Kassoum Denon, Pdg de l’Office du Niger : «Ce que nous avons vu sur les 100 000 ha de Tomota n’est pas encourageant»

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Kassoum Denon, PDG Office du Niger

22 Septembre (journal malien) | 03/02/2011

Interview

Le dernier Conseil d’administration, les grands chantiers de l’Office, la sempiternelle problématique du foncier ont été les sujets abordés dans l’entretien qu’a bien voulu nous accorder le PDG de l’Office du Niger, Kassoum Dénon.

22 Septembre : Il y a quelques semaines, vous avez tenu votre dernier Conseil d’Administration. Que peut-on retenir comme principales informations ?

Kassoum Dénon : Selon l’avis des administrateurs, ce dernier Conseil d’administration a été novateur. D’abord sur la qualité des différents documents, du programme et sur les propositions que nous avons faites par rapport à notre programme de travail et de budget annuel. Dans ce cadre, nous avons voulu tout d’abord nous attaquer aux grands maux de l’Office. Il s’agit, notamment de la problématique du foncier, de la gestion de l’eau, des plantes aquatiques nuisibles, de l’appui au monde rural, d’augmentation de la productivité et de la diversification des cultures, avec l’introduction du riz hybride, par exemple. Je n’oublierai pas l’aspect organisationnel des paysans. Il faut davantage les outiller, les rassembler autour de structures fortes afin qu’ils s’autogèrent. Je terminerai par le contrat-plan et l’amélioration de la gouvernance qui nous tiennent vraiment à cœur. Les administrateurs nous ont beaucoup félicités, car c’est la première fois que l’Office du Niger présente un budget avec un compte d’exploitation prévisionnel. Les gens se demanderont si c’est un nouvel Office du Niger. Ce n’est pas un nouvel Office, mais plutôt une nouvelle vision que nous voulons insuffler dans cette structure. Nous avons reçu un cahier de bord des plus hautes autorités de ce pays que nous suivons. C’est tout ! C’est sur cette base que nous travaillons avec l’appui salutaire de notre ministère de tutelle qui ambitionne d’atteindre la sécurité alimentaire tant voulu par tous les Maliens.

Sous peu, le Président de la République, Amadou Toumani Touré, lancera l’aménagement de plusieurs hectares de l’UEMOA. On a assisté, dans un passé récent, au lancement de plusieurs autres travaux d’aménagement. Peut-on affirmer que l’Office du Niger commence à atteindre sa vitesse de croisière dans les aménagements ?

Je confirme que nous sommes dans une phase très ascendante en matière d’aménagements. Nous avons surtout la chance qu’avec l’arrivée de notre équipe, les bailleurs de fonds, qui s’étaient un peu retirés, sont revenus. C’est vrai aussi que l’équipe sortante avait beaucoup travaillé dans ce sens et nous avons trouvé que plusieurs dossiers étaient là. Nous les avons relancés. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, une kyrielle de dossiers ficelés est à notre disposition. L’UEMOA dont vous faisiez allusion, est Kandiourou et à Touraba, avec plus de 1 700 ha. Le lancement des travaux est prévu pour le 12 février. Il y a Molodo-Nord où nous allons démarrer l’aménagement de 1 500 ha nouveau. Cela, grâce à une première convention qui a été signé le 16 janvier. Nous venons d’avoir une autre convention de la BOAD pour 1 000 ha et 1 4000 autres à réhabiliter à Molodo. De plus, les Canadiens sont prêts à réhabiliter 2 000 ha dans la zone de Molodo. Plus en bas, il y a Soyé-Sabalibougou. Avec ses 2 200 ha, cette partie de l’Office sera aménagée dans le cadre PAPAM. A Ndébougou 3, nous avons 1 900 ha qui sont en cours d’aménagement. A Siengo, les Allemand sont présents et à Mbewani, nous sommes déjà au travail sur les 2 500 ha. Nous avons le PADON II, 10 millions de dollars, avec la Caisse française de développement, qui va reprendre les travaux du Retail IV bis pour augmenter la productivité. C’est tout ceci qui nous pousse souvent à affirmer qu’enfin, l’Office du Niger va franchir les 100 000 ha d’aménagements. De l’indépendance à nos jours, nous n’avions jamais atteint ce taux de réalisation. Même avec la superficie de N-Sukala. D’ici à 2012, je crois que ce sera chose faite. Et, si c’est le cas, nous pouvons atteindre le 1 million de tonnes de paddy da l’Office du Niger. Je rappelle que cette performance se fera avec l’exploitation des variétés hybrides. Nous sommes en étroites relation avec des structures très sérieuses telles que la Fondation Syngenta pour un développement durable. Elle nous aide énormément dans le Système rizicole intensifié (SRI). Si nous ajoutons les autres cultures, je crois que le Mali atteindra la souveraineté alimentaire.

Ce que je voudrai ajouter et que je trouve très important est que tous les aménagements seront fait au profit de petits exploitants agricoles. Je voudrai ici démentir les informations qui laissent entendre que certaines personnes d’un certain standing seraient écartées dans ce processus de développement de l’Office du Niger et de la lutte contre l’insécurité alimentaire.

