Par Marion Urban
Les gouvernements africains ont multiplié les contrats de location de terres agricoles avec des sociétés étrangères au cours de ces cinq dernières années. Le phénomène n'est pas nouveau mais les motivations, les acquéreurs et le rythme d'acquisition, oui.
Depuis deux ans, l'Association des agriculteurs sud-africains (Agri-SA) est très courtisée par les gouvernements africains.
La puissante organisation, créée en 1904 et qui compte 70 000 membres, est une aubaine pour plusieurs pays qui veulent redynamiser leur agriculture. Agri-SA, qui doit faire face à un programme de restitution de terres aux communautés locales, freiné mais inéluctable, se montre très intéressée. La flambée des prix des denrées de base, le développement des agrocarburants ne sont pas étrangers à ce nouvel intérêt. Mais surtout, pour la première fois, en 2008, l'Afrique du Sud a dû importer de la nourriture : la production nationale ne suffisant plus à une population en constante augmentation.
Ainsi le gouvernement du Congo-Brazzaville -tout comme celui de la République démocratique du Congo- a-t-il offert aux agriculteurs sud-africains de venir exploiter 10 millions d'hectares de terres agricoles.
Les pourparlers sont entourés d'extrême discrétion en raison des fortes résonances que constitue un tel accord. Toutefois, en novembre 2009, l'un des responsables d'Agri-SA annonçait la signature d'un contrat avec le Congo-Brazzaville portant sur l'exploitation de 200 000 ha dans la vallée de Nyari. Cette superficie étant, selon le communiqué officiel, celle des fermes d'État, abandonnées depuis plus de 10 ans. Par la même occasion, Agri-SA confiait que des contrats étaient en discussion avec 16 autres pays africains.
En 1931, un groupede Boers d'Afrique du Sud s'installent près du lac Manyara, en Tanzanie et cultivent du blé pour leur consommation personnelle. Les autorités britanniques leur fournissent des graines sélectionnées.
1940, les armées britanniques d'Afrique et du Proche Orient ont besoin de grosses quantités de blé. Le gouvernement accorde aux Boers un revenu minimum garanti en cas de mauvaise récolte ainsi que l'accès au crédit. Des avantages refusés aux agriculteurs locaux.
Source: "Tanzanie - Manger d'abord", Bernard Joinet. Ed. Karthala. 1981

Je ne suis pas un saint. Je suis là pour faire de l'argent. -- Philippe Heilberg, financier newyorkais, acquéreur de 400 000 ha de terres au Soudan "La Presse"
La République de Djibouti, dont les surfaces arables ne constituent que 0,05% de son territoire, est allée prendre langue avec les dirigeants malawites pour cultiver 55 000 ha.
La Chine, qui a fait venir 400 nationaux et ses propres semences, exploite aujourd'hui un peu plus de 4 000 ha en Ouganda. Au Cameroun (10 000 ha) et au Mozambique, les Chinois comptent cultiver du riz. Des négociations pour faire venir 10 000 colons en Afrique australe sont en cours.
En Tanzanie, c'est une société suédoise qui convoite 400 000 ha dans le district de Bagamoyo, au nord de Dar-es-Salaam pour planter de la canne à sucre. Précisément là où subsistent 1000 petits riziculteurs.
Au Liberia, la Lybian African Investment Portofolio, filiale suisse d'un fonds souverain lybien, lorgne sur une concession de 17 000 ha pour produire du riz.
Avec 197 millions d'ha en cultures sur 807 millions d'ha, identifiés comme «disponibles», le continent africain apparaît comme plein de promesses.
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* Le Nord du Soudan a une longue tradition de location de terres à des sociétés étrangères qu'elles soient occidentale, africaine ou arabe. La plaine de Gezira comptait 105 millions d'ha en exploitation en 1962 contre un peu plus d'une centaine en 1911.
- Terres à vendre. CIRAD (document pdf, 4 pages, en français)
- Land grabbing by foreign investors in developing country (document pdf, 9 pages, en anglais)
- Land grab or development opportunity? IIED/FAO/IFAD (document pdf, 130 pages, en anglais)
- Le blog de l'organisation non gouvernementale Grain qui regroupe tous les documents en français, anglais et espagnol, sur la question de l'accaparement des terres agricoles et l'insécurité alimentaire.
- Le site de la Coalition internationale pour l'accès à la terre
- Le site de la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.