leur a versé des millions de dollars américains pour leurs services (voir l’encadré 1).

Conflits et controverses

Harvard a suivi la même voie que d’autres investisseurs institutionnels en acquérant des terres agricoles et en ciblant des pays considérés à faible risque avec de bonnes possibilités de rendement supérieur. Ceci dit, cela n’a pas empêché les investissements de l’Université d’être à risque ou d’être à l’origine de conflits.

En Australie, un rapport de l’Office of Environment and Heritage concluait qu’en 2015 la filiale de Harvard avait détruit des lieux de sépultures aborigènes et détruit sans permis des végétaux indigènes sur les terres agricoles qu’elle avait acquises dans l’État de la Nouvelle-Galles-du-Sud (New South Wales). L’exploitation agricole détenue par Harvard aurait manqué à son obligation d’effectuer une enquête sur la culture aborigène avant de labourer les champs, malgré l’existence évidente de douzaines de sites sensibles.18

Du côté de l’Afrique du Sud, Harvard a acquis des fermes à des endroits où les droits d’occupation avaient été accordés aux anciens travailleurs noirs et leur famille dans le cadre de la réforme foncière d’après apartheid. Les conflits survenus avec les communautés locales sont détaillés dans un rapport produit par un chercheur qui a travaillé avec les gestionnaires de la ferme sud-africaine de Harvard, en l’occurrence RussellStone.19 Selon son rapport, aussitôt Harvard en possession des fermes en 2011, les gestionnaires limitèrent les droits d’utilisation des terres à ces familles, incluant l’utilisation pour faire paître leur bétail ou l’accès aux lieux des sépultures familiales. Selon les informations, les gestionnaires de la ferme de Harvard auraient exercé des pressions sur les familles pour qu’elles signent un code de conduite et leur auraient imposé un système de règles et de sanctions pouvant mener à l’expulsion dans les cas où elles refusaient de les respecter. On rapporte que les tensions sur la ferme ont ensuite monté jusqu’au point où Harvard s’est inquiété que la situation puisse attirer une attention internationale non souhaitable.

Selon le même rapport, Harvard a insisté pour que RussellStone trouve une solution par la médiation, malgré l’assurance de RussellStone que ce type de tensions avec les habitants faisait partie intégrante de l’agriculture à grande échelle en Afrique du Sud. Harvard dépêcha un médiateur pour offrir de reloger les familles sur d’autres terres, mais les familles rejetèrent l’offre affirmant que les terres offertes étaient de piètre qualité et loin des services essentiels. Frustrée de la situation et incertaine des répercussions pour son image à l’international, l’Université aurait donné l’ordre à RussellStone en 2014 de vendre toutes ses terres où se trouvaient des familles « occupantes ».

Harvard patauge aussi dans des conflits liés à ses transactions foncières agricoles aux États-Unis. Selon ses déclarations de revenus, depuis 2012, l’Université a investi plus de 115 millions de dollars dans l’acquisition de terres en Californie et l’établissement de vignobles. Ces terres, situées dans la région de Paso Robles et la vallée de Cuyama, se trouvent dans des zones où le manque d’eau menace la viabilité de l’agriculture.20 Les résidents et agriculteurs locaux s’inquiètent que les projets vinicoles de Harvard mettent en péril leur accès à l’eau. Ils accusent par ailleurs Harvard d’utiliser des manœuvres détournées pour acheter le contrôle sur les ressources en eau restantes.

Cindy Steinbeck, dont la famille cultive le raisin dans la région depuis des décennies, dirige les efforts de plusieurs centaines d’autres propriétaires de la région pour préserver leur accès aux eaux souterraines. Dans une lettre adressée au PDG de la société de gestion de Harvard en mars 2016, elle écrit :

« La population locale croit, à tort ou à raison, que Harvard est responsable des choses suivantes : d’effectuer des achats en utilisant de nombreuses entités ignorées (aux fins d’impôts) de telle sorte qu’il soit difficile pour le non-initié de retracer l’acheteur, en l’occurrence Harvard; d’utiliser des agents pour la mise en place d’un district local des eaux qui permettrait aux propriétés de Harvard d’ultimement bénéficier de subventions du gouvernement et de fonds des contribuables; de persuader certains propriétaires de vendre en leur offrant des montants équivalents à plusieurs fois le prix du marché, et ce, dans le but d’acquérir des propriétés qui abritent des infrastructures d’approvisionnement en eau; et de ne pas présenter toute l’information à la population locale sur la façon dont ces investissements pourraient affecter les ressources les plus vitales, et ce, au nom de retours sur investissements. »21

