Zones d’ombre autour du projet Senhuile-Senéthanol (enquête)

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Déracinement des arbres dans la réserve de Ndiaël pour le bénéfice du projet

Financial Afrik | 16 Avril 2014

Zones d’ombre autour du projet Senhuile-Senéthanol (enquête)

Malgré la résistance des populations locales, l’entreprise Senhuile poursuit son projet de plantation agro-industrielle de 20 000 hectares, dans le nord-ouest du Sénégal. De nombreuses questions restent en suspens, notamment autour du montage organisationnel et financier de la société.

Par Christelle Marot, Paris

Dans un rapport paru en février, Oakland Institute dénonce le projet agro-industriel conduit par l'entreprise Senhuile dans la région de Saint Louis, au nord-ouest du Sénégal (http://www.oaklandinstitute.org/sacrifier-notre-futur). Senhuile est contrôlé par un réseau d'intérêts privés peu transparents dont les ramifications internationales incluent l'Italie, les Etats-Unis, le Brésil et le Panama. Pour l'organisation américaine, la plantation qui devrait s'étendre sur 20 000 hectares dans la réserve naturelle de Ndiaël, menace l'environnement et les moyens de subsistance de près de 9 000 personnes, principalement des éleveurs établis dans une trentaine de villages alentours. Malgré la vive opposition des populations locales, le projet initié en 2010 a reçu le soutien des plus hautes autorités sénégalaises. Mais plus de trois ans après le début des discussions, de nombreuses questions restent en suspens. « Nous sommes face à un cas d'accaparement de terres, avec des populations locales qui ne sont pas consultées et se sentent manipulées par les investisseurs et les officiels de l'administration sénégalaise, explique Frédéric Mousseau, directeur de politiques de l'Oakland Institute. Pendant sa campagne présidentielle, Macky Sall a exprimé son opposition au projet. Arrivé au pouvoir, il est revenu sur l'accord donné par l'ex président Wade, avant de faire machine arrière. On se dit que les intérêts en présence sont suffisamment puissants pour pouvoir influer sur ces deux Présidents ». « Par ailleurs, on ne comprend toujours pas ce que les investisseurs veulent produire, ajoute Frédéric Mousseau. Ils ont évoqué au départ la production d'agrocarburants pour l'Europe, ce qui passe mal dans un pays qui fait face à des problèmes alimentaires. Puis on a parlé de faire du maïs, puis du tournesol, aujourd'hui de faire de la recherche sur les arachides. Qu'en est-il vraiment ? » Résultat d'une enquête pilotée sur près d'un an par Oakland Institute, en collaboration avec les associations Grain, CRAFS (Cadre de réflexion et d'action sur le foncier au Sénégal); Re:Common et le Forum for African Investigative Reporters (FAIR), le rapport souligne par ailleurs l'opacité, la complexité du montage financier et les connexions douteuses de certains investisseurs partie prenantes du projet. Des zones d'ombre déjà relevées par l'organisation Grain en novembre 2013 dans un rapport très fouillé (http://www.grain.org/fr/article/entries/4814-qui-est-derriere-senhuile-senethanol).

On y apprend ainsi que la joint-venture Senhuile est détenue à 51% par la société italienne Tampieri Financial Group et à 49% par Senéthanol, regroupant des investisseurs sénégalais et étrangers, dont l'identité demeure trouble. Si l'activité et les objectifs de Tampieri sont lisibles - la société italienne active dans la production d'huile végétale souhaite assurer sont approvisionnement en tournesol -, en revanche le montage et les connexions douteuses de Senéthanol posent questions. Senéthanol est détenue à 75% par ABE Italia, aujourd'hui en liquidation et qui serait contrôlée par ABE Int LLC, société écran basée à New York. Derrière Senéthanol, deux noms reviennent : celui de Gora Seck, un homme d'affaires sénégalais discret opérant dans les mines, ainsi que celui de Benjamin Dummai, un investisseur né en Israël, naturalisé brésilien, mis en cause pour fraude fiscale par les autorités brésiliennes. Les deux hommes, respectivement président et directeur de Senhuile sont établis à Dakar. « Gora Seck est par ailleurs très actif au sein de la conférerie tidiane, ce qui expliquerait que les autorités sénégalaises ferment les yeux », affirme un proche du dossier. « Nous avons enquêté en Italie, au Sénégal, à New York pendant sept mois. Nous ne savopns toujours pas qui est derrière ABE International à New York, uns structure montée via une firme au Panama, par l'entremise de Benjamin Dummai, indique Renée Vellvé, de l'organisation Grain. Nous avons des doutes. Nous avons pu observer dans d'autres cas d'accaparement de terres, que ce soit en Afrique ou en Amérique latine, des problèmes de flux financiers illicites, évasion fiscale ou blanchiment. » « Qui est derrière Senhuile-Senéthanol, pour quel intérêt ? Ce n'est pas clair, pointe Renée Vellvé. La question mérite d'être posée. L'intérêt public n'est pas protégé et au final, ce sont les paysans sénégalais qui en souffrent ».

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