Agri-business – À Madagascar de transformer l’essai

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L'Express de Madagascar | 1 octobre 2021

Agri-business – À Madagascar de transformer l’essai

Madagascar, qui peut miser sur sa vaste superficie, sa population majoritairement rurale, ses ressources naturelles et sa position géostratégique, est présenté comme un pays qui rassemble tous les atouts pour devenir une référence dans le secteur de l’agri-business.

Selon l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM ), la Grande Ile est idéale pour tout projet dans le secteur de l’agri-business dans l’océan Indien. Plus de deux tiers de sa population vivent en milieu rural et constituent une source de main-d’œuvre abondante et compétente avec une longue tradition en agriculture, élevage et pêche. À l’image de la moyenne nationale, plus de la moitié de ces ruraux sont des actifs potentiels.

En outre, au moins la moitié des 60 millions d’hectares de superficie totale de la Grande Île peuvent accueillir des activités agricoles potentiellement rentables et 18 millions d’hectares sont encore disponibles. Une superficie qui dépasse largement la masse terrestre de toutes les autres îles de la zone COI combinées. C’est de ce constat que l’on a toujours soutenu que Madagascar doit être naturel­lement le grenier de l’océan Indien. Dans plusieurs régions du pays, une large gamme de produits tropicaux et tempérés est produite grâce à la diversité des conditions pédoclimatiques et à l’existence de ressources en eau pour l’irrigation et la production d’énergie (2 000 km de rivières).

Actuellement, Madagascar produit environ 3,6 millions tonnes de riz, soit plus que le reste des pays de la SADC combinés. Et malgré le fait qu’il n’arrive pas encore à satisfaire ses besoins, l’île est classée troisième producteur rizicole en Afrique. Plus d’un million de tonnes de céréales et d’autres féculents (maïs, pomme de terre, manioc, légumineuses) et des dizaines de milliers de tonnes de fruits et légumes avec l’une des gammes les plus larges dans le monde, des fèves tempérées, en passant par les pommes, poires et les baies de fruits tropicaux jusqu’aux divers types de piments, sont produites chaque année. Sans oublier les litchis (70% de part de marché), la vanille (1er exportateur mondial), le café, le thé, le cacao, les épices et les huiles essentielles.

En outre, Madagascar dispose d’un cheptel évalué à huit millions de bovins avec une production laitière d’environ 400 litres par an, plus de trois millions d’ovins, caprins et porcins et trente millions de volailles. Des chiffres qui font qu’il est l’un des premiers pays d’Afrique en matière d’importance des troupeaux d’animaux d’élevage. Son expertise est également reconnue dans la préparation de la viande de canard/foie gras et les viandes exotiques (autruche, crocodile) ainsi dans sa production de miel et de divers autres produits apicoles.

De même, ses potentialités dans la pêche et l’aquaculture sont difficilement contestables avec une Zone économique exclusive couvrant 115 millions d’hectares et un vaste plateau continental d’environ 12 millions d’hectares riche en ressources ichtyologiques. Ses 5 600 km de littoral, ses 300 000 hectares de mangroves dont 50 000 hectares sont des tannes et ses 30 000 hectares aménageables pour la crevetticulture, sont autant d’atouts pour attirer les investisseurs dans l’agri-business et l’économie bleue.

Ajoutons à tout cela les 160 000 hectares de plans d’eau naturels, favorables à la pisciculture en cage ou en enclos, les 150 000 ha de rizières irriguées dont 34 000 hectares propices à la rizipisciculture et les 20 000 hectares de surfaces à bonne maîtrise d’eau aménageables en étangs.

Mais malgré les terres exploitables, les dizaines d’années d’expériences agricoles et les multiples avantages, Madagascar n’est pas encore le pays de l’agri-business. Selon John H. Davis et Ray Goldberg professeurs à Harvard, l’agri-business est un concept économique qui prend en compte l’ensemble des opérations impliquées dans la fabrication et la distribution de produits agricoles. On distingue des opérations de production, de stockage, de traitement, de distribution et de transformation de matières premières agricoles.

