«Le Mali est prêt à donner des milliers d’hectares de terres aux investisseurs marocains»

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Konimba Sidibé, Ministre malien de la Promotion de l'investissement et du secteur privé

Les Eco (Maroc) | 3 octobre 2017

«Le Mali est prêt à donner des milliers d’hectares de terres aux investisseurs marocains»

Écrit par Oumar Baldé

Depuis l’éclatement en 2012 de la crise politico-sécuritaire dans sa partie septentrionale, le Mali peine à se départir de son image de pays instable ou à risques. Cette mauvaise perception plombe l’attractivité du pays malgré ses «performances» macroéconomiques. Le gouvernement malien entend ainsi organiser les 7 et 8 décembre prochains un forum : «Invest in Mali» pour rassurer et attirer les investisseurs. Entretien avec Konimba Sidibé, ministre malien de la Promotion de l'investissement et du secteur privé, qui appelle les investisseurs marocains à se lancer massivement dans l’agriculture au Mali.

Les Inspirations ÉCO : Comment appréciez-vous la présence des entreprises marocaines au Mali ?
Konimba Sidibé : Cette présence est à la fois une chance pour le Mali et le Maroc. C’est un partenariat véritablement gagnant-gagnant. Le Maroc fait partie des pays qui ont cru dans le Mali et qui ont fait le pari du Mali. L’investissement marocain n’a jamais tari durant toutes ces années. Ces investissements concernent plusieurs secteurs. Le Maroc est aujourd’hui le premier investisseur dans le secteur financier malien. La plupart des grandes banques du Mali sont des propriétés exclusives des groupes bancaires marocains. Dans les télécoms aussi, l’opérateur historique a été repris par le Maroc. Au-delà de l’investissement, nous constatons que les opérateurs marocains sont aujourd’hui très présents dans le commerce. Les oranges marocaines sont, par exemple, très visibles dans nos marchés.

Dans quel secteur avez-vous le plus besoin de l’investissement marocain ?
Notre vœu est de continuer le partage d’expériences entre nos deux pays. Nous aimerions par exemple que les investisseurs marocains viennent se lancer dans l’agriculture au Mali. Le gouvernement du Mali est disposé à leur octroyer des terres agricoles à valoriser. Nous sommes prêts, dans le cadre de partenariats avec l’État, à leur donner jusqu’à 100.000 hectares de terres en bail emphytéotique sur 99 ans via des partenariats public-privés (PPP). Le Maroc dispose d’une expertise avérée dans le domaine agricole et nous voulons profiter de cette expérience.

Vous organisez, début décembre prochain à Bamako, le Forum «Invest in Mali». Quels en sont les objectifs ?
Le Mali a traversé, ces dernières années, une période de crise sur le plan économique. Cette crise est certes derrière nous, mais nous sommes encore loin d’exploiter le maximum de notre potentiel. Nous avons besoin de booster l’investissement privé local et étranger. Nous faisons toutefois face à un handicap fondamental : c’est l’image du Mali dans le monde qui ne correspond pas à la réalité. Notre premier objectif avec ce forum «Invest in Mali» est de changer le narratif négatif sur notre pays. Ensuite, nous voulons que cet événement permette aux investisseurs du monde entier de prendre connaissance des potentialités énormes de l’économie malienne, qui sont inexploitées à ce jour. Nous en profiterons aussi pour montrer l’évolution du climat des affaires au Mali ainsi que les actions qui ont été mises en place et qui donnent des chances de réussite aux investisseurs. Ce genre de forums est également l’occasion de partager les expériences. Le marché international de l’investissement est très compétitif. Il est donc toujours bon de partager les bonnes pratiques expérimentées ailleurs.

Quels sont les secteurs que vous comptez mettre en avant lors de ce forum ?
Le Mali a d’énormes potentialités, mais les secteurs les plus porteurs sont d’abord l’agriculture. Celle-ci a porté la croissance de notre économie ces dernières années. Malgré tout ce qui se dit, nous sommes parmi les champions de la croissance dans notre zone. Le taux de croissance tourne autour de 6% depuis 2014, grâce justement à l’agriculture. Le Mali est le premier producteur de céréales dans la sous-région ouest-africaine. Dans l’élevage, nous exportons du bétail dans les pays voisins, notamment au Sénégal, en Mauritanie et au Burkina Faso. Nous disposons de 2 millions d’hectares irrigables, mais seuls 300.000 hectares sont exploités à ce jour. Nous voulons aller vers une véritable transformation de notre agriculture. L’agribusiness est désormais notre principal objectif. Nous avons donc besoin d’investisseurs à grande échelle, capables de faire de l’entrepreneuriat agricole. Nous sommes 3e producteur de coton en Afrique, mais seulement 2% de cette production est transformée localement.

