Des terres agricoles rachetées par un mystérieux groupe chinois dans le Berry

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Une exploitation agricole dans l'Indre.
Le Figaro | 13 avril 2016
 
Des terres agricoles rachetées par un mystérieux groupe chinois dans le Berry

Par Paul Louis
 
La société Hongyang a acquis discrètement plusieurs terres agricoles dans le département de l'Indre. Ses réelles intentions, qui demeurent floues, suscitent l'incompréhension des exploitants locaux.
 
Si les investisseurs chinois n'ont jamais caché leur attrait pour les vignobles français, leur penchant soudain pour les exploitations agricoles était, lui, moins prévisible. Et pourtant, un groupe tout droit venu de «l'Empire du Milieu» a racheté l'année dernière 1700 hectares de terres agricoles dans le département de l'Indre. Des transactions foncières effectuées dans le plus grand secret et qui suscitent l'interrogation des exploitants locaux.
 
D'autant que le mystère demeure sur la société Hongyang, à l'origine de ces opérations foncières, tant sur ses activités que ses intentions. A en croire son site internet, il semblerait qu'elle était initialement spécialisée dans les équipements pour stations-services. «C'est un peu opaque, explique au Figaro Hervé Coupeau, président de la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats Exploitants Agricoles) de l'Indre. On sait que ces capitaux chinois viennent de Hong-Kong et que la structure qui gère ces fonds siège à Pékin mais on ne connait pas les intentions réelles du groupe sur place».
Des transactions exemptées de tout contrôle
 
Si ces transactions foncières posent question, c'est avant tout parce qu'elles manquent cruellement de transparence. En effet, pour acquérir ces terres, le groupe chinois a utilisé une méthode étonnante et pourtant parfaitement légale. «Les investisseurs sont allés voir les exploitants qui tiennent une structure individuelle, leur ont demandé de se mettre en société agricole avant de racheter 98% des parts sociales», détaille Hervé Coupeau. Une opération qui supprime toute obligation de droit de regard. Et pour cause, sur ce marché, si la cession des parts de société agricole n'atteint pas les 100%, les actionnaires ne sont pas obligés de se manifester et la transaction peut dès lors échapper à tout contrôle.
 
Dans la pratique, les Safer (sociétés pour l'aménagement foncier rural), sont censées être informées de toute cession. Elles sont également prioritaires dans l'acquisition et la revente des terres agricoles. C'est le droit de préemption. Mais dans le cas des terres agricoles de l'Indre, impossible pour elles de peser dans la transaction car le groupe chinois n'a pas acquis la totalité des parts.
 
Car si leurs pouvoirs ont été élargis grâce à la loi d'avenir, les Safer ne peuvent toujours pas jouer pleinement leur rôle d'observateur et de régulateur du marché foncier: «Nous sommes notifiés uniquement si le transfert de parts est de 100%. Les dispositions de la loi d'avenir ne sont pas suffisantes», explique au Figaro Emmanuel Hyest, président de la Fédération Nationale des Safer. Un communiqué de cette même fédération en date du 7 avril dernier précisait: «Ne plus réguler le foncier et ne plus contrôler les structures, c'est-à-dire se situer dans la configuration d'un marché totalement libre, c'est une porte ouverte aux excès, à la financiarisation et à la spéculation, particulièrement préjudiciables à l'installation des nouveaux agriculteurs».
Un prix des terres surestimé
 
Le rachat des terres berrichonnes s'est opéré à un prix bien supérieur à celui du marché: 15.000 euros l'hectare contre environ 4000 euros en temps normal. Une surévaluation qui menace «la compétitivité de l'agriculture française ainsi que l'installation des jeunes agriculteurs», selon Emmanuel Hyest qui s'inquiète de la situation: «L'autonomie alimentaire d'un pays est très importante. Or, si les terres sont détenus par des capitaux étrangers, c'est toute la production qui risque d'être exportée».
 
La Fédération nationale des Safer devrait prochainement rédiger un rapport pour alerter le ministre de l'Agriculture sur ce phénomène d'achats fonciers. «Nous demandons à ce que quelque chose qui permette de retrouver une transparence du marché pour la sécurité alimentaire soit mis en place», souligne Emmanuel Hyest. Même son de cloche du côté d'Hervé Coupeau qui en appelle à «plus de régulation» de la part d'un gouvernement qui «laisse tout faire».
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