« Echange pétrodollars contre terres agricoles en Afrique »

Les Afriques | No 42 : 4 au 10 septembre 2008

Un mariage d’intérêt pourrait naître de l’excédent de liquidités dans les pays du Golfe et de l’abondance de terres arables en Afrique. C’est le vœu de Gulf Finance, Al Ihmar et Abu Dhabi Investment House, trois mousquetaires de la finance islamique qui viennent de mettre en place, fin août, un fonds d’investissement agricole appelé Agricapital. Dotée de 3 milliards de dollars, cette structure, qui a pour mission la mise en valeur des terres agricoles, a déjà commencé sa prospection, notamment au Soudan où l’Etat a pris les devants.

En Afrique de l’Ouest et centrale, l’obstacle du droit coutumier sera-t-il surmonté ?

MBF

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Les pétrodollars à l’assaut des terres agricoles africaines

L’Afrique regorge de terres cultivables.

Excédents de liquidités dans le Golfe et rareté des terres agricoles. Abondance de terres agricoles en Afrique et difficultés de financement. Tous les ingrédients d’un mariage réussi ? Attention au droit coutumier.

Gulf Finance, Al Ihmar et Abu Dhabi Investment House. Ces trois mousquetaires de la finance islamique du Golfe, nés du boom pétrolier des années 2000, ont mis en place fin août un fonds d’investissement agricole appelé Agricapital. Doté d’un capital de 3 milliards de dollars, cette structure aura pour mission la mise en valeur des terres agricoles, notamment en Afrique. Le fonds couvrira des domaines aussi variés que la biotechnologie, les technologies agricoles, l’irrigation, etc. L’abondance des terres agricoles en Afrique et leur relative facilité d’accès laisse supposer une orientation forte d’Agricapital vers le continent. Cet intérêt subit pour l’agriculture est un phénomène nouveau dans les pays du Golfe qui dépendaient alimentairement de l’extérieur, et de l’Occident en particulier. Les experts y voient l’une des premières conséquences de la crise alimentaire mondiale qui secoue la planète depuis le printemps dernier. Avec la flambée des prix, les institutions financières et les Etats fortement excédentaires ont trouvé dans l’agriculture un placement intéressant avec des rendements à deux chiffres, au même niveau que ceux dégagés par le secteur des nouvelles technologies d’avant l’éclatement de la bulle du Nasdaq.

Valorisation des terres

En raison de sa proximité et surtout de son potentiel agricole, le Soudan fera office de laboratoire de cette nouvelle tendance. Khartoum aurait cédé à différents investisseurs quelque 880 000 hectares de terres arables pour 670 millions d’euros, selon le Financial Times. Parmi les acquéreurs, le Qatar à la recherche de terres pour nourrir du bétail, l’Arabie saoudite et l’émirat d’Abu Dhabi intéressés par les perspectives de réduction de leur dépendance alimentaire. Le Koweït a déjà trouvé des terres à louer au Cambodge. En dehors de ces pays du Golfe, la Chine, grande puissance agricole, présente en Afrique depuis les années 60, tente de garder l’œil sur ces terres agricoles pour nourrir une population qui atteindra bientôt 1,5 milliard d’habitants. Pékin négocie avec le Soudan et le Cameroun.

Evidemment, cette tendance n’échappe pas aux multinationales comme Nestlé (qui investit massivement dans des terres agricoles en Asie), qui devront réinvestir l’amont agricole pour sécuriser leurs approvisionnements.

C’est dire que tous les ingrédients sont réunis pour une meilleure valorisation des terres agricoles africaines. Reste cette équation permanente en Afrique de l’Ouest, où les terres agricoles sont souvent régies par le droit coutumier traditionnel qui ne reconnaît pas l’acte de vente. La greffe promue avec la finance ne se fera pas sans obstacles. Au vu des programmes gouvernementaux entrepris au Sénégal, au Burkina Faso et au Mali, l’option qui se profile semble être surtout celle de financer une agriculture vivrière en plaçant les autochtones au centre du dispositif. Une approche qui rencontre facilement ses limites dans la rareté des financements qui restent dévolus aux méga-projets. Lors de la réunion du caucus africain à Nouakchott, début août, Dominique Strauss Khan avait rappelé aux gouverneurs des banques centrales africaines la nécessité de faire respecteraux nouveaux partenaires des « minimas de transparence » et des « conditionnalités » liées à l’emprunt, afin que leurs financements correspondent « aux besoins réels de l’Afrique ».

« Le problème, c’est que la Chine ou les pays du Golfe ont tendance à prêter à des taux d’intérêt plus difficiles pour les pays africains quele FMI ou la Banque mondiale. Nous sommes donc là pour les conseiller et pour leur dire de se méfier de ce miroir aux alouettes ! » Là où toutes les réformes agraires ont échoué, la pression financière parviendra-t-elle à adapter ce droit séculaire ?

L’Afrique australe : un grenier politisé

Contrairement à l’Afrique de l’Ouest, le droit coutumier a été presque entièrement démantelé en Afrique australe où les fermiers blancs avaient fait du Zimbabwe le grenier de l’Afrique. Un statut perdu depuis à cause du caractère même de la répartition des terres selon un mode hérité de l’apartheid et accordant à la minorité blanche la quasi-totalité des terres arables. Les nécessaires réformes agraires dans cette région pourraient s’envisager par une nouvelle répartition des terres agricoles au niveau transnational, comme ces agriculteurs du Zimbabwe qui sont déplacés avec succès au Mozambique.


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