Ainsi, pour que Madagascar puisse faire de ce secteur l’un des principaux piliers de sa stratégie de croissance écono­mique, il doit surmonter un certain nombre de lacunes, notamment sur le plan infrastructurel et au niveau de son tissu produ­ctif qui est encore loin de pouvoir répondre aux besoins énormes en matière de transformation des produits agricoles.

C’est dans ce cadre que la multiplication des parcs industriels annoncés dernièrement par le ministre en charge de l’Industrialisation, du commerce et de la consommation, Edgard Razafindravahy, prend toute sa mesure. Il ne suffit pas de cultiver, il faut aussi pouvoir transformer et répondre aux attentes du marché national et international. De leur côté, les opérateurs économiques ont déjà montré leur disposition à miser davantage sur ce secteur. Plusieurs entreprises ont ouvert la voie et sont parvenues à sortir leur épingle du jeu. Mais les enjeux sont si énormes qu’il faut au moins décupler les initiatives pour que les résultats puissent être ressentis au niveau de la croissance économique et du quotidien de la population.

Mais Madagascar doit aussi avoir les moyens de ses ambitions. Les autorités doivent pouvoir directement ou indirectement mobiliser les ressources financières, qui se chiffrent à plusieurs milliards de dollars, pour transformer radicalement le monde agricole du pays et mettre enfin l’agri-business sur orbite. Des initiatives notables ont déjà été entreprises à l’exemple des investissements opérés dans la distri­bution des titres verts. Pour sa part, le ministère de l’Industrialisation, du commerce et de la consommation a déjà promis aux entreprises nationales un appui financier pour assurer le volet transformation du dispositif intégré à mettre en place.

La politique de l’État va apparemment vers le sens du consensus qui se fait jour en Afrique, selon lequel, si l’on veut que l’agriculture soit le principal secteur qui stimule la croissance économique, il faut aussi que les investissements aillent au-delà de l’amélioration de la productivité agricole et portent sur le développement de l’agri-business et des agro-industries. Une approche qui va tirer des forces économiques, sociales et politiques positives qui accordent un nouvel élan à la croissance et au développement, à savoir le potentiel que représentent les marchés agroalimentaires nationaux, régionaux et internationaux, les possibilités de substitution des importations de produits alimentaires à forte valeur ajoutée.

Gagner contre l’insécurité alimentaire

Si l’objectif à long terme est de faire de Madagascar une référence mondiale en matière de production et de transformation de denrées agricoles, à l’exemple du Brésil, l’autre combat qui est plus urgent est de miser sur l’agri-business pour assurer la sécurité alimentaire. Si pratiquement toutes les régions de l’île sont touchées par ce fléau, c’est le Sud de Madagascar qui est le plus durement frappé.

Selon le ministère de l’Agriculture et de l’élevage, une initiative d’envergure est en cours, en collaboration avec les autorités compétentes des régions Androy et Anosy. Il s’agit, selon ce département, d’unir les forces afin de mettre en place une stratégie durable pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans le Grand Sud. Cette stratégie consiste à définir une matrice d’intervention en coordonnant les activités de développement des régions concernées avec celles des différents projets sous tutelle du ministère tels que Formaprod, Defis, Afafi Sud, Casef et Prada.

Il s’agit également de renforcer les bases productives et exploiter les filières de spécialisation de chaque région selon le principe « One district, one Product », à partir de la cartographie de potentialité qui sera élaborée par chaque région. À court terme, le ministère avec les partenaires techniques prévoit pour la région Androy, la mise en place d’une unité d’huilerie d’arachide, d’une unité de laiterie de lait de chèvre, d’une unité de transformation de manioc en Gari et en farine de manioc et envisage la valori­sation des fruits de cactus. En terme d’insécurité alimentaire une banque alimentaire et une banque de semence de mil et de sorgho va être créé, afin de subvenir au besoin de la population durant les cycles de sécheresse.

Notons également le grand projet d’aménagement agricole annoncé par l’État l’année dernière et qui concerne le périmètre du Bas-Mangoky. Pour rappel, un Mémorandum d’Entente a été signé avec le groupe « Elite Agro LLC » basé à Abu Dhabi, aux Emirats-Arabes Unis, dans le cadre d’un projet d’exploitation de près de 60 000 hectares de terrains dans la région en vue de cultiver à grande échelle différentes spéculations. Parmi les produits attendus, citons le riz, le maïs, le blé, le soja, l’arachide et le pois du cap.

