Une terre, un toit, un travail, des « droits sacrés » pour le pape François

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La Croix | 31 octobre 2014

Une terre, un toit, un travail, des « droits sacrés » pour le pape François

posté par Dominique Greiner

Le 28 octobre, à l’occasion d’une audience avec les participants de la rencontre mondiale des mouvements populaires, le pape François s’est exprimé longuement sur la solidarité, la lutte contre la pauvreté, l’économie (texte original en espagnol et traduction en italien). Il salue dans son discours le travail des mouvements populaires, qui « ont les pieds dans la boue et les mains dans la chair », pour tenter de mettre fin au « scandale de la pauvreté » et d’aider les plus pauvres à faire valoir leurs droits les plus fondamentaux.

Le discours est vigoureux et reprend des thèmes déjà développés dans Evangelii Gaudium. Le pape sait que certains voient en lui un « communiste » à cause de ses prises de position sur l’économie et de sa défense des plus pauvres. Or, explique-t-il, l’amour des pauvres est central dans le message de l’Évangile et dans l’enseignement social de l’Église. Il a donc toute légitimité à s’exprimer sur de tels sujets, en dehors de toute idéologie !

La solidarité, une façon de faire l’histoire avec les pauvres

Le pape François a commencé par remercier les mouvements populaires qui contribuent à mettre à jour « une réalité souvent passée sous silence », à savoir que les « les pauvres ne font pas que subir l’injustice mais luttent aussi contre elle ». Les pauvres ne sont pas passifs. Ils n’attendent pas les mains tendues « l’aide des ONG, des plans d’assistance ou des solutions qui n’arrivent jamais ». Loin de se contenter de promesses illusoires, d’excuses ou d’alibis, ils veulent être des protagonistes de leur propre histoire et pour cela « s’organisent, étudient, travaillent, exigent et surtout pratiquent cette solidarité si spéciale qui existent entre ceux qui souffrent, entre les pauvres ».

Une solidarité « que notre civilisation semble avoir oubliée, ou du moins qu’elle semble avoir la beaucoup de volonté à oublier », estime le pape François qui explique que la solidarité est un « mot qui ne plaît pas toujours », parce que c’est « une façon de faire l’histoire » particulièrement exigeante, qui ne peut se contenter d’une « générosité sporadique » ou de stratégies qui voudraient « transformer les pauvres en êtres domestiqués et inoffensifs ».

La solidarité, comprise en son sens le plus profond, pousse « à penser et à agir en termes de communauté, de priorité de la vie sur l’appropriation des biens de la part de quelques-uns. C’est aussi lutter contre les causes structurelles de la pauvreté, l’inégalité, le manque de travail, de terre et de maison, la négation des droits sociaux et du travail. C’est faire front aux effets destructeurs de la domination de l’argent : les déplacements forcés, les migrations douloureuses, la traite des personnes, la drogue, la guerre, la violence et toutes ces réalités que beaucoup d’entre vous subissent et que tous nous sommes appelés à transformer. »

Une terre, un toit, un travail sont des droits sacrés

Le pape poursuit son intervention en évoquant ces « droits sacrés » que sont la terre, la maison et le travail, – ce que chaque père ou mère souhaite pour ses enfants – mais auxquels malheureusement beaucoup n’accèdent pas aujourd’hui.

Une terre. Le pape se dit préoccupé par ces paysans arrachés de leurs terres, pour d’autres raisons que la guerre ou les désastres naturels : accaparement des terres par quelques-uns, la déforestation, l’appropriation de l’eau, usage de pesticides inappropriés… « Cette séparation douloureuse n’est pas seulement physique, mais aussi existentielle et spirituelle », souligne François car elle accélère le déclin du style de vie et des solidarités propres au monde rural. Il dénonce aussi la spéculation financière qui pèse sur les prix des denrées alimentaires, comme si celles-ci étaient une marchandise comme une autre, mais aussi les gaspillages... ‘Tout ceci est un vrai scandale. La faim est criminelle. L’alimentation est un droit inaliénable. »

Une maison. Une maison pour chaque famille, précise François, car « famille et maison vont de pair. Mais un toit, pour qu’il devienne maison, doit aussi avoir une dimension communautaire : le quartier et c’est précisément dans le quartier que l’on s’initie à construire cette grande famille de l’humanité, à partir de ce qui est le plus immédiat, à partir du vivre-ensemble avec le voisinage ». Une dimension du vivre-ensemble souvent absente des plans d’urbanisme des grandes villes : « Nous vivons dans des cités qui construisent des tours, des centres commerciaux, font des affaires immobilières mais abandonnent une partie d’elles-mêmes dans les marges, les périphéries. » D’où l’invitation faite aux mouvements populaires de continuer « à travailler pour que toutes les familles aient une maison et que tous les quartiers disposent des infrastructures appropriées (égouts, électricité, gaz, routes goudronnées, de l’asphalte) », mais aussi d’écoles, d’hôpitaux, de centres de première urgence, de clubs sportifs…

Un travail. « Il n’y a pas pire pauvreté matérielle – je tiens à le souligner – que de ne pas pouvoir gagner son pain et d’être privé de la dignité du travail », déclare le pape François pour qui le chômage des jeunes, l’activité informelle et les droits bafoués des travailleurs ne sont pas inéluctables mais résultent d’un « système économique qui place les profits au-dessus de l’homme », d’une « culture du déchet qui considère l’être humain comme une marchandise qui peut être utilisé et ensuite jeté. »

Et le pape dit être aux côtés de tous qui luttent pour faire valoir leurs droits de travailleurs dont ils sont aujourd’hui privés : rémunération digne, sécurité sociale, programme de retraite, droit d’être syndiqué… Et de citer toute une série de métiers concernés au premier chef : « chiffonniers, recycleurs, vendeurs ambulants, tailleurs, artisans, pêcheurs, agriculteurs, travailleurs de la construction, mineurs, travailleurs d’entreprises de récupération… »

La paix et la nature : deux « dons précieux » et fragiles

Le pape François termine son intervention en évoquant le thème de la paix et de l’écologie. La paix et la nature sont deux « dons précieux ». Deux dons menacés par un certain type de fonctionnement économique. « Il y a des systèmes économiques qui pour survivre doivent faire la guerre », et qui ne se préoccupent pas des souffrances causées. « Un système économique centré sur le dieu argent a aussi besoin de saccager la nature, de saccager la nature pour soutenir le rythme frénétique de la consommation qui lui est propre. »

Les menaces sur la paix et la nature ne sont que la conséquence d’un « éloignement de Dieu » et du « culte idolâtrique rendu à l’argent » qui conduisent au mépris de la dignité humaine et de la « mondialisation de l’indifférence ». Il est donc urgent de « remettre la dignité humaine au centre », ce qui exige d’agir avec « courage mais aussi intelligence », « avec ténacité, mais sans fanatisme », « avec passion mais sans violence ». « Nous, les chrétiens avons quelque chose de très beau, un plan d’action, un programme, pourrait-on dire, révolutionnaire », conclut-il. Un programme, comme il l’a déjà signifié aux jeunes réunis à Rio pour les JMJ, que l’on trouve dans le Nouveau Testament, notamment dans les Béatitudes (Mt 5, 1-12 ; Lc 6, 12-13.20) et le chapitre 25 de l’évangile de Matthieu.
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