L’accaparement des terres de Harvard dans la région du Cerrado au Brésil

Medium_3_two_women
Deux femmes du village de Santa Fé dans la municipalité de Santa Filomena montrent leur titre foncier, septembre 2017. Les gens de Santa Fé vivent dans cette région de l’État brésilien de Piauí depuis plus de 200 ans, mais sont affectés par une récente vague d’accaparement des terres dirigée par un homme d’affaires brésilien et financée par des sociétés étrangères, telles que le Fonds de dotation de Harvard et le gestionnaire de Fonds de pension américain TIAA. (Foto: Rosilene Miliotti / FASE)

Les acquisitions foncières agricoles de Harvard les plus conflictuelles ont eu lieu au Brésil. L’Université est l’une des multiples sociétés financières de l’Amérique du Nord, de l’Europe et du Japon qui, dans la dernière décennie, a acheté des terres dans le nord-est de la région brésilienne du Cerrado. Le biome de cette savane, qui contient 5% de la biodiversité mondiale, est essentiel pour la sauvegarde de l’Amazonie et constitue une source d’eau importante pour les plus importants bassins versants du Brésil. Il abrite aussi plus de 80 groupes ethniques autochtones, ainsi que de nombreux peuples traditionnels, tels que les communautés afro-brésiliennes Quilombola, dont le statut est reconnu en vertu du droit brésilien.

Mais depuis les dernières décennies, cette section du Cerrado a été touchée par une déforestation massive et labourée pour accueillir l’une des plus imposantes expansions de production de marchandises agricoles que l’on ait vues dans l’histoire contemporaine. Cette expansion a débuté dans le sud et, à peine dix ans plus tard, a progressé agressivement vers le nord-est, en passant par les États de Tocantins, Maranhão, Bahia et Piauí.

Ces terres nouvelles pour la production de soja, de canne à sucre et d’autres produits agricoles sont aujourd’hui la cible des investissements de Harvard et d’autres sociétés financières étrangères. Ils sont attirés par la région à cause des prix relativement bas des terres agricoles et de la possibilité qu’elles ont de prendre de la valeur sur les marchés. Mis à part Harvard, on compte, parmi certaines des plus importantes sociétés étrangères qui ont fait l’acquisition de terres dans cette région, TIAA des États-Unis, ABP des Pays-Bas, Sojitz du Japon et Valiance Asset Management du Royaume-Uni. Toutes ces sociétés réalisent leurs activités au moyen de partenariats avec des sociétés locales qui prennent en charge l’acquisition des terres et la gestion des exploitations agricoles.22

L’accélération de la spéculation sur les terres agricoles par les sociétés étrangères a exacerbé les conflits liés à la terre dans la région. La Banque mondiale, bien qu’elle ne nomme aucune société en particulier, indique qu’avec l’expansion de l’agriculture de plantation dans cette partie du Cerrado, « l’occupation désordonnée et illégale des terres rurales (grilagem) est courante ».23 Grilagem est une forme particulière d’accaparement des terres répandue dans le nord-est du Cerrado : les titres de propriété sont falsifiés pour légitimer l’occupation illégale de terres publiques.24 Les terres sont clôturées pour donner l’impression qu’il s’agit d’une ferme et les titres frauduleux sont ensuite vendus – dégageant une énorme marge de profit – à d’autres sociétés, qui sont elles-mêmes souvent liées à des investisseurs étrangers.

