Au Mali, la lutte contre l’accaparement des terres

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Faliry Boly est riziculteur à l’Office du Niger.

Ouest France | lundi 26 novembre 2012

Au Mali, la lutte contre l’accaparement des terres

Thierry Ballu

« Nos gouvernants recourent au même schéma depuis l’indépendance. Ils attendent l’argent des bailleurs pour faire des aménagements. Il faut songer à autre chose ! » Faliry Boly, riziculteur à l’Office du Niger au Mali, est secrétaire général du Sexagon (Syndicat des exploitants agricoles de l’Office du Niger).

L’office du Niger est cette portion de terre d’un million d’hectares, à 250 km de la capitale, Bamako. Un projet d’irrigation, initié au temps de la colonisation française, visait à approvisionner l’industrie textile de la métropole en coton. Il a été requinqué avec les fonds du plan Marshall mais connu de nombreux revers. Le jeune État malien a réformé l’office et amorcé un virage vers le riz. Le système d’irrigation dessert 100 000 hectares. Il est efficace moyennant un entretien bien assuré… C’est loin d’être toujours cela.

« On trouvait cela farfelu »

La vie des producteurs, assujettis à des redevances, n’a rien d’un long fleuve tranquille. Une menace particulière a pointé le nez vers la fin des années quatre-vingt-dix. « On a commencé à octroyer un millier d’hectares à des Chinois au prétexte d’une expérimentation de semences et de machines, indique Faliry Boly. Mille hectares pour des semences, on trouvait cela farfelu, on s’est déplacé pour tenter d’en savoir plus auprès des responsables chinois. On nous a simplement répondu qu’on ne pouvait pas nous donner d’explication. »

Le militant actif se souvient d’un autre cas dans ces mêmes années. Des terres accordées « à des gens qui n’étaient pas des paysans, mais cette fois-là, la Banque mondiale a réagi et exigé des agriculteurs authentiques. » La liste des hectares concédés ou en voie de l’être s’est allongée durant la gouvernance de l’ancien président Amadou Toumani Touré. Un des contrats a beaucoup fait parler de lui, celui de Malybia, société lybienne qui a bénéficié de 100 000 hectares. « Ahurissant. En trois feuilles de papier, on accorde des avantages exorbitants en matière d’accès à l’eau notamment », indique Faliry Boly.

« Tout cela reste nébuleux »

D’autres portions de terre ont été dans un panier chinois, celui d’une fondation américaine, d’un Malien ou d’une société d’Afrique du sud dans le giron d’un groupe britannique. « Tout cela reste nébuleux tant les surfaces que les conditions », estime le syndicaliste. L’avidité des investisseurs n’est pas sans conséquence pour les familles dont certaines ont été chassées. Des femmes ne peuvent plus cueillir la noix de Karité qui aidait à faire bouillir la marmite.

Faliry Boly garde quand même un brin d’espoir. « L’office du Niger est en train de réexaminer les contrats. Ils ne seraient pas conformes. » Des terres auraient été « données » par la présidence ou le ministère de l’agriculture or seul l’office aurait le pouvoir de le faire.

Le Sexagon, qui revendique 15 000 adhérents, travaille main dans la main avec d’autres organisations paysannes pour contrer l’accaparement. L’office vient d’attribuer 4 000 hectares pour une agriculture familiale. Des fonds luxembourgeois et belges permettraient des aménagements. « Nous voulons des baux sécurisants, de 30 ou 50 ans mais pas de titres de propriété individuels à même d’être revendus. Il faut conserver l’office et préserver le patrimoine national. Nous l’avons fait valoir aux représentants du Fonds monétaire international venus nous rencontrer. »

Thierry BALLU.

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