Les terres malgaches et l’Initiative pour l’Emergence de Madagascar : premiers propos

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TANY | 28 janvier 2019

Les terres malgaches et l’Initiative pour l’Emergence de Madagascar : premiers propos

Le Collectif TANY souhaite à l’ensemble de la population malgache que l’année 2019 soit meilleure que les précédentes et surtout que les changements qui surviendront suite aux élections présidentielles de décembre 2018 amélioreront les conditions de vie de la majorité des habitants dans le court terme et le long terme.

L’accès à la terre, droit fondamental des paysans et enjeu crucial pour le développement de Madagascar et l’alimentation de sa population, constituera l’objet principal de ce communiqué qui parlera notamment des ZES - zones économiques spéciales - et du « vary mora » après la lecture du document « Initiative pour l’Emergence de Madagascar » (I.E.M.), qui présente le projet de société du nouveau Président de la République. Monsieur le Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Habitat et des Travaux publics a mentionné au moment de la passation de service qu’il mettrait en œuvre ce programme.

L’I.E.M. promeut l’agro-industrie (l’agribusiness) et les Zones Economiques Spéciales (ZES) font partie des futurs outils de développement cités dans différentes pages du programme. Une modification de la loi sur les ZES est annoncée mais des principes justifiant leur qualification de « porte ouverte à l’accaparement des terres » demeurent problématiques. Des ZES sont prévues en priorité à Toamasina, Mahajanga, Antsiranana, Tolagnaro, Toliara, puis à Antananarivo, Fianarantsoa et Antsirabe, « près des grandes villes ». Après que Monsieur Andry Rajoelina ait déclaré à la télévision, le 17 juin 2018, que son organisation, le Mapar, n’accepterait pas ces ZES, les différents discours pendant la période de propagande électorale ont-ils informé le public de l’importante place que les ZES occupent dans la stratégie de l’I.E.M ? Le premier Conseil des Ministres du 24 janvier 2019 ayant décidé d’un projet de loi autorisant le Président de la République à légiférer, le Collectif TANY ose espérer que les changements annoncés par l’I.E.M. relatifs à la « loi organique » sur les ZES (loi 2017-023) et le Code des investissements (loi 2007-036) feront l’objet d’information, concertation et débat auprès de tous les citoyens avant leur adoption.

Madagascar sera « restructuré », « sera un chantier pendant les 5 ans à venir », selon l’I.E.M. Les grands travaux ainsi envisagés et la création des ZES risquent fort de provoquer des expulsions et des expropriations massives dans toutes les régions, sous couvert de la « déclaration d’utilité publique ». Le Président de la République a évoqué dans son discours d’investiture la création d’une ville nouvelle autour de la capitale, dénommée Tanamasoandro. Des plaintes autour de l’insuffisance des indemnisations et compensations ayant été émises par les victimes de travaux précédents autour d’Antananarivo, des questions et des craintes s’expriment déjà. Le Collectif TANY réitère que l’anéantissement des racines et des efforts des citoyens par l’accaparement de leurs terres, la destruction de leurs biens, provoque un appauvrissement et non un développement durable et propose aux nouveaux dirigeants de l’Etat malgache d’éviter d’expulser et d’exproprier les citoyens.

De manière surprenante, les 271 pages de l’I.E.M. ne mentionnent dans l’état des lieux, ni l’exiguïté des surfaces de terres dont disposent les paysans malgaches actuellement - 0,85 ha en moyenne par famille donc insuffisantes pour assurer la subsistance et vendre un surplus -, ni l’impossibilité à l’heure actuelle de demander un titre ou un certificat foncier pour les familles qui ont mis en valeur les terrains à statut obsolète, tels que les terrains coloniaux et les réserves indigènes, encore très répandus sur la Grande Ile. Une « action de facilitation de l’accès au foncier des personnes en milieu rural » est prévue par l’I.E.M. mais face à cette formulation vague et à l’imprécision des bénéficiaires, le Collectif TANY demande l’attribution de terrains de l’Etat aux paysans malgaches, en particulier aux métayers, aux femmes et aux jeunes qui s’engagent à les cultiver, aux collectivités décentralisées pour le développement de leur agriculture familiale locale. Ainsi, les paysans malgaches se nourriront du travail de leurs terres et ne deviendront pas tous dépendants du salariat agricole que pourraient proposer les entreprises agro-industrielles de manière permanente ou temporaire. La sécurisation des terres par les titres et certificats fonciers ne suffit pas car les superficies concernées sont trop réduites, alors l’accès à la terre des paysans malgaches pratiquant l’agriculture familiale paysanne, doit faire l’objet d’un effort prioritaire et d’un accroissement massif. La législation foncière malgache permet à l’Etat d’attribuer une partie de ses terrains aux familles paysannes qui les ont mis en valeur depuis des années, d’autres modalités déjà utilisées à Madagascar peuvent être mobilisées et multipliées. La manière dont les deux candidats ont éludé la question du journaliste sur ce sujet lors du débat précédant le 2e tour des élections présidentielles est inacceptable.

L’action sociale prioritaire de l’I.E.M. concerne la vente aux familles malgaches vulnérables de « vary mora » (riz à bas coût) importé d’Asie. Le Collectif TANY souligne que cette assistance sociale ne peut pas être adoptée comme solution permanente à l’alimentation des Malgaches et va à l’encontre du développement de la population. En effet si l’Etat malgache subventionne ce riz, il subventionne en fait les paysans des pays exportateurs. Et ce système déjà pratiqué sous le régime de Transition, rapporte surtout des bénéfices pour les sociétés d’importation. De plus, quel que soit le coût relativement modique, tous les citoyens en situation difficile et précaire ne pourront pas l’acheter.

Le « plan stratégique I.E.M. est une vision visant à apporter un développement durable et une prospérité pour tous en une génération ». Soucieux du droit à l’information et à l’expression de tous les citoyens malgaches, notamment concernant le devenir et la gestion des terres et ressources naturelles, le Collectif TANY estime que la diffusion en toute transparence de la totalité du contenu de ce projet-programme à tous les citoyens malgaches, de Madagascar et d’ailleurs, aurait dû être effectuée avant les élections présidentielles. Il est encore temps de le faire pour que chaque citoyen puisse anticiper l’impact positif et négatif de l’application de l’I.E.M. sur la vie de chaque foyer dans les zones urbaines et rurales de toutes les régions du pays.

Paris, le 28 janvier 2019

Le Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY

[email protected] ; http://terresmalgaches.info ; www.facebook.com/TANYterresmalgaches

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