A côte des multinationales, des pays amis du Mali, de l’Etat, lui-même, il ya des privés qui sont très intéressés par l’Office du Niger…

A un certain moment, les autorités du Mali ont compris qu’avec un potentiel de plus d’un million d’hectares, il fallait ouvrir l’Office aux grands privés nationaux et étrangers. C’est dans ce contexte que certains sont venus. Il y a GDCM (7 400 ha). Les travaux d’aménagement ont commencé. Je citerai aussi Aliou Tomota qui a un accord de 100 000 ha. Il n’a pas encore aménagé, mais plutôt préféré de cultiver l’arachide et le tournesol pour ses usines de HUICOMA. A ce niveau, je dois dire que ce que nous avons vu chez Tomota n’est pas encourageant. Heureusement que le bail n’est pas encore accordé. Nous examinons ce cas avec beaucoup de prudence. Parce que nous voulons réellement savoir s’il a la capacité de mettre ces 100 000 ha en valeur. Pendant 78 ans, l’Office du Niger n’a pas pu aménager 100 000 ha. C’est un privé qui pourra le faire ? Et même Modibo Kéïta de GDCM qui a demandé 7 400 ha ? Tout Sukala n’en fait pas autant ! Il faut que les gens soient modestes. Il faut que les gens respectent la terre. Il faut que les gens soient moins ambitieux par rapport à la terre. Pour nous, spécialistes du domaine, 20 ha, c’est déjà beaucoup pour un seul individu. Le coût d’aménagement des 100 000 ha est exorbitant pour un privé. Il ne faut pas se voiler la face. Désormais, nous ferons très attention dans l’attribution des terres. Par contre, nous avons d’autres personnes qui savent réellement exploiter leur potentialité. Doukara de Agro D, par exemple, exploite à merveille les 200 ha qu’il possède en bail. Il produit suffisamment, possède tous le matériel agricole et se trouve déjà sur le marché. Kimbiri est dans la même dynamique. Ce sont des gens comme ces deux là que nous citons comme de bons exemples. Il ne suffit pas de venir prendre 10 000 ou 100 000 ha pour le plaisir, mais il faut pouvoir les cultiver. C’est cela notre vision des choses.

A côté de ces grands privés maliens, nous avons des étrangers dont Malibya fait partie. Avec ses 100 000 ha, le projet a fait couler beaucoup d’encre et de salive. La Lybie a les moyens de le faire. D’ailleurs, ils n’ont pas dit qu’ils vont mettre tous les 100 000 ha en valeur d’un seul coup. Ils vont par lot de 25 000 ha. Dans un premier temps, ce sera 10 000 ha des 25 000. C’est dire que tout le monde ne peut pas se jeter sur de grandes surfaces n’importe comment. Ici aussi, nous examinons tous les contours techniques du bail afin de le mener à terme.

N-Sukala est un exemple qu’il faut citer. Ils sont déjà partis ! Ils ont déjà aménagé 400 ha, construit leur base-vie et toutes les autres commodités. Sosumar aussi est bien avancé. Aussi bien la partie sucrière que rizicole. Nous avons reçu tous les documents y afférants. Mention spéciale au MCA-Mali. Le travail qu’il a effectué à Alatona est monstre. Il permettra à l’Office du Niger d’augmenter de façon considérable la capacité de production. Ce sont des travaux hydro-mécaniques qui ont élargi le gabarit du canal sahel jusqu’à Alatona. Nous sommes en négociation avec des partenaires pour en faire autant vers Macina. MCA-Mali a fait 1 000 ha d’aménagements et créé un nouveau village, avec des constructions modernes.

On ne le dira jamais assez, la problématique du foncier à l’Office du Niger est et reste d’actualité. Et les critères d’attribution des terres restent souvent incompris…

C’est vrai, mais il faut préciser que tous les garde-fous sont là. Il n’y a pas de bradage de terres à l’Office du Niger. Si vous un petit exploitant, l’Etat cherche de l’argent et il aménage. L’Etat vous fait installer sur une superficie maximum de 3 ha. Ceci vise à lutter contre la pauvreté et assurer la sécurité alimentaire pour les populations vulnérables. Pour ceux qui ne le savent pas, chaque année, il y a un nouveau village qui se crée à l’Office. Pendant l’attribution des parcelles, les premiers villageois autour du périmètre sont les premiers servis. Et quand il ya un commerçant et un agriculteur qui postulent, c’est l’agriculteur qui est priorisé.

Quand on dépasse les 5 ha, ont tombe dans la catégorie du bail ordinaire de 30 ans renouvelable. Le postulant, comme dans toutes les catégories, fait une demande. Pour le bail, il reçoit un accord de principe. Ce n’est pas une lettre d’attribution. C’est un document qui atteste que l’Office du Niger est prêt à accorder à un tel une parcelle dans un endroit précis. Cependant, pour avoir le bail, il faut faire un travail technique qui englobe l’étude péddologique, les études d’impacts environnemental et social…Chaque hectare coûtant 80 000 FCFA. L’Office donne un délai d’un an pour tout le travail. A la fin du délai requis, si le demandeur n’a pas respecté les conditions, la lettre d’accord de principe devient caduque. Dans le cadre du respect stricte de cette loi, nous avons déjà retiré plus de 228 000 ha. Et cela va continuer.

Celui qui respecte les clauses, reçoit son bail. Il sera renouvelle si les conditions le permettent. Même pour les plus grandes multinationales, la démarche est la même. C’est pourquoi je voudrai signaler que Malibya, N-Sukala, GDCM, Tomota, et SOSUMAR n’ont, jusqu’à ce jour, qu’une convention. Cela ne veut pas aussi dire qu’ils n’auront jamais de bail. Mais, nous voulons être très strictes en ce qui concerne l’attribution des terres.

Entretien réalisé par Paul Mben

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