L'accaparement des terres en Afrique ou la mise à mort des exploitations familiales

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Le Blog de l'Alliance Sud | 09.02.2011

Imaginez une salle comble, avec des représentants d’associations paysannes et de paysans qui ont fait la route jusqu’au Forum social de Dakar pour raconter leur histoire, toujours la même : celle de l’accaparement de leurs terres.

« Nous avons été chassés de nos terres, comme des moins que rien, nous n’avons plus de champs, nulle part d’autre où aller, qu’on nous les redonne, c’est tout ce qu’on connaît, ce qu’on sait faire, sinon, de quoi allons-nous vivre ? On veut nous faire taire, mais je veux raconter ; quand les gendarmes sont venus pour nous chasser, je n’ai pas couru, je n’avais rien fait de mal, et ils nous ont battus », racontent-ils.

Le scénario est toujours le même : des notables locaux, parfois des paysans, éblouis par quelques centaines de milliers de francs CFA - plus qu’ils n’ont jamais vu dans toute leur vie - cèdent aux sirènes de sociétés privées, de pays étrangers, qui cherchent à louer ou à acheter des terres, pour cultiver du jatropha destiné à être transformé en agrocarburants, ou à cultiver du riz, ou des lentilles, qui seront ensuite consommés ailleurs, en Chine, en Inde, en Arabie Saoudite.

Privatisation des terres, mais aussi de la biodiversité

« Le jour où les Chinois sont venus pour arracher nos arbres avec de grosses machines, tout le village s’est mobilisé, raconte le paysan malien Yaya Diarra. Nous avons organisé une veille, et nous pensions que les Chinois étaient rentrés chez eux. Mais à 5 h du matin, alors qu’on dormait un peu, ils sont revenus, ils sont entrés sur mon champ, et ont tout dévasté. J’ai commencé à pleurer. Après, je suis allé chercher ma machette, je voulais tuer les Chinois, tout le village s’est révolté. Les Chinois ont fui. Le préfet ne nous a donné aucune explication, il nous a juste dit que c’était à nous de réparer les dégâts. Les Chinois lui ont sûrement donné de l’argent. »

Aux yeux de Mamadou Goïta, responsable de l’IRPAD au Mali, membre de la COPAGEN, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain, on cède et privatise le patrimoine foncier avec toute la biodiversité qui va avec, le karité, le niébé, si utiles pour la vie quotidienne, qui disparaissent pour céder la place à l’agrobusiness. Quant aux bergers, « ils ne trouvent plus de chemins entre les cultures de jatropha pour faire paître leurs troupeaux ».

L’agrobusiness débarque

Pourtant, raconte un responsable d’association paysanne au Sénégal, on n’a jamais vu un paysan produire du jatropha et aller le vendre au village. Il relève que, pour la première fois, des paysans ont brûlé des pneus pour protester contre le bradage de leurs terres, la profanation de leurs cimetières, dévastés par les machines agricoles qui arrachent terres et arbustes pour préparer les terres pour l’agrobusiness.

Pour les responsables d’associations paysannes présents au Forum social de Dakar, l’accaparement des terres contribue directement à la mise à mort des exploitations agricoles familiales sur le continent, qui occupent pourtant entre 70 et 80% de la population dans la plupart des pays africains. Isabella Tianamalala raconte comment, à Madagascar, les gens expulsés de leurs terres par des multinationales deviennent des ouvriers agricoles miséreux, ou des nécessiteux dans les grandes villes, qui n’ont plus de quoi envoyer leurs enfants à l’école, avec, à la clé, délinquance, prostitution, et des milliers de jeunes qui ne pensent qu’à émigrer.

« Nos Etats doivent nous soutenir, et non pas ouvrir toutes grandes les portes aux investisseurs étrangers qui nous chassent de nos terres », plaide Mariam Sow, coordinatrice de ENDA Pronat, une ONG internationale dont le siège est à Dakar. Selon elles, tous les efforts des paysans pour jeter les bases d’une agriculture organique, respectueuse de l’environnement, sont balayés par l’arrivée de l’agrobusiness, avec comme corollaire toujours plus d’engrais chimiques et de pesticides, une captation des faibles ressources en eau et, à terme, l’arrivée des semences transgéniques

De Dakar, Catherine Morand, SWISSAID

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