Terres agrcioles : Entre abandon et spéculation foncière

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La pénurie de main-d’œuvre et le manque d’usage des nouvelles technologies contraignent, entre autres, des planteurs à abandonner leurs terrains agricoles
L'Express | 5 janvier  2024

Entre abandon et spéculation foncière

Patrick St Pierre

C’est un paradoxe ! Beaucoup de planteurs laissent à l’abandon leurs terres agricoles qui se transforment ainsi en terrains boisés. Parallèlement, des personnes aisées sont en quête de ces terrains, mais pas nécessairement pour la plantation.

D’après une étude réalisée par la Small Planters Association peu avant la pandémie de Covid-19, 10 000 à 15 000 arpents de terres agricoles étaient à l’abandon. Kreepaloo Sunghoon, le secrétaire général de cette association, estime qu’en 2023, ce chiffre devrait varier entre 25 000 à 30 000 arpents. «Il y a plusieurs facteurs qui poussent un planteur à abandonner son terrain. D’abord, les héritiers ne sont plus intéressés par l’agriculture. Ils effectuent un travail à col blanc. De plus, beaucoup de planteurs sont découragés car ils ne sont pas assez protégés contre les calamités. Je connais des planteurs qui avaient emprunté pour investir dans leurs champs, mais ils ont perdu toute leur récolte», regrette-t-il.

La pénurie de main-d’œuvre et le manque d’usage des nouvelles technologies contraignent également les planteurs à abandonner leurs champs. «Beaucoup de planteurs résistent aux difficultés, mais ils font face aux vols. Il y a aussi la qualité des semences disponibles qui n’est pas appropriée au marché local. Ce sont des variétés importées, peu résistantes aux maladies tropicales. Les plantes formées de ces semences ont besoin de plus de fertilisants et de pesticides. Leurs prix sont passés de Rs 350 à Rs 1 500», explique-t-il. Ce sont des facteurs qui poussent les planteurs à laisser leurs terrains agricoles à l’abandon.

D’autres éléments inquiètent la communauté des planteurs et ceux qui prônent l’autosuffisance alimentaire. Plusieurs terrains agricoles notamment ceux de l’État dans la région de Côte-d’Or, réputés pour la bonne qualité du sol et un climat adapté à toutes sortes de légumes cèdent, la place au béton. Il en est de même des terrains du Sugar Investment Trust. «Les propriétés canières s’y lancent également», note Kreepaloo Sunghoon. Devant cette situation, des personnes ayant les moyens financiers tentent de faire de bonnes affaires.

Un agent immobilier travaillant pour une compagnie réputée confirme que plusieurs personnes tentent d’acheter des terrains agricoles dans des régions précises. «Il y a des clients qui se renseignent. Ils veulent des terrains dans la région de Côte-d’Or ou aux alentours des smart cities. Ils ne vont même pas se lancer dans l’agriculture, mais ils veulent investir dans un terrain moins cher qui prendra de la valeur pendant les prochaines années.» Les terrains agricoles sont moins chers que les terrains résidentiels. Toutefois, l’agent immobilier note que la classe moyenne n’arrive plus à investir dans des terrains agricoles comme c’était le cas avant la pandémie. «Le floating rate des intérêts les décourage.»

Un autre agent immobilier indépendant, Anup Basgopal, confirme que 40 % de ses clients s’intéressent aux terres agricoles. «Ce sont des personnes qui ont déjà un terrain résidentiel. Elles veulent acheter un terrain agricole pour être converti plus tard en terrain commercial ou résidentiel. Il y a quelques personnes aussi qui veulent retourner à la terre pour leur propre consommation notamment.» Toutefois, il insiste qu’il faut savoir faire la différence entre un terrain agricole et un terrain «irrigation», qui est doté d’eau, mais ne pourra jamais être transformé en terrain commercial ou résidentiel. «Il y a des morcellements agricoles dans cette catégorie. Ils sont moins chers qu’un terrain agricole», précise Anup Basgopal.

Cet agent immobilier qui opère principalement dans le nord du pays observe que les terrains agricoles dans les localités à côté des zones résidentielles ou commerciales en pleine expansion sont plus onéreux. «À titre d’exemple, un terrain agricole dans la région de Rivière-du-Rempart ou de Poudre-d’Or pourra coûter Rs 1,5 million l’arpent tandis que dans la région de Petit-Raffray et The Vale, un arpent peut être vendu à Rs 4, 5 millions en raison de la vitesse que la valeur du terrain pourra apprécier en raison de développement immobilier dans la région.»

Pour beaucoup, ajoute-t-il, l’achat d’un terrain agricole est plutôt un placement financier. D’ailleurs, Kreepaloo Sunghoon note aussi que des Mauriciens s’adonnent à la spéculation foncière et que beaucoup achètent des terrains agricoles pour les transformer en terrain commercial plus tard. «Pour ne pas perdre ces terrains, nous avons proposé une land bank. Les propriétaires pourraient enregistrer leur terrain pour le louer au lieu de le laisser à l’abandon. Ils pourraient ainsi se faire un peu d’argent», suggère-t-il.

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