Ces terres publiques ne sont pas inoccupées, comme le réclament généralement les accapareurs de terres (grileiros). Depuis des générations, la terre a accueilli les communautés locales, comme dans le cas des zones de plaine, ou a été utilisée collectivement par ces communautés pour la chasse, le pâturage, la collecte de bois de chauffage, la récolte de fruits et de plantes médicinales. C’est pourquoi les grileiros ont souvent recours à la violence et à l’intimidation pour obliger les populations locales à se déplacer et les empêcher d’accéder aux terres.25

Harvard a acheminé les fonds pour l’acquisition de terres agricoles dans le nord-est du Cerrado par le biais de trois groupes d’affaires locaux (voir l’encadré 1). Sous couvert de ces exploitants, l’Université a acquis dans l’ombre environ 300 000 hectares de terres – une superficie plus grande que le Luxembourg – dans certaines régions des États de Piauí et Bahia où les confits liés à la terre se multiplient.

De récents rapports ont mis en lumière la façon dont l’un des partenaires financiers de Harvard au Brésil, le groupe Granflor, a organisé l'achat par l’entremise d’une filiale de Harvard, de plus de 120 000 hectares de terres dans l'État de Bahia à un homme d’affaires bien connu par l’État pour son statut de grileiro.26 Granflor a poursuivi l’acquisition de ces terres malgré l’avertissement des résidents qu’elles étaient l’objet de sérieux conflits.27 Selon un rapport de 2014 d’une commission d’État de Bahia, les titres de propriété que la filiale de Harvard pourrait ultérieurement acquérir provenaient d’un « festival de procédures irrégulières et illégales entraînant l’usurpation de terres publiques » et impliquaient la délocalisation violente de plusieurs familles de la région qui occupaient et utilisaient traditionnellement ces terres publiques. Il semble, de plus, que les acquisitions de terres de Harvard dans la région sont en violation des restrictions brésiliennes sur les possessions étrangères, lesquelles limitent la quantité de terres qu’une société étrangère peut acquérir dans une municipalité.28 Le bureau du procureur de l’État de Bahia envisage actuellement de poursuivre la filiale de Harvard et d’annuler les titres de propriété.29

Certaines raisons donnent à penser qu’un grilagem a été entrepris par un autre des partenaires commerciaux brésiliens de Harvard dans le but d’acquérir des terres dans l’État voisin, celui de Piauí. Le groupe Insolo a facilité l’acquisition - par le biais de diverses filiales brésiliennes détenues par Harvard et gérées par Insolo - d’au moins six fermes dans l’État de Piauí pour le compte de Harvard, lesquelles couvrent plus de 116 000 hectares.

Fazenda Ipê est une immense ferme de 58 000 hectares que Harvard a achetée par le biais du groupe Insolo en passant par une multitude de filiales différentes de Harvard basées au Brésil. Dans une décision rendue le 16 mai 2018, le juge du Tribunal agraire de Piauí a déclaré que l’une de ces filiales, Sorotivo Agroindustrial Ltda, avait utilisé la technique du grilagem pour acquérir environ 27 000 hectares de terre pour Fazenda Ipê, lesquelles étaient précédemment des terres publiques.30

Medium_4_aerial_spraying
Pulvérisation aérienne de pesticides sur une plantation de soja dans l’État de Piauí, Brésil. (Foto: José Cícero Silva/Agência Pública) 

Selon la décision :

« Dans l’État de Piauí, l’accaparement des terres est l’une des principales causes de déforestation et de conflits territoriaux : les transactions immobilières du marché rural s’effectuent hors du respect des règles de droit en matière civile, environnementale et agraire. Il est ainsi impossible de tenir responsables ceux qui sont impliqués. Cette pratique discréditée du grilagem a été utilisée par [Sorotivo Agroindustrial Ltda] pour acquérir ses titres fonciers. »31

Près de Fazenda Ipê, les gens de la communauté de Baixão Fechado affirment qu’ils ont été chassés des terres traditionnellement utilisées pour fourrager, élever le bétail et chasser par une autre ferme de Harvard gérée par le même groupe Insolo.32 Fazenda Fortaleza, qui couvre environ 11 000 hectares, est située près d’une grande ferme détenue par le gestionnaire américain de fonds de pension TIAA, la ferme Fazenda Ludmilla.33 Les résidents de Baixão Fechado disent que la déforestation causée par les deux fermes ainsi que l’immense quantité d’eau utilisée pour l’irrigation ont grandement limité leur accès à l’eau qui, autrefois, était en quantité suffisante et de bonne qualité. La situation est devenue telle que le village doit maintenant faire venir l’eau au village par camion. Les villageois disent aussi être témoins d’une augmentation de symptômes – tels que toux, étourdissements, maux de ventre et pression artérielle basse, en plus d’une augmentation des cas de cancer – provoqués par la pollution engendrée par les pesticides pulvérisés sur les cultures. Les pesticides utilisés sur ces fermes ont aussi anéanti leurs territoires de pêche et détruit leurs cultures.34

