La France quitte la NASAN !

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L'usine Export Trading Group (ETG) à Odienné

Oxfam France | 09/03/2018

La France quitte la NASAN !

Une victoire après des années de plaidoyer et de mobilisation en faveur de la sécurité alimentaire !

Lors de la réunion du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 9 février 2018, la France a enfin annoncé son retrait de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN).

Ce retrait, demandé par Oxfam depuis 2014, est une opportunité sans précédent pour mettre fin à cette initiative, décriée pour ses effets négatifs en matière de sécurité alimentaire sur les populations locales. La France étant un des principaux soutiens politiques et financiers de la Nouvelle alliance, d’autres pays pourraient suivre son exemple, sonnant ainsi le glas de la NASAN.

Qu’est-ce que la NASAN ?

En 2009, les Etats du G8[1] s’étaient engagés à verser 22 milliards de dollars pour répondre au défi mondial de l’insécurité alimentaire. Réunis de nouveau en 2012, lors du G8 à Camp David, le constat était sans appel : cet engagement n’avait pas été atteint.
Face à cet échec, la NASAN,  nouvelle initiative ambitieuse sur le papier, devait permettre d’atteindre enfin les engagements pris. Elle s’appuie sur un pari alors jugé innovant : mettre à contribution le secteur privé afin que celui-ci vienne compenser l’incapacité des gouvernements à tenir leurs engagements budgétaires. Son objectif, honorable : sortir 50 millions de personnes de la pauvreté et 22 millions de personnes de l’insécurité alimentaire sur le continent africain d’ici 2022.

Pour pouvoir bénéficier de cette initiative, les Etats ciblés ont dû engager des processus de libéralisation et de dérégulation de leurs marchés agricoles afin de faciliter les investissements de grands groupes transnationaux tels que Olam, Louis Dreyfus Commodities, Cargill, Yara ou encore Monsanto.

Les impact négatifs de la NASAN

En réalité, la NASAN a eu de nombreuses conséquences potentiellement négatives sur la sécurité alimentaire et les populations des zones où elle a été développée. Quelques exemples frappants, documentés dans nos rapports, parlent d’eux-mêmes :

  • accaparements de terres pour les plantations de riz de Dominion Farms au Nigéria ou sur le Pôle de croissance agricole de Bagré au Burkina Faso 

  • atteintes environnementales dans le projet de l’entreprise suédoise de sucre EcoEnergy AB à Bagamayo en Tanzanie

  • modifications législatives ouvrant la voie aux biotechnologies dont les Organismes génétiquement modifiés (OGM) dans 7 des 10 pays bénéficiant de l’initiative 

  • endettement des paysans auprès d’ETG à Odienne en Côte d’Ivoire

De plus, en 2016, alors que les Etats africains avaient réalisés 92% de leurs engagements, les investissements promis par les entreprises n’avaient été réalisés qu’à hauteur de 18 % au Bénin et 22% en Côte d’Ivoire.

Derrière cette victoire, des années de mobilisation d’Oxfam

Oxfam et ses partenaires n’ont eu de cesse de dénoncer les effets néfastes de la NASAN depuis 2014. Dans le viseur de notre plaidoyer :

  • la gouvernance de l’initiative, car aucune place n’est faite  aux organisations paysannes et à la société civile, notamment locale

  • l’absence de redevabilité des Etats à propos des projets qu’ils soutiennent dans l’initiative et vis-à-vis des populations locales comme des contribuables

  • le type de modèle agricole promu, à savoir des exploitations à grande échelle pratiquant une agriculture chimique à but d’exportation au détriment des populations locales.

Depuis le début de notre campagne, la place prépondérante de la France dans la NASAN, comme contributeur financier et soutien politique, a largement été pointée du doigt. La France aurait pu saisir cette opportunité pour transformer la NASAN de l’intérieur, et notamment en faire un outil au service de l’agroécologie. Cela n’a malheureusement pas été le cas.

En 2014, Oxfam a publié un premier rapport « La faim, un business comme un autre », qui a été suivi de deux « bilans d’étape » en 2015et 2016, en amont des sommets du G7 de Schloss Elmau et Ise Shima. Ces rapports ont été la base d’un fort plaidoyer auprès des institutions françaises et notamment du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères et le groupe Agence Française de Développement (AFD), qui finance des projets à la fois via ses bureaux locaux et via sa filiale « entreprises » PROPARCO.

En 2015, le Parlement européen a mandaté l’ancien rapporteur des Nations Unies au Droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, pour évaluer la NASAN. Ses conclusions mettaient en avant les déficiences de la NASAN : risques d’accaparement de terre, privatisation des semences et absence de remise en cause d’une agriculture gourmande en intrants.

En 2017, la France a commandé un rapport d’évaluation des projets qu’elle finance au Burkina Faso,  dans le cadre de la NASAN. C’est ce rapport qui l’a finalement conduite à quitter cette initiative.

Après quatre années à dénoncer les risques et les impacts négatifs effectifs de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, l’annonce du retrait de la France est donc une réelle victoire.

Néanmoins, il marque aussi l’échec de la France à transformer l’initiative et ne signifie pas encore que la NASAN soit définitivement terminée. En effet, de nombreux Etats et organisations internationales continuent de la soutenir, tels que la Commission européenne, l’Allemagne et surtout les Etats-Unis. La France devra donc maintenant pousser les autres membres du G7 à retirer également leurs soutiens politiques et financiers à cette initiative afin d’y mettre définitivement un terme.

Oxfam sera là pour le leur rappeler, avec vous, grâce à vous !
 

Infos complementaires: 

[1] Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et la Russie + Union européenne. La Russie est pour le moment suspendue du groupe qui s’appelle donc G7 à présent.

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