En Afrique, l’Eglise catholique s’engage dans le champ politique

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Le Temps | 17 juin 2018

En Afrique, l’Eglise catholique s’engage dans le champ politique

Christine von Garnier, Dr en sociologie politique et journaliste

OPINION. A la veille de la visite du pape en Suisse, la sociologue Christine von Garnier évoque le rôle politique grandissant de l’Eglise catholique en Afrique

Au sud du Sahara où il y a tant de violences, l’Eglise catholique est de plus en plus sollicitée et active dans le champ politique. Le pape Jean Paul II avait interdit toute activité politique de l’Eglise (sauf en Pologne!), mais Benoît XVI a précisé sans équivoque «que la parole des évêques était attendue face aux problèmes politiques touchant les processus électoraux, les injustices, les droits humains». Aujourd’hui, le lien entre le pape François et les évêques africains est très fort.

Parmi les cardinaux que comprend son G8 pour réformer la gouvernance de l’Eglise, il a choisi, entre autres, le cardinal Laurent Monsengwo, qui incarne, en République démocratique du Congo (RDC), l’opposition de l’Eglise à Joseph Kabila. Dans l’ensemble du continent africain, l’Eglise catholique, avec d’autres chrétiens – mais, semble-t-il, pas les évangéliques – et même des musulmans, veut surtout défendre les jeunes qui souffrent de vivre dans des pays gangrenés par la corruption.

70% des Subsahariens ont moins de 30 ans. Le nombre des catholiques a augmenté de 7,4 millions en 2015, alors qu’en Europe il diminue de 1,3 million chaque année. La mobilisation de l’Eglise pour la justice est scrutée par les jeunes qui aspirent à la démocratisation, mais qui ne la voient toujours pas arriver. Faute de changements, beaucoup prennent alors le chemin d’un exil dangereux. Manipulations des élections, violences ethniques, mauvaise gouvernance, chômage, tous ces maux pourrissent les sociétés africaines.

Exemple congolais

Quelques exemples: après avoir joué le rôle de médiateur en RDC, et présidé l’accord sur le nouveau calendrier pour l’élection présidentielle à la fin de 2017, l’épiscopat constate la mauvaise foi du clan Kabila et décide de dénoncer ces manœuvres. Il soutient les manifestations contre le régime, organisées par les fidèles catholiques. Deux prêtres ont déjà été assassinés.

En Afrique du Sud, on connaît l’implication de toutes les Eglises chrétiennes contre l’apartheid (sauf l’Eglise calviniste au pouvoir). Au Kenya, les évêques sont intervenus pour faire cesser les violences post-électorales. Les évêques sont aussi intervenus en Tanzanie, au Soudan du Sud, au Mozambique où ils ont dénoncé les mêmes fléaux et l’achat ou la vente de terres africaines par des étrangers. Les différentes Eglises chrétiennes ont réussi à convaincre le premier président noir de Namibie, Sam Nujoma, à ne pas se représenter pour un troisième mandat. Récemment, le 26 avril, face au risque de guerre civile avec les parties anglophones du Nord, le gouvernement du Cameroun a demandé la médiation de l’Eglise catholique.

Enfin, dernière action en date: les évêques du Nigeria (75 millions de catholiques sur 186 millions d’habitants) ont demandé la démission du président Buhari (75 ans) après le massacre le 24 avril de deux prêtres et de 16 fidèles dans une église de l’Etat de Benue. Un massacre attribué à des éleveurs en majorité musulmans. En guise de représailles, une foule a lynché à mort 11 musulmans dans le même Etat. «Si le président ne peut pas protéger notre pays, alors il perd automatiquement la confiance des citoyens, écrivent les évêques, il ne doit plus continuer à présider les champs de tuerie et le cimetière massif qu’est devenu notre pays…» Le groupe djihadiste Boko Haram (pour qui l’enseignement occidental est un péché), avec la baisse du cours du pétrole, a plongé le pays dans une récession économique grave. Pourtant le président Buhari est le premier chef d’Etat africain à avoir été invité ces jours à la Maison-Blanche.

Le rôle des étrangers

L’Eglise catholique avec sa hiérarchie et des imams (Centreafrique) tentent courageusement de barrer la route à toutes ces violences, injustices et brutalités, parfois avec succès, d’autres fois en se retirant discrètement (Burundi). L’obscurantisme des uns et l’égoïsme des autres plombent le développement. Les multinationales étrangères, banques comprises, sont largement responsables de créer des conflits. Surtout, le mauvais exemple donné actuellement par les hommes d’affaires français corrompus et les manifestations continuelles contre le pouvoir joue aussi son rôle. Enfin, on peut se demander pourquoi la franc-maçonnerie, dont sont membres plusieurs grands chefs d’Etat, et de femmes, n’a pas réussi à juguler ces problèmes.

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