« Ils utilisent des pesticides tels que le Roundup. Cela détruit toutes nos cultures, incluant la culture de fèves. Nous étions reconnus comme un grand producteur de fèves dans la région. Nous sommes en train de perdre toute notre culture de fèves... Ils pulvérisent ce poison par avion en contaminant tout sur son passage. Plusieurs ravageurs sont apparus, tels que l’aleurode, que nous sommes incapables d’éliminer, et détruisent tout », raconte José Branco, un résident de la communauté de Baixão Fechado.35

Par le biais d’un tiers partenaire au Brésil, le groupe Gordian Bioenergy (GBE), Harvard a financé l’acquisition de plusieurs autres surfaces de terres agricoles dans l’État de Piauí, transactions faisant partie d’un grand projet agroalimentaire que GBE poursuit dans le quartier de Guadalupe depuis 2012. Le projet GBE peine toutefois à obtenir le financement dont il a besoin pour procéder à la phase de réalisation et, selon Bloomberg News, Harvard tente actuellement de se retirer du projet.36

Il ne s’agit toutefois pas des seules transactions de terres agricoles que GBE organise pour Harvard. L’Université a acquis, par le biais d’une de ses filiales gérées par GBE, une ferme appelée Fazenda Boqueirão, située dans le quartier de Barra (dans l’État de Bahia). Les terres ont été acquises de la société brésilienne Pro-Flora Agroflorestal Ltda, celle-ci éatnt détenue par une riche famille d’affaires brésilienne de l’État de Minas Gerais.37

Fazenda Boqueirão est au centre d’un conflit foncier entre les propriétaires de Pro-Flora et environ 400 familles de la région. Suite à l’acquisition de Fazenda Boqueirão en 2014 par les propriétaires de Pro-Flora, ceux-ci ont revendiqué des droits sur une superficie supplémentaire de 70 000 hectares de terres qui couvrent des terres utilisées collectivement depuis au moins 1935 par les familles paysannes pour faire paître leurs bêtes.38 Les familles ont refusé de céder leurs terres et la situation entre les deux camps s’est envenimée.39 Finalement, en 2011, les autorités de l’État de Bahia s’en sont mêlées et ont conclu que les familles avaient raison et que les revendications de la société n’étaient pas valides. Toutefois, en guise de concession envers la société, les autorités ont décidé d’accorder à Pro-Flora un titre de propriété privée d’une parcelle de 27 800 hectares dont la communauté n’avait apparemment pas usage.40 Ce titre fut officialisé en 2014 mais, à ce moment, Pro-Flora avait déjà vendu Fazenda Boqueirão à la filiale locale GBE de Harvard pour trois millions de dollars américains.41

Entre-temps, Cloves dos Santos Araujo, avocat pour le Rural Workers' Lawyers' Association (AATR) de Bahia, indique que l’État n’a toujours pas formalisé les titres des 42 000 autres hectares pour les familles, les laissant à la merci d’une nouvelle vague d’accaparement de terres des propriétaires de Fazenda Boqueirão.42 En effet, en juin 2017, l’avocat représentant Pro-Flora a lancé une pétition enjoignant l’État à reconnaître les droits de la société sur l’ensemble des 70 000 hectares.43

La Commission de la pastorale de la Terre du Brésil (Comissão Pastoral da Terra - CPT) suit de près cette affaire et soutien les communautés dans la défense de leurs terres ancestrales. La CPT prétend que l’accord consistant à accorder à Pro-Flora, puis Harvard, une propriété privée de 27 800 hectares de terres est inconstitutionnel et viole les politiques de réforme agraire du Brésil. Pour CPT, il s’agit d’un autre des effets regrettables engendrés par un gouvernement qui fait passer les intérêts des puissants de l’agroalimentaire avant ceux de la population locale.44

