Cameroun Actuel | 10 novembre 2021
Ancestralité : les Bomono veulent reprendre 200 hectares de terres à la Socapalm
Forte du droit naturel des villages héritiers de terres et l’absence de procédure d’expropriation, une communauté du Moungo s’attaque à l’occupation de vastes espaces majoritairement agricoles. L’État estime qu’il est trop tard pour ce faire alors même que les rétrocessions qu’il a ordonnées et annulées introduisent d’autres demandeurs dans le conflit.
Pour un ensemble de terres réparties dans le village Bomono, à deux pas de Douala, dans le Moungo, trois parties étaient devant le juge administratif de Douala jeudi dernier, 4 novembre 2021. Il y a d’abord l’État du Cameroun, héritier de l’État colonial français et organisateur supposé de la situation de crise que le Tribunal administratif du Littoral devra arbitrer.
Puis, il y a le demandeur, la collectivité Bonebmbo composée de gens du coin, qui a saisi le tribunal pour l’annulation d’un titre foncier de deux cents hectares octroyé par l’administration du cadastre sur ses terres ancestrales, et la mutation à son profit des droits fonciers liés à ce titre. Et enfin, l’association des familles de Bona Elombo, qui demande «la même chose» que le requérant et s’est introduite dans le procès via le moyen d’une «intervention volontaire» afin de préserver ses droits, dit-elle.
Le problème part, d’après le plaignant, d’une convention de février 1956 entre le chef de la famille Bonebmbo d’alors, et le directeur d’un organisme colonial : le secteur de la modernisation agricole des palmeraies.
Les Bonebmbo s’engageaient ainsi à pratiquer la culture» du palmier à huile sur un espace de 207 hectares, en respectant un cahier de charges déterminées avec l’exploitant colonial. La superficie affectée à la culture n’a toutefois fait «l’objet d’aucune transaction», assurent les plaignants. A les en croire, c’est ce Secteur de la modernisation agricole qui est devenu, au fil des ans, l’actuelle Société camerounaise de palmeraies (Socapalm).
Silence du Mindcaf…
La Socapalm qui bénéficierait du droit de jouir des espaces concernés suite à l’établissement d’un titre foncier au profit de l’État du Cameroun, apporteur de ces terres comme parts à l’augmentation du capital de cette entreprise. La collectivité Bonebmbo dans sa requête déclare qu’elle «vient de découvrir que son patrimoine immobilier qu’elle a mis en valeur par ses plantations et des habitations a été immatriculé frauduleusement et à son insu au nom de» la Socapalm. En novembre 2016, les requérants tentent une action de rectification de la donne en direction de la société exploitant agricole industriel «sans aucune réaction de celle-ci».
Ils n’auront pas plus de réponse, en recourant, pour le retrait et l’annulation du titre, au ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf). L’affaire se corse cependant avec une annonce de Me Narcisse Robert Jabea, avocat des plaignants. «Il y a eu des rétrocessions à d’antres personnes qui se font appeler facilitateurs, sur ces terrain. Le Premier ministre a annulé les rétrocessions du Mindcaf. D’où l’intervention volontaire de l’Association des familles de Bona Ebmbo. On y trouve en effet des gens qui n’ont pas de lien filial avec les occupants ancestraux de Bomono», dénonce le demandeur.
Et mieux encore, ajoute la présidente du tribunal dans une question : comment une telle personne morale née en 2016 pourrait prouver qu’elle occupe et exploite un terrain, alors qu’il faut selon la loi en de telles circonstances, prouver que l’on exploite la terre avant 1974 ? L’avocat-requérant de préciser alors que ces intervenants volontaires sont des personnes bénéficiaires des rétrocessions annulées par le chef du gouvernement.
L’avocat de ce groupe de troisième protagonistes explique qu’il s’agit d’un ensemble d’habitants, y compris des «natifs», de Bomono ba Mbengue réellement présents et actifs dans ces zones agricoles. Du fait de cette diversité d’origine, «nous ne pouvions nous constituer en collectivité voilà pourquoi nous avons choisi l’association», plaide-t-il Pour lui, l’abus serait même en face, «car les terres se trouvent à Bomono ba Mbengue» où sont ses clients «et non à Bomono ba Jedu». Bien qu’homonymes et proches l’arrondissement de Dibombari), les deux villages sont différents. Autant de questions incidentes qu’il faudra prendre en compte car des zones d’ombre demeurent.
Situation ambiguë
Le ministère public a par exemple sollicité le bordereau analytique qui permettrait de mieux comprendre la vie administrative et juridique du titre foncier. Mais les plaignants «n’ont pas eu accès» à ce document en raison du «refus» du conservateur foncier. Le tribunal a regretté de n’avoir pas été saisi pour résoudre cette, difficulté. Il y a aussi la situation ambiguë de l’intervenant volontaire qui attaque en même temps l’État et le requérant. «Vous devez être dans un seul camp», souligne le juge.
En tout cas, prétend le représentant de l’État du Cameroun, la réclamation d’annulation du titre originel établi en 1956 ne saurait prospérer en 2016 : «A la limite, on peut comprendre qu’ils demandent des dommages et intérêts pour avoir été lésés.» A ce propos en effet, on ne sait pas si l’appropriation de 1956 s’était obligée à suivre la loi de l’époque.
Y a-t-il eu un titre d’expropriation ? «C’était une expropriation intelligente, répond l’avocat de la collectivité Bonebmbo. Rien n’a été respecté : ni recensement, ni arrêté d’expropriation, ni indemnisation.» D’où la réclamation subsidiaire d’une réparation du préjudice de l’occupation et de la non jouissance qu’elle estime à un milliard de francs. Le tribunal lui répondra le 16 décembre prochain.
