Au Liberia, la résistance paysanne s'organise entre les palmiers à huile

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Agence France Presse / 20 janvier 2013

Au Liberia, la résistance paysanne s'organise entre les palmiers à huile

DISTRICT DE BUTAW (Libéria) - Leurs terres cédées par le gouvernement aux planteurs malaisiens et indonésiens, des paysans du Liberia dénoncent des accords qui les ignorent: après 15 ans de guerre civile (1989-2003), des nouvelles luttes s'annoncent dans ce petit pays d'Afrique de l'Ouest.

A 30 heures de piste de la capitale, le drapeau jaune et vert du numéro un mondial de l'huile de palme, l'indonésien Golden Veroleum Liberia (GVL), flotte sur les collines autrefois boisées du comté de Sinoe (sud): On n'est pas contre le développement, mais on veut être consultés et entendus, martèle le vieux Benedict Smarts, flottant dans sa chemise jaune boutonnée sous le cou.

En 2010, GVL a acquis ici 220.000 hectares pour un bail de 63 ans reconductible 30 ans, afin d'y produire l'huile que l'industrie s'arrache: 1,50 dollar par hectares et par an pour la terre vierge, 5 dollars quand elle était cultivée, dégagée à coup de tronçonneuse et de pelleteuse.

L'accord s'est signé au loin, à Monrovia, sans personne pour représenter les intéressés.

Aux marges de la plantation, dans le hameau de Plu, les villageois exhibent les lettres de doléances adressées au ministre des Affaires intérieures.

Les Indonésiens sont arrivés en septembre 2010 en disant: +Votre présidente (Ellen Johnson Sirleaf, Prix Nobel de la Paix 2011) nous a vendu la terre+. Trois mois plus tard, ils commençaient à détruire les cultures et les maisons. Benedict Manewah énumère les récoltes perdues: cassaves, orangers, cacaoyers et quelques palmiers pour la consommation familiale. Leur huile, c'est pour l'envoyer chez eux.

Les hommes montrent aussi les tombes, autrefois enfouies en brousse et désormais cernées de palmiers, au coeur d'un minuscule enclos.

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Qu'il y ait eu des erreurs, on l'admet. Mais on ne peut pas faire du sur-mesure, prévient Jeff Benzin, le directeur des opérations délégué par Golden Veroleum. (Photo : Front Page Africa)
Développement ou esclavage moderne

Les paysans n'ont plus de revenus, ils sont obligés de travailler comme ouvriers contractuels à la concession... Ce n'est pas du développement, c'est de l'esclavage moderne, fulmine Saydee Monboe dit Momo, un faux air de Malcom X avec ses montures noires.

Le lendemain, quatre villageois dont une femme sont arrêtés et brièvement détenus: les autorités locales n'aiment pas les bavardages.

Personne ne fait rien pour les gens dans ce pays: ils n'ont que leur terre et on leur dit aujourd'hui de la quitter, s'insurge l'avocat Alfred Brownell, fondateur de l'ONG Green Advocates.

Brownell a déposé plainte en leur nom et saisi, non la justice libérienne, mais la RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil). Les planteurs du Liberia adhèrent à cette plateforme, lancée en 2003 à Kuala Lumpur par le WWF et les industriels, qui délivre une certification huile de palme durable.

En échange, elle impose au minimum l'information et le consentement préalables des communautés, comme l'a rappelé en décembre son secrétaire-général, Darrel Webber, dans un courrier aux dirigeants de GVL dont l'AFP a obtenu copie.

Fin 2011, la RSPO avait déjà donné raison aux villageois du nord contre Sime Darby, le planteur malaisien qui exploite 200.000 hectares dans le comté de Grand Cape Mount. Depuis, les négociations sont en cours.

L'accord signé était clair, mais face à la résistance, Sime Darby doit renégocier: ils ont reconnu l'impact sur la vie quotidienne, la sécurité alimentaire, le droit à une compensation pour la destruction des sites sacrés... Au total, ils verseront plus d'un million de dollars sur 60 ans, précise Brownell.

Le Liberia a été le premier à saisir la RSPO. Depuis, d'autres l'ont suivi, au Cameroun, au Gabon: 34 plaintes ont été déposées dans le monde.

On est en train d'écrire l'histoire. Grand Cape Mount fait école, constate fièrement l'imam Mustapha Foboi, leader de la résistance des 17 villages contre Sime Darby.

Pour la plainte contre GVL, déposée le 1er octobre et jugée recevable en décembre par la RSPO, Brownell s'inquiète: Ils sont terribles, accuse-t-il. Dans cette région très isolée, ils se conduisent presque comme la mafia: intimidations, menaces...

Sur sa colline, Jeff Benzin, le directeur des opérations délégué par Golden Veroleum, reçoit en short et claquettes, souriant. Qu'il y ait eu des erreurs, on l'admet.

Nous versons des compensations à ceux qui acceptent de laisser leur terre. Quand les gens désignent des sites sacrés on arrête tout. Mais on ne peut pas non plus faire du sur-mesure, prévient-il.
  •   AFP
  • 20 January 2013

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