La «Faim du monde», de Genève à Ouagadougou

Le 'cinéma mobile' à la rencontre des villages. (Emmanuel Joffet / Sipa)

swissinfo | 3. novembre 2010

Par Catherine Morand, swissinfo.ch

Porter le débat sur la crise alimentaire dans une région où la faim fait partie du quotidien, donner la parole aux acteurs concernés: pari gagné pour le Forum Médias Nord Sud de Genève, délocalisé à Ouagadougou.

Apposées sur les arbres et les boutiques du centre ville de Ouagadougou, on les voit partout, ces affiches «La faim du monde» annonçant le Forum Médias Nord Sud, un événement qui fait la une des médias et draine un public nombreux.

«Il n’est plus possible de demeurer entre nous à Genève pour parler des enjeux majeurs qui nous concernent tous», estime son directeur, le journaliste suisse Jean-Philippe Rapp, pour lequel il était important de poursuivre sur le terrain la réflexion amorcée l’année dernière à Genève.

Donner la parole, écouter ce que les personnes concernées ont à dire, cela demeure le credo de Jean-Philippe Rapp, ex-journaliste vedette de la Télévision suisse romande, qui a tendu son micro à Zarra Guiro, une sage-femme qui décrit cette faim silencieuse qui emporte sans bruit les enfants du Burkina Faso; ou à l’enseignant d’un lycée tout proche du lieu où se déroule le Forum, dont les élèves s’évanouissent en classe parce qu’ils n’ont pas mangé.

Au programme, depuis le 28 octobre et jusqu’à ce 3 novembre, la projection d’une quarantaine de films (y compris dans les quartiers populaires de la capitale), des visites sur le terrain d’initiatives innovantes pour lutter contre la malnutrition, ainsi que des débats auxquels participent journalistes et experts de la région.

«Pour mes confrères africains, la présence du Forum Médias Nord Sud à Ouagadougou représente une ouverture, estime Sayouba Traoré, journaliste à Radio France internationale. C’est une démarche appréciée, car il existe toujours la tentation de parler à la place des Africains, qui n’ont souvent pas le beau rôle.» Ce journaliste burkinabé sillonne l’Afrique de l’Ouest pour donner la parole aux paysans, eux qui sont souvent rayés de la carte médiatique, ici comme ailleurs.

Des questions éminemment politiques

Le fait que les Universités africaines de la communication de Ouagadougou aient tenu leurs assises en même temps que le Forum a par ailleurs permis à quelque 200 journalistes du Niger, du Mali, du Togo et de toute la sous-région de participer à l’événement, de rencontrer des confrères d’autres horizons. Et de réfléchir avec eux comment communiquer sur la faim et les enjeux auxquels sont confrontés les paysans dans leurs pays respectifs, qui représentent jusqu’à 80% de la population - des questions qui demeurent éminemment politiques et sensibles.

Djibo Bagna, président du ROPPA, le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest – celui-là même qui avait affronté le président de Nestlé Peter Brabeck, lors d’un débat sur la crise alimentaire organisé par Jean-Philippe Rapp lors du Sommet de la francophonie à Montreux – a témoigné du savoir-faire des paysans africains, privés de tout appui et de tout encadrement officiels, depuis que les Etats africains ont été sommés de se retirer de l’agriculture par le FMI et la Banque mondiale.

Djibo Bagna, président du ROPPA

«Les investissements colossaux qui déferlent actuellement sur l’agriculture africaine servent avant tout les intérêts de l’agrobusiness», a-t-il déclaré, déplorant qu’une fois de plus, les paysans locaux ne soient pas davantage écoutés.

L’accaparement des terres qui chassent les paysans partout en Afrique, l’utilisation sans précaution de pesticides, les semences transgéniques imposées au cultivateurs de coton au Burkina Faso, ont fait l’objet de vifs débats. «Il n’y a pas de solution miracle qui viendra de l’extérieur, pas plus des OGM que d’autres solutions toutes faites, il s’agit bien plutôt d’accompagner des initiatives locales, adaptées aux contextes», estime Philippe Fayet, responsable de la coopération suisse au développement au Burkina Faso, qui a pris la parole lors au cours de plusieurs débats. «Venir ici permet d’être directement en contact avec des réalités complexes, souvent déformées, et d’aller à la rencontre des acteurs locaux», se réjouit-il.

Le film belge «La crise alimentaire, une chance pour les paysans» - époustouflante prise de parole de paysans européens et africains confrontés au désastre généré par la mondialisation de l’agriculture – a reçu le Grand Prix de Genève, tandis que le Prix du meilleur documentaire africain a été décerné au film burkinabé consacré aux planteurs de coton «Ti-Tiimou – Nos sols», décernés par un jury présidé par le célèbre cinéaste burkinabé Idrissa Ouedraogo.

Catherine Morand, swissinfo.ch

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