Cameroun: L’attribution des terres aux investisseurs étrangers divise

Journal du Cameroun | 17/05/2010

De nombreux paysans désapprouvent la politique gouvernementale visant l’octroi de vastes espaces cultivables à des investisseurs étrangers

Par Idriss Linge

Les paysans mécontents

L’information a été rendue publique par le site internet de la radio «Voice of America». Selon elle, la dernière protestation en date s’est déroulée à Bafang, une localité située à 200 kilomètres environs de Douala la capitale économique du Cameroun. Des témoins joints par téléphone confirment que le chef traditionnel de la localité a décidé de céder à une organisation non gouvernementale (ONG) italienne, une parcelle de près de 15 hectares. Une initiative qui a échoué. Les populations locales ont accusé le chef d’avoir pris une décision aussi lourde de conséquences, de manière unilatérale. Il prend nos terres comme ça et il distribue. Nous ne voyons même rien, est-ce que c’est normal? s’exclame un habitant de cette localité. Selon certaines sources, le cas de Bafang ne serait pas isolé. Dans les localités de Nanga Boko (centre) et de Kribi, des plaintes de même nature se seraient fait sentir. De grandes surfaces de terrain ont été concédées à des Chinois dans le cadre des accords parfois signés dans une obscurité totale à l'insu des populations. Une situation qui fait débat entre les paysans possesseurs de ces terres et les partisans de la politique gouvernementale. Les défenseurs des organisations de paysans dénoncent une politique qui à terme pourraient retirer aux habitants de ces zones leur seul moyen de survie, la terre. Les partisans du gouvernement mettent en avant la nécessité d’investir dans l’agriculture.

Des bénéfices non confirmés sur le terrain

Selon certaines autorités proches du dossier et qui se sont exprimées sous couvert d’anonymat, l’initiative du gouvernement est une bonne chose, car elle contribuera à lutter efficacement contre la pauvreté en milieu rural. D’un autre coté l’Etat affirme que grâce à ces investissements étrangers dans le secteur de l’agriculture, le Cameroun parviendra à diminuer sa dépendance au marché international, par rapport à des produits comme le maïs, le riz et autres. Des objectifs très critiqués par certains acteurs du développement rural au Cameroun. Il est reproché au processus d’attribution de ces terres de se faire sans le consensus des paysans qui les occupent en permanence et en sont encore les gardiens.

Agriculture, 1er secteur de l'économie au Cameroun

Dans une des localités en proie aux protestations, les paysans évoquent le cas d’une entreprise chinoise à laquelle l’Etat a octroyé une grande superficie. Il leur a garanti que l’entreprise sera pour eux source d’emplois et de revenus, puisque les produits seront vendus sur le marché local. D’après des enquêtes menée par L’ACDIC, l’association de défense des intérêts collectifs, une association très proches des milieux ruraux, cette entreprise n’emploie jusqu’ici que des techniciens chinois. Les jeunes camerounais qui y sont recrutés travaillent parfois dix heures par jour pour moins de 30 000 francs CFA par mois. Plus grave le travail est temporaire et les produits sont exportés vers la Chine.

Un risque de conflits futurs Cette multiplication des achats de terres camerounaises par des sociétés et même des gouvernements étrangers qui les destinent de plus en plus à des cultures vivrières ou commerciales tournées vers l’exportation provoque des inquiétudes chez de nombreux observateurs. L’argument principal de l’Etat est que les paysans camerounais n’ont pas les moyens et la force de mettre en valeur les 75 000 kilomètres carrés de terre cultivable dont dispose le pays. C’est pourquoi il n’y a pas de mal à les mettre en location auprès des entreprises étrangères qui ont les moyens d’investir, nous a déclaré un cadre du ministère camerounais de l’agriculture sous couvert d’anonymat. La situation semble aujourd’hui hors de contrôle pour le gouvernement. Des sources proches du pouvoir affirment que la cession de ces terres rentre dans le cadre des conditions non évoquées publiquement de l’aide gratuite chinoise pour ce qui est de la Chine. Pour certains analystes, la situation que le gouvernement d’aujourd’hui étouffe risque d’exploser avec les générations futures. La réforme agraire risquera de devenir un enjeu majeur des batailles politiques futures au Cameroun. La situation de cession des terres paysannes tend à se généraliser en Afrique. Plusieurs organisations internationales ont pris position sur la question. La FAO et la Banque mondiale ont commandé une étude sur cette “ruée vers la terre”. Les contrats d’affermage ou de vente de larges surfaces de terres ne doivent en aucune circonstance prendre le pas sur les obligations en termes de droits de l’homme auxquelles les paysans ont droit selon la constitution et selon les conventions internationales y relatives auxquelles le Cameroun a souscrit, a averti pour sa part un expert en développement rural sous anonymat. Dans son propose final il a indiqué que la guerre commence dans une société lorsqu’on touche au bien des plus démunis. Des millions de paysans camerounais n’ont pour seule richesse que la terre qu’ils peuvent cultiver. Une majorité d’entre eux vit avec moins de 500 FCFA par jour.

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