Kalara
Ancestralité : les Bomono veulent reprendre 200 hectares de terres à la Socapalm
Forte du droit naturel des villages héritiers de terres et l’absence de procédure d’expropriation, une communauté du Moungo s’attaque à l’occupation de vastes espaces majoritairement agricoles. L’État estime qu’il est trop tard pour ce faire alors même que les rétrocessions qu’il a ordonnées et annulées introduisent d’autres demandeurs dans le conflit.
Pour un ensemble de terres réparties dans le village Bomono, à deux pas de Douala, dans le Moungo, trois parties étaient devant le juge administratif de Douala jeudi dernier, 4 novembre 2021. Il y a d’abord l’État du Cameroun, héritier de l’État colonial français et organisateur supposé de la situation de crise que le Tribunal administratif du Littoral devra arbitrer.
Puis, il y a le demandeur, la collectivité Bonebmbo composée de gens du coin, qui a saisi le tribunal pour l’annulation d’un titre foncier de deux cents hectares octroyé par l’administration du cadastre sur ses terres ancestrales, et la mutation à son profit des droits fonciers liés à ce titre. Et enfin, l’association des familles de Bona Elombo, qui demande «la même chose» que le requérant et s’est introduite dans le procès via le moyen d’une «intervention volontaire» afin de préserver ses droits, dit-elle.
Le problème part, d’après le plaignant, d’une convention de février 1956 entre le chef de la famille Bonebmbo d’alors, et le directeur d’un organisme colonial : le secteur de la modernisation agricole des palmeraies.
Les Bonebmbo s’engageaient ainsi à pratiquer la culture» du palmier à huile sur un espace de 207 hectares, en respectant un cahier de charges déterminées avec l’exploitant colonial. La superficie affectée à la culture n’a toutefois fait «l’objet d’aucune transaction», assurent les plaignants. A les en croire, c’est ce Secteur de la modernisation agricole qui est devenu, au fil des ans, l’actuelle Société camerounaise de palmeraies (Socapalm).
Silence du Mindcaf…
La Socapalm qui bénéficierait du droit de jouir des espaces concernés suite à l’établissement d’un titre foncier au profit de l’État du Cameroun, apporteur de ces terres comme parts à l’augmentation du capital de cette entreprise. La collectivité Bonebmbo dans sa requête déclare qu’elle «vient de découvrir que son patrimoine immobilier qu’elle a mis en valeur par ses plantations et des habitations a été immatriculé frauduleusement et à son insu au nom de» la Socapalm. En novembre 2016, les requérants tentent une action de rectification de la donne en direction de la société exploitant agricole industriel «sans aucune réaction de celle-ci».
Ils n’auront pas plus de réponse, en recourant, pour le retrait et l’annulation du titre, au ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf). L’affaire se corse cependant avec une annonce de Me Narcisse Robert Jabea, avocat des plaignants. «Il y a eu des rétrocessions à d’antres personnes qui se font appeler facilitateurs, sur ces terrain. Le Premier ministre a annulé les rétrocessions du Mindcaf. D’où l’intervention volontaire de l’Association des familles de Bona Ebmbo. On y trouve en effet des gens qui n’ont pas de lien filial avec les occupants ancestraux de Bomono», dénonce le demandeur.
Et mieux encore, ajoute la présidente du tribunal dans une question : comment une telle personne morale née en 2016 pourrait prouver qu’elle occupe et exploite un terrain, alors qu’il faut selon la loi en de telles circonstances, prouver que l’on exploite la terre avant 1974 ? L’avocat-requérant de préciser alors que ces intervenants volontaires sont des personnes bénéficiaires des rétrocessions annulées par le chef du gouvernement.
L’avocat de ce groupe de troisième protagonistes explique qu’il s’agit d’un ensemble d’habitants, y compris des «natifs», de Bomono ba Mbengue réellement présents et actifs dans ces zones agricoles. Du fait de cette diversité d’origine, «nous ne pouvions nous constituer en collectivité voilà pourquoi nous avons choisi l’association», plaide-t-il Pour lui, l’abus serait même en face, «car les terres se trouvent à Bomono ba Mbengue» où sont ses clients «et non à Bomono ba Jedu». Bien qu’homonymes et proches l’arrondissement de Dibombari), les deux villages sont différents. Autant de questions incidentes qu’il faudra prendre en compte car des zones d’ombre demeurent.
Situation ambiguë
Le ministère public a par exemple sollicité le bordereau analytique qui permettrait de mieux comprendre la vie administrative et juridique du titre foncier. Mais les plaignants «n’ont pas eu accès» à ce document en raison du «refus» du conservateur foncier. Le tribunal a regretté de n’avoir pas été saisi pour résoudre cette, difficulté. Il y a aussi la situation ambiguë de l’intervenant volontaire qui attaque en même temps l’État et le requérant. «Vous devez être dans un seul camp», souligne le juge.
En tout cas, prétend le représentant de l’État du Cameroun, la réclamation d’annulation du titre originel établi en 1956 ne saurait prospérer en 2016 : «A la limite, on peut comprendre qu’ils demandent des dommages et intérêts pour avoir été lésés.» A ce propos en effet, on ne sait pas si l’appropriation de 1956 s’était obligée à suivre la loi de l’époque.
Y a-t-il eu un titre d’expropriation ? «C’était une expropriation intelligente, répond l’avocat de la collectivité Bonebmbo. Rien n’a été respecté : ni recensement, ni arrêté d’expropriation, ni indemnisation.» D’où la réclamation subsidiaire d’une réparation du préjudice de l’occupation et de la non jouissance qu’elle estime à un milliard de francs. Le tribunal lui répondra le 16 décembre prochain.
Kalara