Corne de l'Afrique : pour une agriculture souveraine et durable

  •  Tags:
Medium_through-horn-of-africa--m-008
Point de vue | LEMONDE.FR | 12.08.11

Corne de l'Afrique : pour une agriculture souveraine et durable

par Laurence Vichnievsky, porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts

Les phénomènes de famine proviennent de divers facteurs combinés, tant naturels (sécheresse, catastrophes naturelles, maladies…), qu'humains (guerres, instabilité sociale, moyens de production insuffisants, sans-terre, spéculation sur les marchés de denrées alimentaires et sur les terres arables, volonté cynique politique …).

Si les guerres enrichissent les marchands d'armes, la sécheresse mettrait-elle l'eau à la bouche à l'agro-industrie ? La question brûlante de la sécheresse qui touche avec une extrême violence la corne de l'Afrique, et la famine qui s'ensuit, entraînent des déclarations souvent farfelues, qui prêteraient à sourire si elles n'étaient aussi indécentes face au malheur de millions de personnes touchées.

On a entendu ainsi le ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, parler entre autres de développer l'irrigation… dans une zone où il n'y a pas d'eau, et en même temps de créer des variétés de céréales résistantes à la sécheresse. Les OGM sont également présentés par d'autres de manière péremptoire comme la solution inévitable pour augmenter les rendements en Afrique, ce qui est totalement faux, et indécent en plus quand on s'adresse à des populations qui ne peuvent certainement pas acheter des semences, OGM ou non.

S'agirait-il d'une campagne orchestrée par les semenciers, ou d'un chantage à l'aide alimentaire, coutumier outre-Atlantique ?

Ces diverses déclarations, voire situations de fait, puisque le Kenya semble déjà avoir autorisé les OGM "pour lutter contre la sécheresse", oublient apparemment les récentes déclarations du rapporteur de l'ONU à la sécurité alimentaire, Olivier de Schutter, selon lesquelles c'est l'agro-écologie qui permet le plus sûrement de résoudre le problème, non seulement dans les pays d'Afrique (ce que montrent plusieurs prospectives alimentaires mondiales à l'horizon 2050) mais aussi à l'échelle du monde.

Et agro-écologie, ça veut dire des espèces locales, des plantations de bois et des cultures dérobées combinées, l'association de productions végétales et d'élevage, l'appel au savoir-faire paysan et local. Mais cela suppose évidemment accompagnement sur la durée, petits investissements judicieux, pas forcément rentables pour les multinationales de l'agro-alimentaire ni objets de prébendes juteuses pour les élites dévoyées des pays concernés, et surtout formation et stabilité sociale pour des projets collectifs, au lieu de céder des millions d'hectares aux pays plus riches, en chassant les paysans locaux, afin de produire des agro-carburants et autres cultures industrielles.

Il faut que l'agriculture devienne une vraie priorité de développement à long terme, et pas seulement en cas d'urgence, sur la base d'investissements structurels. Ce développement doit s'effectuer dans le cadre d'une souveraineté alimentaire reconnue, permise notamment par une protection commerciale des pays concernés, via des droits de douane, face à des importations subventionnées et déstabilisatrices venant du Nord. Que l'Union européenne cesse d'imposer aux pays africains, notamment de la corne de l'Afrique, des accords de partenariat économique (APE), qui réduisent fortement leurs difficiles efforts d'intégration régionale, tout en les incitant à privilégier les exportations de produits de niche – comme les fleurs coupées du Kenya –, et ce, au détriment de leurs produits alimentaires de base (dont le déficit ne cesse de croître). Les terres africaines doivent également être protégées de l'accaparement croissant par des investisseurs étrangers.

Arrêtons de vendre nos fausses bonnes idées à l'Afrique quand des solutions souveraines et plus durables existent, que mettent déjà en œuvre de nombreux Africains ! Au-delà de l'aide d'urgence indispensable (la France accorde 10 millions d'euros quand le PAM demande 1,5 milliard de dollars !), il faut que l'agriculture d'Afrique serve d'abord à assurer l'alimentation des peuples africains, via des pratiques adaptées et durables, facilement appropriables par la paysannerie locale. Elle n'est pas faite pour servir de débouché à nos multinationales, ni de zone d'appropriation pour subvenir aux besoins des pays riches.
  • Sign the petition to stop Industria Chiquibul's violence against communities in Guatemala!
  • Who's involved?

    Whos Involved?


  • 13 May 2024 - Washington DC
    World Bank Land Conference 2024
  • Languages



    Special content



    Archives


    Latest posts