La Socfin menace toujours les forêts africaines

La Socfin menace toujours les forêts africaines

Fin février 2016, nous révélions des informations sur les menaces que la Socfin fait peser sur les forêts tropicales africaines et lui demandions de s’engager dans une politique zéro déforestation – ce que l’entreprise se refuse à faire. A la place, elle publie un communiqué de presse dans lequel elle tente en vain de se justifier et accuse Greenpeace de diffuser des informations non documentées et erronées.

Peu connue du grand public, la Socfin est présente depuis plus d’un siècle en Afrique et compte parmi les plus grands planteurs de palmiers à huile et d’hévéas sur le continent. Au premier rang de son actionnariat, on trouve deux figures du monde des affaires africain : Vincent Bolloré, 9e fortune française, et Hubert Fabri, un homme d’affaires belge. La Socfin affiche aujourd’hui des projets d’expansion de ses plantations dans une dizaine de pays majoritairement africains, menaçant ainsi des forêts pourtant indispensables à la préservation des équilibres climatiques, à la sauvegarde de la biodiversité ainsi qu’au maintien des conditions de vie des populations locales.

D’ailleurs, sur le terrain, les communautés locales s’organisent pour remporter les nombreux conflits sociaux qui émaillent les activités de la Socfin : certaines se sont regroupées au sein de l’Alliance internationale des communautés riveraines des plantations Socfin-Bolloré. Riverains et paysans dénoncent notamment le non-respect de leurs droits fonciers coutumiers, la faiblesse des compensations accordées, la dureté des conditions de travail des ouvriers agricoles et la menace pour leur sécurité alimentaire.

Les réponses évasives de la Socfin face à nos demandes sont insatisfaisantes. Non seulement nous maintenons toutes les informations publiées dans notre rapport sur Sao Tomé-et-Principe et la République démocratique du Congo, mais nos investigations récentes montrent que les forêts camerounaises et libériennes sont elles aussi menacées par les activités de la Socfin.

La plantation d’hévéas de la Safacam dans la région de Dizangué

La Safacam est une entreprise de plantations tropicales établie dans la région de Dizangué, au Cameroun, depuis 1897 et gérée par la Socfin depuis 2000. Elle est aujourd’hui la principale filiale de la Socfin au Cameroun produisant du caoutchouc naturel. Selon les informations de la Socfin, la Safacam disposerait d’une concession de 15 000 hectares dont 5 300 hectares de palmiers et 4 300 d’hévéas. Selon la carte cadastrale de la concession de la Safacam à laquelle nous avons eu accès, la concession pourrait s’élever à 18 000 hectares dont 10 000 déjà plantés.

La concession de la Socapalm dans la région de Mbongo et Mbimbé (palmiers à huile)

La Socapalm dispose de plusieurs plantations dans le département de la Sanaga maritime, au Cameroun. Selon les informations du cadastre camerounais auxquelles nous avons eu accès, la société disposerait de près de 30 000 hectares de concession dans ces zones – les plantations de palmiers à huile comptent pour environ 15 000 hectares de cette surface. Les zones non plantées, directement menacées, sont constituées de précieuses forêts denses et de forêts “mosaïques”.

Or, au sud de la concession, nous avons pu observer des travaux de déboisement et de défrichement commencés en 2014. Une route a même déjà été ouverte au bulldozer pour délimiter la future extension. S’ils ont été stoppés en 2015, ces travaux de déboisement peuvent reprendre à tout moment.

La concession de la Socapalm à Kienké (palmiers à huile)

Située près de Kribi, dans la région du Sud du Cameroun, et constituée de deux blocs distincts, la concession de la Socapalm à Kienké s’étend sur environ 21 000 hectares. Elle a été acquise par la Socfin en 2000. Nos investigations ont permis de mettre en avant de récentes extensions de plantations au sein de la concession sur des zones humides, sans qu’aucune étude d’impact environnemental et social n’ait été conduite, ni même la moindre consultation des populations riveraines.

Dans les régions tropicales, ces zones humides sont des milieux fragiles, fertiles et complexes essentiels à la préservation des écosystèmes et à la protection des nombreuses espèces animales et végétales qui y coexistent. En outre, les communautés locales pratiquent une agriculture vivrière indispensable à leur survie dans cette zone. Ces extensions, effectuées sans étude d’impact (ni consultation des communautés locales) sont contraires à tous les standards internationaux, et y compris ceux de la RSPO.

La plantation LAC au Liberia

Le Liberia, petit pays d’Afrique de l’Ouest encore largement recouvert de forêts, produit chaque année environ 63 000 tonnes de caoutchouc naturel. La Socfin y dispose de deux filiales, la Liberian Agricultural Company (LAC) et la Salala Rubber Corporation, qui lui assurent l’exploitation de près de 130 000 hectares de concessions, dont plus de 18 000 hectares de plantations.

La concession LAC est située au cœur de ce qui subsiste de l’ancienne forêt de Haute-Guinée, qui s’étendait du Togo à l’est de la Sierra Leone et qui est considérée comme l’une des régions à conserver en priorité à l’échelle mondiale, en raison de ses niveaux élevés d’endémisme, de la rareté de ses espèces et des menaces extrêmes et immédiates qui pèsent sur sa survie. Or nos investigations montrent que la Socfin projette d’étendre ses plantations d’hévéas et de palmiers à huile dans cette région.

La Socfin, mauvais élève de la lutte contre la déforestation

La Socfin refuse toujours d’adopter la méthodologie HCS (“High Carbon Stock”), pourtant seule norme permettant à ce jour de mettre en œuvre une politique zéro déforestation conséquente et cohérente. La méthodologie HCS, déjà adoptée par deux tiers du secteur de l’huile de palme (dont de nombreuses multinationales consommatrices d’huile de palme comme Nestlé, Unilever, Procter & Gamble, Mondelez, Ferrero, Nest Oil, L’Oréal, Carrefour, Danone) est aujourd’hui également appliquées dans d’autres secteurs comme le papier, le cacao ou le caoutchouc naturel.

La Socfin s’entête pourtant à rester en marge de cette dynamique positive. Elle continue de dénigrer l’approche HCS pour mieux s’affranchir des contraintes et des responsabilités qui en résultent. Ce faisant, le pseudo-engagement “zéro déforestation” qu’elle revendique n’a aucune valeur.

Mais notre travail continue, alors que s’ouvre cette semaine à Singapour le Forum sur le caoutchouc durable, qui réunit l’ensemble des acteurs de la filière du caoutchouc naturel et auquel Greenpeace assistera pour participer aux débats et encourager le secteur à s’engager en faveur de politiques d’approvisionnement et de plantation zéro déforestation.

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