Par Thomas Rudolf, le Cimbre
Pour équilibrer leurs comptes, les fonds spéculatifs et les fonds souverains raflent des millions de terres arables et cultivables dans les Pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et dans les PED (Pays En Développement). La Société Générale conseille à ses clients dans son Rapport de 68 pages signé par un cadre de la division Cross Asset du pôle Credit and investment de reporter leurs investissements spéculatifs sur les farm commodities et les denrées alimentaires.
Les pays riches font semblant de se quereller avant le Sommet climatique de Copenhagen pour dévier l'attention face à la Crise financière et pour retarder encore de quelques semaines l'effondrement imminent global, celui des économies nationales et privées. Obama réduit ses objectifs environnementaux.
Le Green Bail Out n'aura pas lieu.
Le nombre des affamés a augmenté de plusieurs centaines de millions depuis deux ans a cause de la libre circulation des biens, des marchandises, des capitaux et des services financiers voulue par l'OMC, les Accords sur les ADPIC, des Accords de Partenariat Économique avec l'Europe.
L'Afrique est de nouveau effondrée et nous avons vu au récent Sommet de la Faim à Rome que les 8 Objectifs du Millénium, les G8 de Gleneagles ou le G8 de Heiligendam, le G4 de Potsdam sont de nouveau oubliés. Les ambitions de réduire de moitié la pauvreté pour 2015 se sont transformées en augmentation rapide de la pauvreté depuis le début de la crise à la fin de l'année 2006. Les G20+ n'invitent pas le continent africain à la table des discussions. Dans ce Global Meltdown, les capitaux étrangers délaissent les pays africains, là où il n'y a pas de pétrole, de diamants, de la bauxite, du minerai d'uranium... à piller. Les échanges transcontinentaux sont morts et l'indice du fret maritime transcontinental, le Baltic Dry Index a perdu 90% de son niveau d'avant 2008. Le BDI est une moyenne mondiale, une grande partie de cet indice est constituée par le transport de matières "sèches" (dry), donc par l'exportation de minerais et de matières agricoles non transformées. Les pays africains sont plus violemment percutés par la crise financière et économique mondiale, mais les médias des pays industrialisés n'en parlent pas. Les pays africains vendent en ce moment le dernier bien qu'il leur reste pour rester à flot: le sol.
Voici in extenso un communiqué d'un site ami, abcBurkina SEDELAN, de la Coopérative agricole burkinabée.« Foras a informé l'Institut international de recherche sur le riz (IRRI) de son acquisition de 500 000 ha de terres agricoles au Sénégal et de 200 000 ha de terres agricoles au Mali pour la production de riz »
L’IRRI a été informé parce que FORAS leur a demandé des conseils pour l’exploitation de ces terres maliennes et sénégalaises. Mais, à ma connaissance, les paysans maliens et sénégalais n’ont pas encore été informés par leur gouvernement. Et personne à l’extérieur, me semble-t-il ne connaît les termes des contrats. Les petits paysans des régions concernés ne sont même pas sûrs d’avoir une place dans le plan saoudien, intitulé « 7 x 7 », qui, sur une période de sept ans, prévoit la production annuelle de 7 millions de tonnes de riz sur ces 700 000 hectares de terres.
Le Mali a déjà cédé 100 000 hectares de terres irrigables de l’Office du Niger à la Libye. Que restera-t-il pour les maliens dans quelques années ?
Les organisations paysannes maliennes et sénégalaises rendraient un fier service aux autres paysans africains s’ils pouvaient obtenir les termes des contrats et les publier. Ce serait une bonne préparation pour le « Congrès du riz en Afrique 2010 » qui se tiendra à Bamako, au Mali, du 22 au 26 mars 2010. Une analyse détaillée de ces contrats permettrait sans doute de dégager quelques principes.
Il faudra pouvoir répondre à cette question : Comment faciliter les investissements sans que cela ne s’apparente à une nouvelle colonisation ?
Quand on sait que le Sénégal est le deuxième plus grand importateur de riz de l’Afrique (après le Nigeria), on peut penser qu’il vaudrait mieux chercher des investisseurs pour produire du riz pour les sénégalais, puis pour le marché commun de l’Afrique de l’Ouest.
Ces opérations risquent fort de renforcer la sécurité alimentaire de l’Arabie Saoudite aux dépends de celle des sénégalais et des maliens. Or, il y a sûrement plus de maliens et de sénégalais qui souffrent de la faim que de saoudiens ! Et j'apprends que le prochain sommet mondial de la FAO sur la sécurité alimentaire est financé par l'Arabie Saoudite ! Les puissants peuvent dormir tranquilles ! Leur sécurité alimentaire sera garantie ! Les exploitations familiales ont intérêts à renforcer leurs organisations au niveau local, national, régional et mondial, si elles ne veulent pas disparaître au profit de l'agrobusiness ! Les consommateurs aussi s'ils veulent conserver une alimentation variée, saine et adaptée à leur culture. Koudougou, le 24 octobre 2009Maurice Oudet
Président du SEDELAN