Marché en or pour l’huile de palme

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Des plantations d'huiles de palmes à Irobo, en Côte d'Ivoire, le 12 juin 2013. (Nabil Zorkot pour Jeune Afrique)

Jeune Afrique | 25 juillet 2017

Marché en or pour l’huile de palme

Par Marion Douet - Envoyée spéciale à Abidjan

Les cours moroses n’ont pas douché la volonté des industriels. Car, en bout de chaîne, la demande est exponentielle. Et, en amont, de gros progrès peuvent encore être réalisés sur les rendements.

Qu’il semble loin le temps où les cours de l’huile de palme atteignaient des sommets… Ce n’était pourtant qu’il y a trois ans. À l’époque, l’huile raffinée tirée des grains de palmier s’échangeait à Kuala Lumpur, la Bourse de référence de cette matière première, quelque 4 500 ringgits (920 euros) par tonne, contre 2 500 aujourd’hui. Après une reprise au deuxième semestre 2016, son prix a fléchi à nouveau au début de 2017. Pas de quoi, pour autant, décourager les industriels en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

Dans cette petite zone de production à l’échelle mondiale – 3 millions de tonnes sur un total de 60 millions, essentiellement fournis par l’Indonésie et la Malaisie –, c’est même plutôt la confiance qui domine. Pourquoi ? « Parce que la demande est là », s’accordent à dire tous les interlocuteurs que nous avons interrogés, à l’image du président de la filière ivoirienne de l’huile de palme, Jean-Louis Kodo, par ailleurs directeur de Sania et de Palmci, les deux filiales du leader ivoirien Sifca respectivement chargées de la production d’huile raffinée et non raffinée.

Marché local

Pour les transformateurs, habitués aux variations cycliques de cette matière première, l’huile de palme possède, contrairement aux cultures de rente majoritairement exportées comme le cacao ou l’hévéa, l’avantage de se destiner au marché local.

Denrée de base, à l’image du sucre ou de la farine, elle est plébiscitée par les ménages pour son coût abordable. Et cette demande n’est pas près de se tarir : « On prévoit que la consommation progresse de 3 à 4 % par an dans la région, cela suit directement la croissance démographique », se félicite un industriel.

Pour les pays situés dans la zone de production (le long du golfe de Guinée, depuis la Sierra Leone jusqu’à la RD Congo), c’est l’occasion de répondre à la fois à leur demande locale et d’exporter vers les pays non producteurs de la région comme le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso, qui en sont friands.

Ces trois pays représentent ainsi 95 % des ventes extérieures de la Côte d’Ivoire, qui satisfait globalement ses besoins et exporte environ un tiers de son huile de palme.

Alors, partout les projets fleurissent. Certains pays possédant d’immenses surfaces inoccupées font la part belle aux grandes plantations industrielles, à l’image de la Sierra Leone, du Liberia, qui a accueilli il y a quelques années les géants malaisien Sime Darby et indonésien Golden Agri-Resources, ou encore du Gabon où, en partenariat avec l’État, le singapourien Olam a récemment inauguré une huilerie et mène un programme de plantation de 50 000 hectares.

Le Nigeria, pays prometteur

Mais, pour le groupe belge Siat (Société d’investissement pour l’agriculture tropicale, présente au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Ghana, et qui mène actuellement une acquisition au Liberia), le géant d’Afrique de l’Ouest est de loin le pays le plus prometteur.

« Le Nigeria est le seul pays où il y a beaucoup à faire », estime avec enthousiasme Gert Vandersmissen, le directeur des opérations de Siat, qui vient de planter 11 000 ha et commence un nouveau projet de 14 000 ha dans l’État d’Edo.

Autrefois premier exportateur mondial d’huile de palme, ce pays possède un double atout : de grandes surfaces y sont disponibles, et son marché intérieur, immense, est loin d’être satisfait.

Fort de plus de 180 millions d’habitants, il engloutit chaque année « 2 millions de tonnes d’huile mais n’en produit que la moitié », rappelle Gert Vandersmissen. Dans les pays où peu de terres sont encore vacantes, comme le Ghana et la Côte d’Ivoire, une autre stratégie s’impose.

Concurrence

Dans cette dernière, deuxième producteur (elle veut passer de 420 000 à 1 million de tonnes d’ici cinq ans) mais premier exportateur de la région, la concurrence est de plus en plus rude pour l’accès aux régimes de palmier.