Une désastreuse récolte

Les transactions foncières agricoles de Harvard ont fait beaucoup de victimes dans la dernière décennie : des paysans brésiliens aux agriculteurs sud-africains en passant par la population rurale californienne. Les étudiants et le personnel enseignant de Harvard peuvent aussi être considérés comme des victimes de ces investissements. Les investissements du Fonds de dotation servent à soutenir les objectifs pédagogiques et de recherche de l’Université, mais les transactions de terres agricoles qui totalisent un milliard de dollars ne rapportent pas comme elles devraient. L’année dernière, le nouveau patron de la dotation, N.P. “Narv” Narvekar, a réévalué les investissements du Fonds dans les secteurs du bois et des terres agricoles, ce qui a fait passer la valeur du portefeuille en ressources naturelles de 4 à 2,9 milliards de dollars.

Au Brésil, où Harvard a effectué les investissements les plus ambitieux et les plus coûteux, la majeure partie des 300 000 hectares que le Fonds a acquis est en production partielle ou n’est simplement pas en production. Le projet GBE dans l’État de Piauí est sur le point de s’effondrer et ce, sans avoir planté une seule récolte. Les 124 000 hectares de terres de Campo Largo ne servent pratiquement à rien, et il n’y a quasi aucune plantation sur plusieurs des grandes fermes - Fazenda Nazaré, Fazenda Galileia et Fazenda Fortaleza - acquises par le biais du groupe Insolo dans l’État de Piauí.45

Les gestionnaires du Fonds (basées à Boston) qui ont orchestré l’entrée controversée de l’Université dans le domaine des terres agricoles au niveau mondial se sont récemment retirés complètement de la dotation. Durant leur mandat au Fonds, les gestionnaires les plus haut placés ont accumulé des centaines de millions en compensations financières – une somme impressionnante de 242 millions de dollars américains entre 2010 et 2014.46 Comme l’a fait remarquer Charles Skorina, analyste en investissements institutionnels, les compensations financières accordées aux gestionnaires du portefeuille de ressources naturelles étaient principalement basées sur les évaluations des terres agricoles et des terres forestières, elles-mêmes contrôlées par ces mêmes gestionnaires. Selon Skorina, la récente dégringolade de la valeur de ces actifs montre que les évaluations étaient exagérées de façon à bénéficier à ces gestionnaires.47 Plusieurs de ces anciens gestionnaires de Harvard ont récemment créé une nouvelle société nommée Folium Capital, dont l’objectif est encore une fois de collecter des fonds d’investisseurs institutionnels pour acquérir des terres agricoles en Amérique au Sud.48

Large_5_seu_juarez
Seu Juarez, du village de Melancias, examinant une rivière de la région affectée par la ferme Fazenda Galileia de Harvard dans la municipalité de Baixa Grande do Ribeiro, État de Piauí, Brésil. (Foto: José Cícero Silva/Agência Pública) 

Harvard ne peut plaider l’ignorance. L’Université a poursuivi ces investissements dans les terres agricoles malgré plusieurs années à essuyer des critiques et à recevoir des demandes pour faire preuve d’une plus grande diligence raisonnable.49 Certaines critiques étaient internes. Le 22 mai 2018, Kat Taylor, l’une des Oversees (surveillantes) du Fonds de dotation de Harvard, a démissionné pour protester contre les investissements « opaques » du Fonds dans des activités illégales, incluant « l’achat de terres qui ne respecte pas les droits autochtones [et] l’exploitation de l’eau qui menace le droit humain à l’eau ».50

« Après six années d’inaction de Harvard durant mon mandat, et plusieurs autres années qui ont précédé mon arrivée en tant que surveillante, je parle aujourd’hui publiquement à propos de notre inaction. Nous n’avons aucune explication morale ou financière pour nous justifier », écrit-elle.« Dans la dernière décennie, la dotation de Harvard a enregistré un rendement bien inférieur à ses pairs, même en ayant continué d’investir dans des activités et des produits qui minent le bien-être de nos communautés, de notre pays et de la planète ».

Taylor indique que, même en tant que membre du conseil de surveillance, elle était incapable de savoir précisément sur quoi la dotation investissait et n’avait que « quelques indications » concernant les avoirs du Fonds à savoir « des terres africaines, des propriétés dans le delta du fleuve Amazone et, possiblement, des ressources en eau ».

