Québec s’attaque aux spéculateurs qui achètent des terres agricoles

Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne. PHOTO JACQUES BOISSINOT, COLLABORATION SPÉCIALE
La Presse | 5 décembre 2024

Québec s’attaque aux spéculateurs qui achètent des terres agricoles

Les personnes qui « achètent une terre agricole » et qui n’ont pas pour objectif de faire « de l’exploitation » sont dans la ligne de mire de Québec.

Charles Lecavalier

Pourquoi le ministre agit-il maintenant en déposant un projet de loi ?

Malgré l’adoption en 1978 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, les empiètements se poursuivent. L’Institut de la statistique du Québec, qui se base sur des photographies aériennes, calcule qu’entre 2000 et 2010, l’Estrie a perdu 87 km⁠2 nets de terres agricoles, dont 16 % ont été « artificialisées », alors que le reste est « redevenu à l’état de forêt ». Les régions des Laurentides et de la Montérégie ont perdu respectivement 50 km⁠2 et 46 km⁠2 de terres agricoles aux mains de l’urbanisation, durant la même période.

L’UPA estime qu’en 25 ans, le Québec a perdu 60 000 hectares (600 km2) de terres agricoles, soit l’équivalent de 12 terrains de football par jour.

« En haut de la liste, on veut freiner la perte de terres agricoles. Ça, c’est très, très important. Il y a une pression très importante du côté des zones d’urbanisation. Et, on le sait, ça se passe dans la vallée du Saint-Laurent, et dans la vallée du Saint-Laurent, c’est là qu’on a nos meilleures terres agricoles », affirme le ministre de l’Agriculture.

Comment y parviendra-t-il ?

André Lamontagne s’en prend en priorité aux spéculateurs fonciers, qui s’enrichissent en achetant des terres agricoles. « On a trouvé des façons de venir s’attaquer à la spéculation foncière, circonscrire des gestes, des activités qui feraient en sorte que des terres agricoles sont convoitées à des fins autres que l’agriculture », dit-il.

En clair, les personnes qui « achètent une terre agricole » et qui n’ont pas pour objectif de faire « de l’exploitation » sont dans la ligne de mire du ministre. On peut penser à des spéculateurs qui vont acheter des terres pour les laisser en friche, par exemple. S’attaquera-t-il aux fonds d’investissement ou aux banques qui achètent des terres pour les louer à des agriculteurs ? Le gouvernement Legault avait, en janvier, pris en considération un projet de loi de Québec solidaire qui visait à carrément interdire cette pratique, sans toutefois l’appeler par la suite.

M. Lamontagne réplique qu’il vise « tout ce qui peut contribuer à la spéculation ». Il veut également « resserrer » les règles entourant l’achat de terres agricoles par des étrangers. L’objectif : en s’attaquant aux spéculateurs, faire diminuer le prix des terres pour les rendre plus accessibles aux producteurs agricoles.

Quels sont les autres aspects de la loi que le ministre veut changer ?

André Lamontagne estime que sa réforme est la plus importante à être mise en branle depuis 46 ans. Depuis l’époque où Jean Garon a fait adopter la loi sur la protection du territoire agricole, l’industrie a changé.

M. Lamontagne veut, par exemple, encourager l’agrotourisme. Le ministre viendra-t-il à la rescousse du chanteur Mario Pelchat, qui n’a pas le droit de faire des spectacles dans son vignoble et qui a dû annuler des représentations et rembourser des milliers de billets vendus ? « Il y a des activités en agrotourisme qui sont utiles pour accroître les revenus de l’entreprise, mais aussi permettre l’accueil de gens, et aujourd’hui, c’est compliqué », explique-t-il.

Le ministre vient également qualifier la qualité des terres agricoles dans la loi, pour que la Commission de protection du territoire agricole en prenne compte. « Lorsque quelqu’un fait une demande, et l’implication que ça a est dans une zone de très grande qualité, ou dans une zone où il n’y a pas d’agriculture qui peut se pratiquer, est-ce qu’on peut donner les outils au commissaire pour apprécier cette demande ? C’est certain qu’on veut tendre vers ça », a-t-il dit.

Est-ce que le ministre permettra de nouvelles activités en terre agricole ?

André Lamontagne semble ouvert à permettre certaines activités industrielles à caractère agricole. Par exemple, il aimerait permettre à des agriculteurs de mettre en commun des activités de « transformation » ou d’« entreposage » de production agricole pour réduire leur coût. « Y a-t-il moyen de permettre aux gens de mettre en commun certaines activités à leur bénéfice ? Pour l’instant, il n’y a rien qui est facilitant pour que ça puisse se passer », dit-il.

Il compte également inscrire dans la loi l’importance de la vitalité des communautés. Au cours des grandes consultations qu’il a menées pour aboutir à l’écriture du projet de loi, nombre d’intervenants lui ont soumis que faciliter le morcellement des terres agricoles permettrait l’établissement de nouveaux agriculteurs.

« Le milieu municipal a exprimé des besoins, au niveau de permettre d’encourager la vitalité du territoire. […] On peut avoir un très beau territoire agricole, mais si, finalement, il n’y a personne qui habite dans les régions, on n’est pas plus avancé », a-t-il dit.


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