«L’appel à Almarai semble être plutôt une démarche politicienne»

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Le ministre du Commerce, Kamel Rezig, a indiqué avoir demandé officiellement à l'ambassadeur du Royaume d'Arabie saoudite de relancer le projet de la société saoudienne Almarai en Algérie, ajoutant qu'il recevra dans les prochains mois des représentants de cette société saoudienne pour relancer ce projet. [El Moudjahid]
El Watan | 09 mars 2020

Akli Moussouni . Ingénieur agronome : «L’appel à Almarai semble être plutôt une démarche politicienne»

Samira Imadalou

-Quelle lecture faites-vous de l’appel lancé à Almarai pour s’installer en Algérie après l’échec d’une première tentative en 2009 ?

L’invitation officielle adressée au groupe saoudien Almarai d’investir en Algérie fait partie de toutes celles qu’on avait engagées en grande pompe et qui se sont évaporées instantanément pour avoir été engagées à travers un marché de dupes.

Comme pour les autres animateurs de ces «partenariats» spontanés, apparemment le ministre du Commerce ignore royalement les enjeux par rapport à ce produit stratégique en allant vite en besogne pour proposer aux Saoudiens de relancer ledit projet qui a été abandonné en 2009, sans se demander pourquoi des projets d’investissement nationaux beaucoup plus intéressants n’ont pas été autorisés, ni pourquoi les groupes industriels qui produisent actuellement du lait UHT (similaire à celui d’Almarai) n’arrivent pas à évoluer, pourtant assignés par contrat pour introduire 50% du lait frais dans le processus au bout de 10 ans d’activité ! Cet appel à un groupe industriel étranger ayant acquis ses machines et conduit son cheptel avec une technologie achetée clé en main, dont la gestion est assurée par des étrangers, laisse planer un doute par rapport à une démarche plutôt politicienne.

-Que cache ce projet à votre avis ?

Sachant que les complexes laitiers saoudiens ont été érigés pour assurer la sécurité alimentaire de ce pays sont devenus au bout de quinze ans d’activité une problématique insurmontable à cette sécurité alimentaire pour avoir consommé une bonne partie des réserves d’eau douce non renouvelables de ce pays pour avoir tenté de produire l’alimentation in situ. Sécurité alimentaire oblige, l’Arabie Saoudite s’est lancée en conséquence dans une tentative de s’acheter des terres à l’étranger, notamment en Afrique sur les bords du Nil et en Indonésie où on a failli créer des guerres civiles pour avoir dilapidé les ressources des populations rurales de ces pays.

Ces soulèvements réprimés par la force ont fini par donner des résultats. L’Arabie Saoudite s’est retrouvée à rechercher toutes les solutions possibles, jusqu’à imaginer un projet saugrenu de détacher et ramener un iceberg à partir de l’Antarctique pour réalimenter ses nappes.

Un projet bien entendu qui ne verra jamais le jour ni technique ni juridiquement par rapport à la législation internationale. Cette aubaine délirante n’a pas eu lieu, ils se sont donc rabattus sur l’importation de l’alimentation du cheptel depuis le continent américain pour produire du lait, qui coûte l’équivalent de 150 à 180 Da le litre, soit 3 à 4 fois plus cher que le lait européen. A noter que le gaspillage de l’eau dans ce pays est sans commune mesure, sachant que la consommation annuelle d’eau d’un citoyen saoudien est de 900 m3, soit, 7 fois la consommation moyenne d’un Européen.

C’est donc à défaut d’une solution idoine pour sauver l’agro-industrie de l’Arabie Saoudite que notre ministre du Commerce vient offrir une issue de secours miraculeuse pour le pays «frère», dans l’ignorance totale de tous les dangers d’une telle aventure qui consiste à remettre sur un plateau d’argent la plus grande réserve d’eau douce du monde, en l’occurrence l’Albien que l’Algérie n’arrive pas à exploiter en l’absence totale de politique de l’eau et d’un secteur agricole performant.

Plus que cela, ce contrat de «partenariat» sera entériné dans le cadre de la «Grande zone arabe de libre échange» (GZALE), dont l’Algérie n’a tiré aucun profit du point de vue fiscalité et opportunités d’affaires.

-Comment expliquer que les groupes industriels algériens du lait n’ont pas su créer une industrie de la taille d’Almarai ?

A l’issue du premier projet industriel saoudien, en l’occurrence Al Safi de 32 000 vaches réalisé par la multinationale suédoise Delval, il y eu le projet de Cevital portant sur trois complexes laitiers de 30 000 vaches chacun projeté le long de la bande sud de la steppe qui n’avait pas vu le jour pour avoir été sabordé à l’époque par le ministère de l’Agriculture en lui refusant l’acquisition des terres.

Plus récemment encore, le groupe Ramy a tenté de réaliser un complexe laitier dans la région d’El Menia (Ghardaïa), mais pour lequel on a refusé d’attribuer l’exonération fiscale sous prétexte que l’industrie du lait est saturée, bien qu’il dispose sur site d’un premier lot de vaches laitières pour lequel il a engagé les premières cultures fourragères.