« Ces trois types de possessions semblent indiquer que nous devrions savoir si ces avoirs respectent les droits autochtones ; l’éventualité que les titres de propriété des terres ne soient pas documentés de façon traditionnelle ; si les avoirs sont particulièrement sensibles d’un point de vue climatique; et de prendre en compte la possibilité que les droits de l’eau soient vendus sur le marché au détriment de l’écologie et de l’économie locale », a-t-elle indiqué dans une entrevue avec un magazine d’information spécialisé.51

Selon nos enquêtes sur les transactions foncières agricoles de Harvard au Brésil, l’Université n’a pas fait preuve de la diligence nécessaire pour s’assurer que les terres achetées ne faisaient pas l’objet de conflits et étaient accompagnées de titres fonciers en bonne et due forme. Étant donné qu’elle investissait des centaines de millions de dollars américains pour acquérir des terres agricoles dans une région reconnue pour ses conflits fonciers et l’accaparement des terres, l’Université aurait dû faire preuve de beaucoup plus de vigilance.

Faire amende honorable

Les transactions foncières agricoles de Harvard devraient servir de mise en garde pour les investisseurs institutionnels qui considèrent actuellement la possibilité de se lancer dans ce secteur. Les risques pris par les gestionnaires du Fonds de Harvard n’ont pas été payants pour l’Université : elle est aujourd’hui aux prises avec un legs de conflits liés à la terre et l’eau avec lequel elle doit composer. Bien que Harvard ait repensé sa stratégie d’investissements fonciers agricoles dans la dernière année et essaie de vendre certaines de ses fermes, l’Université n’a pas encore annoncé quelles actions elle entreprendrait pour limiter les futures transactions foncières agricoles et quelles nouvelles règles internes, lignes directrices ou systèmes de surveillance elle mettrait en place pour ce type d’investissements.52 En août 2016, le Fonds a embauché l’architecte à l’origine des investissements fonciers agricoles au Brésil de la société TIAA pour prendre la tête de son portefeuille de ressources naturelles, démontrant ainsi quelles sont les priorités de l’Université dans le dossier de ses investissements fonciers agricoles controversés du Brésil.53

Les étudiants, le personnel enseignant et les anciens de Harvard devraient exiger un examen complet indépendant des acquisitions mondiales de terres agricoles de l’Université. Ce processus devrait inclure de rendre des comptes sur le montant dépensé pour l’acquisition de terres, incluant les versements aux gestionnaires de fonds et aux associés commerciaux, et le montant qui a été retourné au Fonds en provenance de la production et des ventes des fermes. Il devrait aussi inclure un inventaire des dommages occasionnés aux communautés causés par leur déplacement, les conflits, la pollution chimique et la destruction de l’environnement, ainsi que des recommandations claires sur la meilleure façon dont Harvard peut indemniser ces communautés. Harvard ne devrait pas avoir le droit de renoncer à ses responsabilités simplement en vendant ses terres agricoles à d’autres sociétés ou en externalisant ses acquisitions foncières agricoles à des gestionnaires externes.

Harvard fut l’un des quelques investisseurs institutionnels ayant initié cette montée des investissements mondiaux dans les terres agricoles suite à la crise financière de 2008. Ces sociétés sont responsables d’avoir transformé les terres agricoles en une nouvelle « catégorie d’actifs » pour les investisseurs avides de trouver des actifs réels, de soi-disant alternatives, qu’ils peuvent se procurer pour se protéger de la volatilité des marchés boursiers. L’immobilier et les marchés boursiers ont encore atteint des niveaux exagérés : la même tendance dont nous avons été témoins après 2008 pourrait réapparaître, engendrant une nouvelle ruée vers des investissements fonciers agricoles risqués de la part de fonds institutionnels, ainsi qu’une recrudescence des conflits fonciers. L’Université Harvard peut aider à faire amende honorable en mettant fin à ses acquisitions de terres agricoles au niveau mondial.

Encadré 1: Le réseau nébuleux de terres agricoles de Harvard.

