Collectif TANY | 20 septembre 2013
Les 25 et 26 Mars 2013, la Commission de l’Océan Indien (COI) s’est réunie à Mahajanga autour du projet LA SECURITE ALIMENTAIRE DANS L'INDIANOCEANIE, INVESTIR DANS LA PRODUCTION AGRICOLE , qui vise à faire de Madagascar le Grenier de l’Océan Indien. Cette réunion a permis aux divers acteurs publics et privés présents d’ adopter le projet de la COI sur la sécurité alimentaire régionale et « d’affiner le projet en tenant compte des réalités et des exigences du secteur privé ». (1)
Quel sort sera réservé aux paysans des terrains concernés ?
Toutefois, la présence, parmi les 175 participants, de la plateforme malgache Femmes, développement durable et sécurité alimentaire (FDDSA), « lancée le 27 mars dans le sillage de la réunion des investisseurs sur la sécurité alimentaire à Mahajanga », (1) ne saurait occulter l’absence criante des organisations paysannes des régions désignées comme pilotes pour ce projet - Menabe, Sofia et Vakinankaratra - dans la liste des participants à cette réunion (2). La prise en compte des exigences du secteur privé a fait l’objet des réflexions au cours de la réunion, mais les paysans ont été les grands oubliés.
Un projet de cette envergure impliquera forcément de vastes étendues de terrains et impactera l’accès à la terre et à l’eau des familles d’agriculteurs et éleveurs malgaches. L’existence de nombreux projets présentés comme étant « de développement » qui ont donné lieu à des expropriations et expulsions de milliers de paysans malgaches de leurs terres ancestrales ces dernières années à Madagascar n’est pas du tout rassurante quant au sort réservé aux occupants actuels des terrains visés par ce projet. Les passages suivants des Conclusions et recommandations de la réunion de Mahajanga citant parmi les actions nécessaires :
- « L’utilisation des terres à Madagascar doit se faire en conformité avec le droit foncier et coutumier malgache. L’administration reste le seul juge de l’opportunité ou non de l’octroi d’un terrain domanial »
ainsi que
- « L’amélioration de la loi sur les investissements et l’égalité de traitement des investisseurs étrangers et malgaches. Pour les sociétés de droit malgache l’accès au foncier d’entreprise ne comporte plus de seuil d’investissement et de superficie maximale » (2) font craindre le pire.
Quels engagements ont pris les autorités malgaches sur les terres ?
La loi actuelle sur les investissements 2007-036 accorde en effet déjà de nombreux avantages inacceptables aux sociétés étrangères, et l’Economic Development Board of Madagascar – EDBM – réputée être en veilleuse depuis la crise de 2009 pour absence de financement, affiche une activité florissante et un dynamisme inégalé dans la facilitation des démarches des investisseurs. (3) Toute modification de cette loi allant dans le sens des investisseurs étrangers creuserait encore davantage l’écart entre les investisseurs et la majorité des familles malgaches qui manquent de moyens financiers et accélèrerait l’intensité et la vitesse des accaparements des terres qui constituent souvent les seuls biens et moyens de production de ces familles. A terme, le risque serait la transformation de 80% des Malgaches en paysans sans terre qui vivront dans des « réserves » comme cela s’est déjà passé dans d’autres pays, alors que les habitants de Madagascar atteignent « 99% de la population de la COI » (4)
La réunion du mois de mars à Mahajanga a vu la présence de plusieurs hauts responsables malgaches parmi lesquels des Chefs de Région et plusieurs ministres dont certains sont actuellement candidats aux élections présidentielles. Quels engagements concrets ont déjà pris ces nombreuses autorités concernant les terres et l’avenir des paysans ? Leur silence et exceptionnelle discrétion sur ce projet de la COI inquiètent. Des clarifications sur ces sujets pour tous les citoyens s’avèrent nécessaires et urgentes.
Pour une meilleure mobilisation des réflexions et moyens en faveur des paysans et de l’autosuffisance alimentaire à Madagascar.
Le Collectif TANY interpelle tous les responsables et décideurs et réitère sa demande d’annulation de la possibilité pour les sociétés étrangères d’acheter des terres à Madagascar.
Le Collectif TANY insiste sur l’urgence de renforcer de manière effective les droits des paysans malgaches sur leurs terres ancestrales qui constituent « 98% de la surface agricole utile hors sucre « (5) de la zone « Indianocéanie ».
Il est inconcevable, dans un pays qui survit grâce à l’aide alimentaire, d’envisager de produire du riz et autres denrées alimentaires pour l’exportation d’un côté, et d’augmenter la quantité de riz importé de l’autre. Les principaux bénéficiaires de ce système, tels les sociétés transnationales et les grandes entreprises commerciales s’enrichiront davantage, les perdants immédiats et à long terme - dindons de la farce - seront les paysans. Même les caisses de l’Etat n’y gagneront que des miettes en raison de toutes les exemptions fiscales accordées.
La situation d’insécurité alimentaire et de pauvreté actuelle à Madagascar ainsi que la révolte récente des paysans d’autres pays constituent autant d’arguments à prendre en compte dans le débat sur « la sécurité alimentaire dans l’Indianocéanie, investir dans la production agricole ». Prenons ensemble conscience de ne pas confondre augmentation de la production et sécurité alimentaire.
Les paysans et les franges les plus vulnérables de la population doivent être considérés comme les acteurs indispensables dans la définition, la mise en œuvre et les bénéficiaires des projets de développement et de sécurité alimentaire car ils constituent la majorité des habitants à Madagascar. Les gouvernants malgaches et tous les intervenants dans le projet de la COI ont intérêt à tenir compte de cette majorité s’ils ne veulent pas courir le risque de compromettre la réalisation de la sécurité alimentaire dans la région.
Paris, le 20 septembre 2013
Le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches
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Références :
(4) http://economy.ioconline.org/fileadmin/Regional_food_security/PROJET_DE_DISCOURS_MAE_MJN.pdf