Le Congo cède des terres aux fermiers sud-africains

IPS | 21 mars 2011

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Le Congo cède des terres aux fermiers sud-africains 

par Arsène Séverin

POINTE-NOIRE , 21 mars (IPS) - Dans l'espoir de relancer sa production agricole, le Congo-Brazzaville a cédé 80.000 hectares de terres agricoles à 14 fermiers sud-africains, propriétaires d'une société, 'Congo Agriculture'. Les fermiers comptent y développer, dans trois mois, une agriculture mécanisée et l'élevage.

"Notre pays est en déficit alimentaire, et pour régler ce problème, il nous faut donner des terres à des opérateurs qui peuvent investir. C'est la nouvelle politique et nous allons la continuer", déclare Rigobert Maboundou, ministre de l'Agriculture et de l'Elevage du Congo.

Au terme d'un accord signé le 10 mars à Pointe-Noire, la capitale économique congolaise, les fermiers sud-africains rentrent en possession de 63.000 hectares de terres à Malolo II et 17.000 autres à Dihesse, dans le sud-ouest du pays. Selon l'accord, les Sud-Africains vont créer une industrie agroalimentaire à Malolo II, qui pourrait créer des emplois.

"Le Congo attend d’une telle initiative de l’investissement, la création des emplois et surtout de la nourriture en abondance parce que ces fermiers vont produire des cultures vivrières et faire de l’élevage", affirme Pierre Mabiala, ministre de la Réforme foncière, qui a remis un titre foncier garantissant ces terres aux bénéficiaires.

Visitant les terres acquises, les Sud-Africains ont promis d’y faire pousser du riz, du maïs et du soja. "Ils vont aussi développer l'élevage de bovins, de caprins et de porcins", indique Genge Manelisi, ambassadeur d'Afrique du Sud à Brazzaville, la capitale congolaise.

Le gouvernement a tenté en 2010 une expérience similaire dans ce bassin agricole, à Moulende, où l'organisation non gouvernementale (ONG) américaine, 'International Partnership for Human Development' (IPHD) récolte actuellement 1.300 tonnes de maïs. "Nous sommes gagnants-gagnants tous, car le gouvernement ne va plus faire venir ces aliments de l'étranger. Nous aussi, nous allons fournir les cantines scolaires et produire les aliments de bétail", explique à IPS, Christian Bana, responsable de IPHD au Congo.

D'après l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, sur les 10 millions d'hectares de terres agricoles, les Congolais ne cultivent que deux pour cent. C'est pourquoi, selon l'Institut international de recherche des politiques alimentaires, encore 21 pour cent des Congolais meurent de faim.

"Il suffit d'un peu de volonté et de ressources; la main-d'œuvre étant sur place, et nous aurons de grandes récoltes comme celles de IPHD. Nous cherchons de tels opérateurs", se réjouit Maboundou.

En décembre 2010, le gouvernement avait cédé 470.000 hectares de terres à 'Atama Plantation', une entreprise malaisienne, entre les districts de Makoua et de Mokeko, dans le nord du pays. Héritant d'anciennes palmeraies de l'Etat, cette société devrait produire 900.000 tonnes d'huile de palme par an. Les Malaisiens devraient ainsi investir 30 millions de dollars pour mettre en valeur ces terres.

Le gouvernement estime que cette exploitation agricole pourrait créer 20.000 emplois et contribuer à environ un milliard de dollars par an au produit intérieur brut du Congo.

Les terres de Malolo II, de Moulende et de Dihesse, cédées aux Sud-Africains, étaient jusque-là exploitées archaïquement par des paysans. "J'ai été surpris lorsque les gens de l'Etat m'ont dit qu'il fallait enlever, même avant terme, mon champ de manioc et d'arachide", déplore Jean Mbenze, paysan à Dihesse.

"La question ici, c'est l’accès à l’information. Pourquoi ces questions de partage de terres ne sont pas publiques, pourquoi ne résultent-elles pas de débats nationaux qui permettraient de s’engager ensemble plutôt que de décider sans associer les communautés concernées?", s'interroge Christian Mounzéo, président de la Rencontre pour la paix et les droits de l'Homme, une ONG basée à Pointe-Noire.

"Ici à Pointe-Noire (sud-ouest), nous n'avons plus de terres pour le maraîchage, car tout a été vendu pour des habitations. Nous faisons venir de Dolisie (à 160 km de Pointe-Noire) des carottes vendues à 1.500 FCFA (environ trois dollars) le kilo, et que nous revendons à 2.000 FCFA (quatre dollars)", témoigne à IPS, Clémentine Mpaka, ancienne maraîchère à Ngoyo, devenu un quartier d’habitation de Pointe-Noire.

C’est la même situation à Brazzaville où les ceintures maraîchères du fleuve Congo, de Mpila, de la mairie - pourtant protégées par l'Etat - ont été loties et vendues pour des habitations, déplore Kevin Mviri, de l'Association pour les droits de l'Homme et l'univers carcéral. Il dénonce les bastonnades infligées aux maraîchers - qui produisent sur les lieux - par les hommes au pouvoir ayant acheté ces terres. "Personne ne les assiste, et voilà que l'Etat donne gracieusement des terres aux étrangers".

Quelque 100.000 petites exploitations agricoles font vivre de nombreuses familles congolaises. Mais, la dépendance alimentaire est telle que le gouvernement dépense pour 60 millions de dollars de nourriture par an, selon des statistiques officielles.

Entre 2011 et 2015, le Congo prévoit d'investir 80 millions de dollars dans l'agriculture, soit environ 1,3 pour cent de son budget actuel estimé à plus de six milliards de dollars. De nouveaux villages agricoles, avec une prévision de 2.000 tonnes de manioc par an, et environ 2500 œufs par jour, sont été créés à cet effet, indique le gouvernement.

"Ce n’est pas tout d’appeler des fermiers sud-africains qui peuvent apporter une expérience de développement agricole, mais il ne faut pas oublier que notre participation dans le projet de développement agricole national passe absolument par les différents apports et appuis multiformes à nos agriculteurs", avant les opérateurs étrangers, souligne Mounzéo. (FIN/2011)

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