Dans le cas de l’Afrique du Sud, les acquisitions de Harvard furent prises en charge par RussellStone Group, une société privée de placements basée à Pretoria qui a commencé en 2008 à acheter des fermes en Afrique du Sud pour des investisseurs étrangers. Hormis ses transactions avec Harvard, RussellStone gère aussi une terre agricole acquise pour l’Université Vanderbilt au Mozambique.7 Entre juin 2008 et juin 2016, Harvard a transféré, par l’intermédiaire d’une filiale basée aux Îles Maurice, 73,5 millions de dollars américains à une filiale sud-africaine gérée par RussellStone. Avec ces fonds, RussellStone a acquis diverses propriétés agricoles dans les provinces sud-africaines de KwaZulu-Natal, Mpumalanga, Limpopo, Free State et Gauteng. Pendant ces années, RussellStone a reçu au moins 5,1 millions de dollars américains de Harvard pour leurs services de gestion de placement.

Harvard a fait appel à une société de placements semblable pour faire l’achat de ses terres agricoles en Australie : une société appelée Wealthcheck « qui identifie des occasions d’investir dans le secteur de la propriété agricole en Australie ».8 En Europe de l’Est, Harvard s’est associé à NCH Capital, une société new-yorkaise spécialisée dans la privatisation d’actifs dans l’ancien bloc soviétique. La stratégie de NCH repose sur l’acquisition des droits sur des milliers de petites parcelles de terre, principalement en Russie et en Ukraine, pour ensuite les regrouper en opérations de grande envergure.9 Par l’entremise d’une filiale aux Îles Caïmans, Harvard a dépensé, entre juin 2009 et juin 2016, plus de 150 millions de dollars américains pour prendre une participation de 59 % dans le premier Fonds agricole de NCH, lequel a été utilisé par NCH pour mettre sur pied 58 exploitations agricoles à grande échelle couvrant une superficie d’environ 490 000 hectares en Russie et en Ukraine.10 Pendant cette période, Harvard a versé 12,9 millions de dollars américains à NCH pour leurs services d’investissement.

Au Brésil, les transactions ont été orchestrées par l’entremise de trois structures distinctes impliquant trois opérateurs locaux.

1. Les Ioschpes

Le magnat brésilien des pièces automobile, Ivoncy Ioschpe, aurait pris connaissance du potentiel financier de l’agriculture dans le Cerrado en 2000. Il commença alors à acheter des terres agricoles dans l’État de Piauí (au nord du pays) et retint les services d’un groupe d’agronomes locaux – formant une société appelée Insolo – afin de convertir ces terres en plantations massives de soja et de coton. En 2008, Ioschpe a repris Insolo, en a confié la direction à son fils Salomão, et a transformé la société en un instrument pour canaliser l’argent du Fonds de dotation de Harvard vers l’acquisition de grandes superficies de terres agricoles dans l’État de Piauí.11 Harvard, par le biais de sa société de gestion de fonds Phemus Corp et de diverses filiales au Delaware et au Brésil, détient 95,8% de cette société, aujourd’hui appelée Insolo Agroindustrial S/A. Entre 2008 et 2016, Harvard a injecté au moins 138,7 millions de dollars américains dans Insolo Agroindustrial S/A, lequel a acquis au moins six fermes couvrant à elles seules plus de 115 000 hectares dans l’État de Piauí. De juin 2009 à juin 2017, Harvard a aussi payé une société liée au groupe Ioschpe trois millions de dollars par année en honoraires de consultation pour « services d’investissement ».12