Nombre de terrains concernés par ce programme qui contribuera également à éliminer l’insécurité alimentaire dans le Sud, doivent encore être aménagés. Ce qui nécessitera des investissements conséquents. Mais le jeu en vaut la chandelle si l’on se réfère aux prévisions de production annuelle de 350 000 tonnes pour le riz, 200 000 tonnes pour le maïs et de 150 000 tonnes pour le blé au démarrage. Pour les autres spéculations, les prévisions de productions de soja, de pois du cap et d’arachide sont respectivement de 300 000 tonnes, 20 000 tonnes et 30 000 tonnes chaque année.

À noter que le projet qui programme une phase d’essai, prévoit que l’État s’engage à acheter la production à un prix abordable. La production alimentera le marché local afin de répondre à une demande en constante croissance et pour maitriser les prix. Le surplus de production sera, en revanche, écoulé sur le marché international.

Miser sur l’innovation

Le monde de l’agri-business surfe aussi sur la vague de l’innovation. Et si Madagascar veut réussir à transformer l’essai, il est contraint de suivre la tendance. On remarquera cependant que les responsables sont bien conscients de cette nécessité. Notons pour preuve le choix de promouvoir l’agrégation agricole en tant que pilier de la stratégie de développement de l’agri-business. À noter que l’agrégation est une forme évoluée de l’agriculture contractuelle déjà mise en pratique dans le pays depuis plusieurs années. Le principe reste le même : les entreprises avancent les semences, les engrais et les matériels, et encadrent les paysans.

Mais force est aussi de constater que Madagascar doit encore déployer de gros efforts pour s’arrimer aux standards internationaux en matière d’agro-technologie. Sur ce point, la Grande Ile souffre des mêmes lacunes que les autres pays du continent africain. Selon une enquête menée récemment par Heifer International, rapportée notamment par la plateforme Africa Exclusive, malgré un large éventail d’innovations agro-technologiques susceptibles de propulser les agriculteurs africains vers la rentabilité, seuls 23 % des jeunes travaillant dans l’agriculture utilisent une forme quelconque de technologie agricole, révélant un manque de financement et de formation.

Le rapport fournit les témoignages de près de 30 000 jeunes africains et un suivi de centaines d’agriculteurs et d’organisations agricoles. Il souligne la nécessité de nouveaux investissements afin de promouvoir l’accès à des innovations susceptibles d’encourager les agriculteurs, notamment les jeunes désintéressés aujourd’hui par l’agriculture, à reconsidérer les opportunités offertes par la filière – compte tenu notamment de la nécessité de générer des emplois e t de réparer les systèmes alimentaires mis à mal par la pandémie et aggravés par le changement climatique.

« Alors que le continent possède une jeune population florissante, le secteur agricole africain doit investir dans des innovations agro-technologiques et encourager les jeunes à lancer des initiatives liées à l’agriculture, essentielles pour la revitalisation du système alimentaire africain », constate AdesuwaIfedi, vice-présidente principale des programmes africains chez Heifer International. « Mais comme le révèle ce rapport, l’Afrique ne fournit ni le financement ni la formation nécessaires pour s’assurer que ses jeunes ont un accès facile aux outils de haute technologie agricole – notamment des drones, des capteurs de sol de précision et des services numériques aux agriculteurs – qui transforment la production alimentaire dans le monde entier. »

À remarquer cependant que les institutions financières, à l’instar de la Banque Africaine de Développement (BAD), sont de plus en plus disposées à soutenir les pays comme Madagascar pour combler les retards accumulés dans ce domaine. À constater également que nombre de jeunes Malgaches opérant dans les nouvelles technologies s’intéressent de plus en plus aux innovations capables de booster le monde agricole en général, et l’agri-business en particulier. Certaines grandes sociétés comme le groupe Axian sont également sur cette ligne. Ce dernier qui a lancé en 2018 un concours de développement d’applications intitulé «Technologie et Agribusiness ».
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