Qu’en est-il des autres secteurs prioritaires ?
L’énergie est aussi un secteur à fort potentiel. L’accès à l’électricité coûte cher au Mali car la capacité d’offres reste encore faible. Le Mali a un potentiel énorme. Nous voulons ainsi que les investisseurs viennent se lancer dans la promotion de centrales thermiques et solaires. Et sur ce point, je tiens à rassurer, le gouvernement s’engage à acheter la production convenue d’avance. Dans les mines, nous sommes 3e producteur d’or en Afrique et disposons donc d’un potentiel énorme. Les explorations pétrolières sont en cours et nous avons un potentiel important.

Qui du secteur des transports ?
Le Mali est un pays continental avec une superficie de 1.204.000 km². Les transports sont un défi énorme pour le développement du pays. En plus des investissements publics qui ont été faits, nous sommes convaincus que le secteur privé peut s’engager à travers des PPP. Nous avons des projets déjà montés que nous comptons proposer aux investisseurs. D’ailleurs lors du forum, nous allons proposer de nombreux projets déjà ficelés aux participants.

Quel est le besoin en financement moyen par projet ?
Cela dépend de ce qui intéresse l’investisseur. Dans l’énergie par exemple, nous avons une offre de projets qui commence par de petites centrales solaires ou thermiques de 33 MW. Nous avons aussi des projets plus importants qui nécessitent des financements plus conséquents. Dans le numérique par exemple, un projet de TNT dont le coût est estimé à 200 milliards de Franc CFA. D’ailleurs, l’économie numérique est très porteuse au Mali.

Comment évolue l’environnement des affaires au Mali ?
L’environnement des affaires dépend de deux choses : le cadre macroéconomique et ce que j’appellerais le «micro-économique». Dans notre pays, malgré la crise que nous avons traversée, le cadre macroéconomique est excellent. Les agrégats macroéconomiques sont très bons : taux de croissance de 6%, inflation entre 0,9 et 1,5% depuis trois ans, le déficit public est maîtrisé autour de 3% du taux de convergence de l’UEMOA. La gestion macroéconomique est bonne au Mali. Cela dit, l’investisseur se demande toujours s’il peut facilement faire des affaires dans des conditions intéressantes. Nous tenons juste à rappeler que le Mali a été classé premier pays réformateur dans la zone OHADA/UEMOA dans le Doing business 2017. Malgré tout, nous sommes conscients des défis et nous menons des chantiers dans ce sens. Notre objectif est de faire partie du top 50 du classement Doing Business.

Quelles réformes menez-vous pour y arriver ?
De nombreuses réformes sont en cours, notamment au niveau du Code des investissements que nous sommes en train de réviser ainsi que du guichet unique. Ce dernier est déjà opérationnel et relativement performant, mais nous sommes encore loin des standards internationaux et comptons apporter les améliorations nécessaires afin de faciliter la création d’entreprises. Nous travaillons aussi à la dématérialisation des procédures, surtout alléger l’accès au foncier, de même qu’assouplir le volet fiscal. Enfin, nous travaillons à l’amélioration de la justice.

Est-ce que la crise au Sahel ne vous handicape pas ?
Je tiens à souligner que les problèmes sécuritaires ne concernent pas tout le pays. De l’extérieur, les gens croient que tout le pays vit sous la psychose alors que les investisseurs qui atterrissent à Bamako me font souvent part de leur surprise par rapport au niveau de sécurité et à la quiétude qui prévalent au Mali. Cela dit, je pense aussi que nous devons travailler à changer cette image négative.

Le Mali est un pays continental, avez-vous des projets de désenclavement ?
Le Mali est au cœur de l’Afrique de l’Ouest, je dirais même que notre pays est un hub dans un espace de 300 millions de consommateurs et dans une zone de libre-échange. À partir de Bamako, vous pouvez relier toutes les autres capitales de la sous-région en 2 heures de temps. C’est un avantage considérable qui permet aux investisseurs de s’adresser au-delà de nos 18 millions d’habitants. Le gouvernement met en place d’énormes projets d’infrastructures. Des projets de ports secs sont inclus dans nos PPP, notamment dans les villes frontalières avec nos pays voisins, comme à Kayes avec le Sénégal et à Sikasso avec la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, nous travaillons à la réhabilitation du chemin de fer Dakar-Bamako, en plus de nous intéresser à la construction de zones franches avec toutes les infrastructures de transports qui vont avec. Nous avons conscience de notre enclavement, mais pour nous c’est un avantage, étant donné que le Mali est au cœur de notre sous-région.

Comment avance le projet de réhabilitation du chemin de fer Dakar-Bamako ?
Les États du Mali et du Sénégal travaillent dessus. C’est un projet commun entre nos deux pays. Des partenaires comme la Banque mondiale nous appuient. Nous sommes malgré tout très surpris qu’il n’y ait pas encore un début d’exécution des travaux, mais nous espérons que très prochainement, des perspectives claires de délais de réalisation seront dégagées car chacun des pays a intérêt que ce projet puisse se concrétiser rapidement.

Chiffres clés
  • 2e Producteur de coton en Afrique
  • 5,3% Croissance du PIB en 2016
  • 1er Cheptel d’Afrique de l’Ouest (30%)
  • 43 millions d’hectares disponibles pour l’agriculture et l’élevage
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