Le Qatar souhaite faire du Maroc son "potager"

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Yabiladi | Publié le 26.08.2014

Le Qatar souhaite faire du Maroc son "potager"

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Suite au don du Qatar au Maroc en soutien à deux projets agricoles, nous avions rédigé hier un article sur les raisons qui ont pu motiver ce geste généreux. Et les choses semblent se confirmer puisque les discussions entre responsables qataris et marocains tournaient autour de l'importation par Doha des produits agricoles chérifiens. Pour les économistes marocains, c'est un deal intéressant, car il atténuera la dépendance vis-à-vis de l'UE. Toutefois, l'un d'eux apporte quelques nuances. Explications.

Les discussions étaient très sérieuses hier à Rabat entre le ministre qatari des finances, Ali Sheriff Al Emadi, et Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture. Et pour cause, le Qatar qui importe un très large partie de ses denrées alimentaires veut coopérer dans ce sens avec le Maroc, plutôt que de toujours recourir à des pays lointains comme le Brésil, rapporte la MAP.

"Le Royaume dispose d'énormes potentialités dans le domaine agricole qui lui ont permis de se démarquer de plusieurs pays arabes" et c'est un "pays avec qui l'Emirat du Qatar entretient de bonnes relations dans plusieurs domaines", a déclaré Ali Sheriff Al Emadi. Les Qataris vont plus loin en souhaitant ouvrir les portes du secteur agricole marocain aux investissements de leurs opérateurs privés.

Pour rappel, le Qatar a fait un don de 136 millions de dollars US au Maroc, soit plus d'un milliard de dirhams, visant à soutenir deux projets agricoles. Hier déjà, Yabiladi publiait un article sur les éventuelles raisons qui ont pu motivé ce don. Parmi elles, nous évoquions la volonté du Qatar d'assurer sa sécurité alimentaire. Et les révélations du contenu des discussions actuelles entre responsables marocains et qataris parlent d'elles-mêmes.

Le Qatar possède déjà des terres en Afrique australe

Depuis quelques années, les pays du Golfe se sont lancés dans une course à l'acquisition de terres arables à l'étranger pour assurer leur approvisionnement national, dont 60% dépend de l'importation, selon le site spécialisé Momagri.org. L'Arabie Saoudite a été l'un des pionniers de cette démarche avec sa politique déployée notamment en Afrique de l'Est depuis quelques années. Aujourd'hui elle détient par exemple, 500 000 hectares en Tanzanie.

La sécurité alimentaire devenue une question cruciale dans la région, le Qatar a très vite suivi la tendance. Via la société Hassad Food lancée en 2008 par le Fonds souverain du Qatar, l’Émirat disposerait aujourd'hui d'environ 100 000 hectares de terres au Soudan et 40 000 hectares au Kenya. En juin, la même société a investit 500 millions de dollars pour la prise de participation majoritaire dans la compagnie indienne Bush Food Overseas afin d'assurer 60% de sa demande intérieure.

"Tant qu'ils n'achètent pas nos terres, c'est une bonne affaire"

Au Maroc en revanche, la coopération entre le Doha et Rabat ne porte visiblement pas sur l'achat de terre, du mois pour l'instant. "C'est une très bonne chose, car ils investissent, font travailler les Marocains, ensuite achètent nos produits", se réjouit l'économiste Mohamed Chiguer, contacté par Yabiladi.

Il reconnait que les Qataris "cherchent à assurer leurs bases arrières", mais estime le deal bénéfique pour le Maroc dans le sens où cela "atténuera la dépendance du Maroc vis-à-vis des exportations vers l'Union européenne (UE)". "Tant que les Qataris n'achètent pas nos terres, je ne vois pas d'inconvénients à cette coopération", juge-t-il.

"Attention, il ne faut pas trop vite fantasmer"

L'économiste Najib Akesbi aussi estime que cette coopération est une "bonne nouvelle" après l'opportunité russe. "Pour le Maroc, cela peut constituer une sorte de soupape, surtout après le sombre épisode qu'on a connu avec l'UE. Mais attention, il ne faut pas trop vite fantasmer, avertit cet enseignant à l'Institut vétérinaire et agronomique Hassan II de Rabat. D'après lui, le marché qatari est "quantitativement limité". Du coup, les exportations agricoles du Maroc ne concerneraient que "quelques dizaines de milliers de tonnes de fruits et agrumes", car - argue-t-il - le Maroc est lui-même dépendant des importations pour de nombreux produits (céréales, maïs, ...)".

En outre, M. Akesbi relève la question des "incontournables" questions comme la logistique. "Jusqu'à présent, il n'y a pas de ligne maritime entre le Maroc et le Moyen-Orient. Exporter des tomates périssables par avion, ce n'est pas très pratiques", explique-t-il.

Et même s'il était question pour les Qataris d'acquérir des terres, l'économiste ne voit pas ce que le Maroc pourrait céder. "Oui, nous avons quelques centaines de milliers d'hectares, mais ces terres sont soit à travailler, soit détiennent un statut collectif, donc non cessibles, car des gens y vivent", explique-t-il, soulignant que le Plan Maroc Vert a pour objectif d'augmenter les terres cultivables, mais avance très lentement.  Et M. Akesbi de conclure : "Si on avait une baguette magique pour régler le problème, on le ferait d'abord pour nous".

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