Wall Street fait main basse sur les terres agricoles

Photo Olly/Fotolia

La Terre, du 24 au 30 novembre 2009

par Yannick Groult

La poignée de spéculateurs qui a fait vaciller la planète finance est désormais en train d’affamer la planète tout court. Sous l’œil bienveillant de l’ONU, les grands noms de la finance s’accaparent des régions agricoles entières.

Deutsche Bank : 117 000 hectares (ha) au Brésil. Morgan Stanley : 40 000 ha, également au Brésil. Crédit suisse : 161 000 ha en Russie... Chez les financiers, le dernier chic aujourd’hui est de mettre la main sur des régions agricoles entières. Banques, fonds de pension et autres hedge funds ont rejoint le club des investisseurs terriens off-shore. Une communauté jusque-là réservée aux multinationales agroalimentaires et à certains Etats peu scrupuleux.

LES POPULATIONS LOCALES GRANDES PERDANTES

Difficile de chiffrer ce phénomène d’achat massif de terres, baptisé farmland grab (« saisie de terres agricoles » en français). Les Nations unies estiment qu’il concerne 30 millions d’hectares (Mha) sur les trois dernières années. Soit la surface agricole de la France. Plus pessimiste, l’ONG Grain chiffre les dégâts à plus de 40 Mha, avant tout en Afrique. Seule certitude, l’irruption des requins de la finance a accéléré le dépouillement des agricultures du Sud en 2009. Un intérêt né dans le sillon de la crise alimentaire : la flambée du prix des céréales a transformé les champs en or pour des géants comme Goldman Sachs, Barclays ou encore l’assureur américain AIG. La même poignée de spéculateurs qui a fait vaciller la planète finance est désormais en train d’affamer la planète tout court. Car les populations locales voient rarement la couleur des billets déboursés pour leurs terres : productions vivrières remplacées par des cultures d’exportation, épuisement des sols, exploitation de la main-d’œuvre... Le land grab, qui rime avec agriculture intensive, est un excellent moyen de perpétuer la pauvreté et de préparer les conflits armés de demain.

VERS UNE RÉGULATION DICTÉE... PAR LA BANQUE MONDIALE

Le Sommet mondial de l’alimentation, qui s’est conclu le 18 novembre, ne pouvait ignorer ce problème. Il l’a pourtant fait : sa déclaration finale ne comportait pas un traître mot sur la protection des terres agricoles. Tout juste la communauté internationale s’est elle engagée à établir un code de conduite et à « étudier des bonnes pratiques [pour] des investissements internationaux responsables ». Mais que les traders se rassurent : ce pseudo cahier des charges ne sera « pas contraignant », a précisé l’ONU. Les ONG, elles, n’y croient pas (lire ci-dessous). Et on les comprend : les Nations unies vont élaborer leur charte avec la Banque mondiale. Or cette institution conseille - officieusement, via ses différents instituts de recherche - les investisseurs en quête de terres à faire fructifier. Elle participe même directement à la fête, via sa filiale IFC (Société financière internationale). En février 2009, IFC s’est allié au hedge fund Altima Partners. Son objectif ? Devenir « le premier Exxon Mobil du secteur agricole ».

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