Par rapport aux groupes industriels qui activent déjà, ils ne peuvent évoluer pour avoir été embarqués par le ministère de l’Agriculture dans le dispositif de soutien aux petits éleveurs pour leur faire jouer le rôle populiste de l’Etat en leur imposant l’introduction à 50% dans leurs processus du lait frais qui doit provenir avant 10 ans d’exercice de la collecte du lait des petits éleveurs, puisqu’on ne leur a pas attribué la terre pour élever leurs propres cheptels.

Ces dispositifs réglementaires toujours en vigueur ont mis à sac cette filière pour avoir favorisé l’importation de la poudre de lait pour les complexes industriels qui peuvent même activer au nom de marques étrangères comme fausse certification. Ce qui a d’ailleurs relevé le prix du lait UHT à environ deux fois son prix. Toutefois, les groupes Soummam, Danone, Hodna et Ifki ont fait un effort important par rapport aux directives du ministère de l’Agriculture pour avoir introduit du lait frais de la collecte entre 15 et 40% de leur production, mais l’ensemble de ces groupes couvrent à peine 25% des besoins du marché national en lait UHT. Ce qui reste insignifiant par rapport à une problématique profonde.

-Quelle démarche adopter alors face à cette problématique ?

La solution durable à toute l’agriculture algérienne dont la filière lait existe bel et bien pour l’instant dans les limites des potentialités à mettre en œuvre, dont une bonne partie, il faut le reconnaître, a été dilapidée, en l’occurrence l’eau, le sol et le pouvoir de l’investissement privé ou étatique, largement malmené en l’absence de politique agricole économique. Cette solution ne peut être que globale pour tout le secteur agricole.

Elle consiste dans une première étape en un changement radical de tous les mécanismes et dispositifs qui servent à gérer ce secteur, à commencer par la construction des filières sur la base de chaînes de valeur qui puissent valoriser à leur tour le produit national. Dans le cas de la filière lait, tenant compte du caractère semi-aride de notre contexte climatique, l’exploitation d’un cheptel bovin laitier ne peut être que modulaire, dont la taille ne doit être ni trop petite ni trop grande, soit entre 100 à 1000 vaches laitières. C’est le niveau de disponibilité du sol et de l’eau qui en détermine la taille de l’investissement.

Pour produire compétitif, il y a lieu de recycler in situ les résidus, tandis que le veau doit être transféré en petits lots à l’activité de l’engraissement au profit des petits éleveurs. Il faudra se rendre à l’évidence qu’on ne peut faire évoluer une situation lorsqu’on ne veut pas admettre officiellement qu’elle pose problème ni vouloir reconnaître les causes, en maintenant en vigueur les politiques à l’origine de cette problématique, et en même temps, on fait appel à des investissements étrangers en guise de solution ! Nous sommes donc, dans ces conditions, devant une situation inédite, dont la véritable solution relève du miracle.

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El Moudjahid | 01-03-2020

Algérie-Arabie Saoudite : Vers la relance du projet Almarai

Le ministre du Commerce, Kamel Rezig, a indiqué avoir demandé officiellement à l'ambassadeur du Royaume d'Arabie saoudite de relancer le projet de la société saoudienne Almarai en Algérie, ajoutant qu'il recevra dans les prochains mois des représentants de cette société saoudienne pour relancer ce projet.

Dans une publication sur sa page Facebook, M. Rezig a affirmé que la demande de relance du projet de la société laitière «Almarai» en Algérie, a été faite lors d'une rencontre avec l'ambassadeur du Royaume d'Arabie saoudite à Alger, Abdelaziz Ben Ibrahim Hamad El Omairini.

Pour rappel, le projet de réalisation d'un partenariat algéro-saoudien dans le domaine de production du lait et dérivés remonte à 2009. Les négociations menées par les deux parties n'ont pas permis à ce projet de voir le jour. La société saoudienne Almarai est pionnière dans plusieurs produits de base, notamment les produits laitiers, les jus, les  viennoiseries, les produits avicoles et le lait pour nourrissons, notamment dans la région du Moyen-Orient et d'Afrique du nord.

Le ministre du Commerce, Kamel Rezig, avait reçu le 21 janvier dernier en présence du ministre délégué chargé du Commerce extérieur, Aïssa Bekkai, l'ambassadeur saoudien à Alger.  Les deux parties avaient examiné les moyens de promotion du partenariat et de la coopération bilatérale. M. Rezig a salué les relations bilatérales «exceptionnelles» qui ne cessent «d'évoluer», en vue de les promouvoir en véritable partenariat entre les deux parties à même de relever le volume des échanges commerciaux au service de l'économie des deux pays. Le ministre a appelé les opérateurs économiques saoudiens à tirer profit du climat des affaires, des avantages préférentiels accordés par l'Algérie aux partenaires, notamment les pays frères et des facilitations contenues dans la loi de finances 2020, outres les grands réseaux de distribution.

M. Rezig a appelé l'ambassadeur saoudien à la nécessité d'approfondir la coopération économique entre les deux pays, en se focalisant sur l'investissement direct en Algérie, eu égard à sa position stratégique notamment après son adhésion officielle à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), ce qui est à même de favoriser l'augmentation du volume des exportations à travers un produit algéro-saoudien commun destiné à l'exportation aux marchés africain et asiatique, en premier lieu.

Pour sa part, l'ambassadeur saoudien a rappelé les accords économiques conclus entre les deux parties, qui ont permis d'augmenter le volume des investissements saoudiens en Algérie dans divers domaines.

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