En Afrique, les fermiers oubliés

Le Journal du Dimanche | Mardi 26 Août 2008

Par N.L.B

Sur les terres inondées du haut delta, au Sénégal, la colère gronde: "Depuis quelques mois, nous observons un regain d'intérêt pour nos terres, des acheteurs s'emparent de très grandes surfaces acquises avec des facilités dérangeantes, dans la zone du lac de Guiers, par exemple", affirme Ndiogou Fall, sénégalais et président exécutif de la Roppa: Réseau des organisations paysannes et des producteurs d'Afrique de l'Ouest.

"Nous condamnons vigoureusement les multinationales ou pays acheteurs, parce qu'ils ne se préoccupent pas du tout de la demande locale." Et d'ajouter: "Si on prive les paysans de leurs champs, tout peut arriver." Au Soudan, alors que le pays se dit prêt à vendre pour un milliard de dollars de terres, Penny Ferguson, du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, rappelle l'état précaire dans lequel se trouve le pays, notamment au Darfour: "Une opération d'urgence a été lancée en 2008 pour aider 5 millions de personnes à se nourrir."

En France, les associations commencent tout juste à s'inquiéter de ces mouvements. Seule la Confédération paysanne s'en alarme: "Les achats de terre par des capitaux étrangers signifient que des agriculteurs seront expulsés car, dans les pays d'Afrique, le droit de propriété n'est pas sécurisé comme en Occident", prévient Nicolas Duntze, membre du comité national de la Confédération paysanne. Le syndicat agricole compte brandir l'idée de "souveraineté alimentaire" pour défendre la cause des fermiers africains menacés. Elaboré par la fédération mondiale Via Campesina en 1996, ce concept désigne le droit des Etats et des citoyens à disposer de leur politique agricole : priorité aux espèces locales, libre choix des cultures, sécurité de la propriété foncière... "Il pourrait servir de base juridique pour s'opposer aux ventes effectuées", imagine Nicolas Duntze.

A l'inverse, Lorenzo Cotula, de l'Institut international pour l'environnement et le développement (IIED), basé à Londres, ne condamne pas ces transactions. Ce spécialiste de l'Afrique de l'Ouest espère seulement qu'elles seront mieux réglementées à l'avenir: "Le phénomène peut perdurer si le pétrole continue de générer autant de cash dans le Golfe. Mais la protection sociale devra être renforcée. Le Mozambique fait déjà des efforts dans ce sens, favorisant le dialogue entre acheteurs et locaux." Mais on reste loin de l'option optimale: offrir des indemnisations pour chaque expropriation et associer les agriculteurs locaux au partage des profits.
  •   JDD
  • 26 August 2008

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