REDD : un mécanisme vivement critiqué par les ONG

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Novethic | le 13-12-2011

REDD : un mécanisme vivement critiqué par les ONG
    
Alors qu'à Durban, les négociations se sont poursuivies sur le programme REDD (programme de réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts), un rapport d'ONG critique vivement ce mécanisme de marché qui s'apparente selon elles à un nouvel outil d'accaparement des terres dans les pays du Sud.

Au nom de la lutte contre le changement climatique, des communautés autochtones se voient confisquer leur accès à la forêt. C’est ce qu’affirme No REDD, un réseau international d’associations indigénistes et de justice environnementale, qui a publié en novembre 2011 une critique sans appel sur les effets de la mise en place d’un marché du carbone associé à la protection des forêts (1). Comme son nom l’indique, No Redd s’attaque plus particulièrement aux projets REDD, « Réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation », la dernière étape de l’intégration de la déforestation dans les négociations sur le changement climatique. Depuis 2006, la lutte contre la déforestation est en effet présentée comme le moyen le moins coûteux et le plus efficace pour baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES.) La déforestation représenterait entre 12 et 20% des émissions mondiales de CO2, avec 8 pays responsables de 70% de ces rejets.

Accaparement des terres pour le carbone

No REDD liste des projets au Pérou, au Kenya, au Congo, en Indonésie,...portés par des compagnies privées qui négocient avec les États des concessions sur de larges surfaces de forêts protégées. Au nom de la protection ou de la restauration de ces forêts, elles en prendraient le contrôle au détriment des populations locales. « On assiste en effet à un durcissement de la conservation et à une criminalisation des populations qui exploitent des zones protégées », analyse Alain Karsenty, économiste au Cirad. Mis à part au Brésil, la forêt est une affaire d’État dans tout le monde tropical : la terre est un bien public et environ un quart des forêts tropicales sont protégées. « Depuis plusieurs années, on observait un transfert des droits de gestion et de responsabilité de l’État vers les peuples autochtones. Ce qui inquiète aujourd’hui les mouvements sociaux, c’est que cette tendance s’inverse», explique le chercheur. La nouvelle valeur que le marché du carbone donne à la forêt pousse l’État à reprendre ses prérogatives et prive les gens de leurs droits d’usage.  Ce transfert de pouvoir peut se faire au profit de compagnies privées, lorsque l’État choisit de leur allouer des concessions pour la conservation ou le reboisement.  « Pour la première fois, un rapport international identifie le carbone dans les causes qui concourent à la course à la terre », poursuit Alain Karsenty en faisant référence à une nouvelle étude qui sort mi-décembre de l’International Land Coalition sur l’accaparement des terres dans le monde.

En donnant une valeur carbone aux forêts, « le résultat de Redd sera nécessairement un élargissement des formes d’appropriation par l’élite des terres indigènes », dénonce Tom B.K. Goldtooth du Indigenous Environmental Network. C’est à l’État, à l’organisation ou à la compagnie qui pourra revendiquer être le garant de la conservation d’une forêt, afin de s’en voir attribuer le crédit moral, le crédit financier, voire le crédit à polluer. Aujourd’hui, il n’existe cependant pas de crédits carbone forestier sur le marché du carbone, autrement dit il n’est pas possible d’acheter des crédits d’émissions gagnés sur des projets de lutte contre la déforestation. Si le mécanisme REDD a été pensé pour un tel marché, cette logique fait face à une forte opposition. Des États comme le Brésil, la Bolivie et des ONG internationales ont dès le départ épinglé la volonté des pays industrialisés de vouloir repousser leurs propres réductions d’émissions de GES en finançant des projets de conservation forestière au Sud.

Le mécanisme REDD n’est pas opérationnel, mais les projets se multiplient

Aujourd’hui, à l’image de l’ensemble des négociations sur le changement climatique, les discussions sur REDD piétinent. Mais la conférence qui vient de se terminer à Durban a entériné le fait que des financements privés et des mécanismes de marchés pourront financer ces programmes. Le calcul des références de chaque pays pour mesurer l’amélioration de l’état des forêts est un autre sujet de discorde, avec l’effet pervers de voir la menace de déforestation augmenter pour pouvoir justifier, par la suite, d’efforts de protection plus importants. Si les négociations semblent enlisées pour un moment, les projets REDD, eux, se développent. En 2006, les négociations à Bali ont ouvert la voie à des projets de démonstration financés par la Banque mondiale, qui achète des crédits carbone forestiers, anticipant ainsi le mécanisme de marché. La dynamique créée pousse aussi le développement de projets portés par des investisseurs, dans le cadre de compensations carbone sur un marché volontaire.

« REDD est un label accolé aux projets de développement », confirme Catherine Aubertin, de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) au Brésil. Ce pays s’est engagé à réduire ses émissions de GES en luttant contre la déforestation. Les projets brésiliens se multiplient, impliquant des acteurs privés, publics, des communautés indigènes, et toute une variété de sources de financements. « Ici, on est vraiment sur des financements de bonnes pratiques, à l’instar d’autres services environnementaux. Des communautés autochtones savent en tirer parti », explique Catherine Aubertin. Par exemple, les indiens Surui, soutenus par Google et des grosses ONG brésiliennes, ont fait reconnaître leurs droits sur le carbone contenu dans les 284 000 ha de leur terre indigène. Si REDD n’est pas porteur de spoliation au Brésil, la chercheuse rejoint No REDD car selon elle « ce type de mécanisme est un nouvel avatar du colonialisme, qui apporte son modèle de développement basé sur le mareché et son opposition homme/nature. » Une idée portée dans les négociations internationales par la Bolivie, qui dénonce une « marchandisation de la nature » au détriment d’autres représentations.

(1) http://noredd.makenoise.org/

Magali Reinert

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