2. Gordian Bioenergy

Gordian Bioenergy, connu sous le nom de GBE, est une société de capitaux privés dirigée en partie par l’homme d’affaires gréco-brésilien Diomedes Christodoulou (ancien PDG des opérations sud-américaines d’Enron), ainsi que par plusieurs de ses anciens collègues d’Enron - Roberto Hukai, John Novak et Steven Madrid.13 En 2007, Christodoulou et son équipe sont partis à la recherche d’investisseurs aux États-Unis et en Europe pour soutenir un projet de plantation de canne à sucre et de raffinerie d’éthanol d’une valeur de 150 millions de dollars américains qu’ils projetaient de construire au Brésil.14 Ils ont communiqué avec la dotation de Harvard et les deux parties ont créé une structure de société destinée à acheminer l’argent de Harvard vers le projet en passant par une société des Îles Caïmans. GBE a alors procédé à l’acquisition de terres agricoles à l'intérieur et aux alentours de la ville de Guadalupe dans l’État de Piauí, où ils proposaient de construire leur projet de canne à sucre ainsi qu’une ferme de production de tomates à grande échelle.15 Des terres furent aussi achetées dans les États voisins pour des motifs qui ne sont pas apparents. L’une des sociétés travaillant avec GBE dans l’acquisition de terres pour le compte de Harvard se nomme Pro-Flora Agroflorestal Ltda, une société détenue par l’homme d’affaires brésilien Antônio Pontes da Fonseca – l’un des plus importants propriétaires fonciers agricoles de l’État de Minas Gerais.16 Entre juin 2008 et juin 2015, Harvard a transféré plus de 246 millions de dollars américains à GBE pour l’acquisition de terres agricoles.17 Il n’est pas clair quelle proportion de ce montant a été versée à GBE pour ses services de gestion d’investissement et autres services.

3. Granflor

Avant son entrée en agriculture au Brésil, Harvard a investi dans le bois. Certaines de ses transactions furent orchestrées par deux hommes d’affaires brésiliens du secteur forestier, Romualdo Maestri et Victor Hugo Silveira Boff, cofondateurs de la société Granflor Agroflorestal. En 2008, Harvard et ces deux hommes d’affaires mirent sur pied la société Caracol Agropecuaria, située dans la ville brésilienne de Porto Alegre. Cette société, détenue entièrement par Harvard par le biais de filiales enregistrées au Delaware, a reçu entre juin 2008 et juin 2016 plus de 60 millions proevenant de Blue Marble Holdings (la société de gestion de fonds de Harvard), pour l’acquisition de terres agricoles majoritairement dans l’État de Bahia. Pendant cette même période, Maestri et Silveira Boff semblent avoir reçu, par le biais de leur société Mb - Gestão e Projetos, plus de 10 millions de Harvard pour leurs services d’investissement.

 


Références

1    Network for social justice and human rights (Réseau pour la justice sociale et les droits humains)

2    Basé sur les témoignages donnés en septembre 2017 lors d’une mission internationale exploratoire coordonnée par FIAN International. Rede Social de Justiça e Direitos Humanos (Réseau pour la justice sociale et les droits humains), Comissão Pastoral da Terra (CPT/PI) et FIAN Brasil. Pour plus d’information, consultez Rede Social de Justiça e Direitos Humanos, « Transnational corporations and land speculation in Brazil », avril 2018: https://www.social.org.br/images/MATOPIBA_EN.pdf ; FIAN International, Rede Social de Justiça e Direitos Humanos et Comissão Pastoral da Terra (CPT), « The Human and Environmental Cost of Land Business, The case of MATOPIBA, Brazil », juillet 2018: http://fian.se/wp-content/uploads/2018/06/The-Human-and-Environmental-Cost-of-Land-Business-The-Case-of-MATOPIBA-Brazil.pdf

3    Pour plus d’information sur les investissements en terres agricoles de TIAA, consultez : Rede Social de Justiça e Direitos Humanos, GRAIN, Inter Pares, et Solidarité Suède-Amérique latine, « Fonds de pension étrangers et accaparement des terres au Brésil », 16 novembre 2015: https://www.grain.org/article/entries/5337-fonds-de-pension-etrangers-et-accaparement-des-terres-au-bresil

5    L’information sur l’ensemble des terres agricoles possédées de Harvard provient des déclarations d’impôts de la société de gestion de Harvard et de ses filiales entre les années financières se terminant en juin 2007 et juin 2017, ainsi que de divers médias et rapports universitaires.

6    Cet élément est spécifié dans la lettre de démission de l’un des surveillants du Fonds, « A Message to My Fellow Overseers of Harvard — May 22, 2018 » : https://medium.com/@Kat_Taylor/a-message-to-my-fellow-overseers-of-harvard-may-22-2018-12ea17d5d9ec

 

  • Sign the petition to stop Industria Chiquibul's violence against communities in Guatemala!
  • Who's involved?

    Whos Involved?


  • 13 May 2024 - Washington DC
    World Bank Land Conference 2024
  • Languages



    Special content



    Archives


    Latest posts