Ceux produits par les plantations villageoises sont de plus en plus prisés. Car, aux côtés des opérateurs historiques nés du démantèlement de Palmindustrie (Sifca, Palmafrique, Adam Afrique) et qui possèdent leurs propres cultures, de nouveaux venus ont fait leur apparition ces dernières années, tels Africa West Industries, un producteur de savon qui a lancé en mai dernier sa propre huilerie, ou encore l’israélien Dekel Oil.

« À leur arrivée au début des années 2010, ils ont capté la production de villageois qui vendaient jusque-là à Sifca en renchérissant sur les prix, cela a bousculé le secteur », raconte un acteur, soulignant l’effet boule de neige constaté cette saison-là sur les prix dans tout le pays.

Défis en Cote-d’Ivoire

En Côte d’Ivoire comme ailleurs, d’importants défis restent à relever pour consolider la place des professionnels du secteur et leur permettre de se développer à l’international. D’abord, l’exigence grandissante, venant des pays riches, d’une production durable.

« C’est certes une petite part de nos volumes, mais les bailleurs sont vigilants sur ce point, et nous avons besoin de leur soutien », rappelle Abdoulaye Berté, secrétaire exécutif de l’association interprofessionnelle de la filière palmier à huile (AIPH) et ancien de Palmci.

Le renforcement de la protection des marchés régionaux face aux importations est ensuite réclamé par les industriels pour garantir la viabilité de leurs projets. Certes, la Cedeao prévoit des barrières douanières de 35 % à l’entrée du marché ouest-africain, mais celles-ci sont, de l’avis général, souvent contournées.

L’exemple camerounais

De plus, le contrôle insuffisant des frontières laisse, dans certains pays, le champ libre aux importations frauduleuses d’huile, souvent frelatée, en provenance notamment de l’hinterland via le Nigeria.

À ce sujet, le Cameroun est cité en exemple : grâce à un contrôle renforcé des frontières, à l’instauration de taxes « prohibitives » respectées, et à une entente des industriels et de l’État sur les prix (parfois qualifié de « cartel »), le pays se protège des importations, qui ne sont autorisées qu’en cas de déficit de production. Enfin, l’amélioration des rendements figure en tête des priorités pour assurer la compétitivité de la filière.

Les plantations villageoises dépassent rarement les 6 t à l’hectare dans la région, loin des rendements de 20 à 25 t enregistrés en Asie.

« Nos semences devraient nous permettre d’y arriver, et justement la seule façon de nous défendre c’est la productivité », poursuit Abdoulaye Berté, précisant que l’utilisation d’engrais et l’entretien des parcelles permettraient à eux seuls de booster les rendements.

Hasard des marchés internationaux, l’effondrement des prix du cacao pourrait indirectement contribuer à l’augmentation de la production dans les années à venir. Les planteurs, qui pratiquent souvent la polyculture, sont bien plus sensibles que les industriels aux soubresauts des cours mondiaux.

« Dans les années 2000, quand le cacao allait très mal, de nombreux vergers ont été arrachés pour y planter des palmiers à huile et des hévéas », note une source économique.

Depuis l’année dernière, les cours du cacao ont perdu près de 40 % et, selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO), en raison d’importants stocks de fèves, les cours s’orientent vers une baisse durable.

Peut-être suffisamment pour inciter les cacaoculteurs à chercher une meilleure rémunération en misant sur l’huile de palme qui, en outre, pourrait profiter du très bas niveau du cours du caoutchouc.

Côte d’ivoire : Aya vs Dinor

Confronté à une concurrence grandissante en amont de la filière, le grand leader local, Sifca, est aussi bousculé, en aval, dans la vente de ses huiles, notamment sur sa principale marque Dinor (fabriquée par sa filiale de raffinage d’huile brute, Sania).

Depuis son lancement en 2014, l’huile concurrente, Aya, occupe une place croissante sur les étals ivoiriens. Le groupe qui la fabrique, Sarci, propriété de la famille Fakhry (Prosuma), revendique désormais quelque 20 % de parts de marché et nourrit des ambitions élevées.

Selon des sources concordantes, il envisage de doubler ses capacités pour répondre à la progression de la demande.

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