Abidjan.net | 15 avril 2015
Plantations industrielles: regard sur la problématique de la disponibilité des terres
Les terres arables existent, mais sont-elles toujours disponibles pour les industriels ? En dépit des actions menées dans le cadre du Programme national de sécurisation foncière rurale, l’incompréhension subsiste parfois entre les acteurs de terrain.
Les sources de conflits récurrents
La question de l’accès à la terre avec des titres appropriés reste une préoccupation qui date de belle lurette. Certes, les terres existent, mais la mise en valeur conduit à divers remous qui n’épargnent pas les agro-industriels également. A qui appartient réellement la terre ? Et qui en a les droits requis ? En Côte d’Ivoire, l’Etat est le détenteur légal de la terre et la concède à ses administrés. De même, les pouvoirs publics ont toute la latitude de répondre favorablement aux sollicitations des agro-industriels qui sollicitent des portions de terre pour des plantations. C’est ainsi que des milliers d’hectares de terre sont valorisés à travers des contrats de baux emphytéotiques, allant de 18 à 99 ans. Ces industriels ont donc des accords et agréments des autorités ivoiriennes pour l’exportation de la terre. Mais, l’on se retrouve dans de nombreux cas de conflits, surtout entre industriels et riverains. Le dilemme se trouve dans le fait que les populations se croient, elles aussi, propriétaires terriens. En zone rurale, la mentalité est telle que les populations, du fait de résider sur un territoire donné des décennies durant, se considèrent de facto comme ayants droit. Il est difficile de sortir cela des pensées. On a souvent eu affaire à des individus qui se donnent des prérogatives pour céder, faire louer et même vendre la terre à de tierce personne… y compris des industriels. Et les victimes sont bien sûr ces agro-industriels qui viennent s’installer. Dans certaines situations, des populations, même indemnisées pour l’occupation de leurs terres, continuent de revendiquer.
Des clauses d’attribution parfois incomprises
Normalement, les opérateurs économiques qui s’installent sont tenus par des clauses les obligeant à réaliser des investissements à caractère social (adduction en eau potable, électrification villageoise, construction de centres de santé, reprofilage de pistes, etc.). La plupart des industriels s’y attellent, surtout au démarrage de leurs exploitations. La confiance se crée ainsi et les choses font bon train. Mais parfois, les populations considèrent que ceux qui exploitent leurs terres ne font pas assez, ou ont les moyens de faire plus, s’estimant ainsi exploités au même titre que leurs terres. Et les conflits s’installent progressivement. Il arrive également que l’Etat s’accorde avec des industriels sur des clauses que les populations ignorent ou ne comprennent que partiellement. A titre d’exemple, l’arrêt des allocations financières et autres appuis matériels à partir d’une certaine période. Ignorant cela, les autochtones jugent légitime de demander toujours plus. Sans ignorer les revendications salariales ou l’accès au travail aux enfants de la région. Ce qui est fait n’est pas toujours jugé suffisant et concourt à vouloir plus, sans parfois tenir compte des qualifications requises ou exigés par les agro-industriels. Un autre débat qui rentre dans le volet syndical et politique.
Jean-Philippe EZALEY
