Grève du sexe, ventes de terres : les conversations de Nairobi

Blog Chemk'Africa | 04/05/2009 | [extrait]

Edgar C. Mbanza

Les femmes décrètent la «grève de sexe», les fermiers refusent la vente de leurs terres aux riches Qataris et Asiatiques... Conversations et colères des Kenyans.

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La vente des terres et la colère des petits propriétaires

L'autre colère controversée porte sur la question de la vente des terres fertiles du Delta du Tana, au profit du gouvernement du Dakar qui veut y exploiter de l'éthanol principalement.

Vous avez sans doute entendu parler de cette histoire, de ce «land-bragging» auquel s'adonnent depuis ces derniers mois des gouvernements africains, en Angola, en Ethiopie, au Soudan, au Madagascar, au Mozambique... Ce sont au total près de 20 millions de terres fertiles déjà vendues ou en cours de négociation en faveur des Etats riches du Golfe et d'Asie -- l'équivalent de la superficie de la France!

Ce bradage des terres fertiles scandalise nombre de personnes. Les colères donc, il y en a qui viennent du fond du ventre, comme celles de ces petits fermiers et paysans qui risquent de perdre sans aucune forme de procès la terre de leurs ancêtres. Le problème, c'est qu'au fond, dans les débats les plus audibles sur la question, peu s'intéressent vraiment au sort des petits paysans.

Le débat tourne plutôt sur la question de la vente ou non des terres aux étrangers, et non aux riches nationaux... Et si les écologistes conservateurs multiplient lobbying et pressions pour faire capoter les contrats, il ne s'agit pas pour eux de défendre les intérêts des fermiers. Ils voudraient même consacrer toute la zone de la rivière Tana à la protection animale et en chasser les habitants. Quant à elle, la grande presse de Nairobi, traditionnellement peu encline aux revendications des ruraux, elle ne s'oppose pas vraiment à l'exploitation industrielle des terres fertiles du Delta du Tana. Mais préfère que ce soient les locaux qui investissent dans des plantations industrielles nouvelles.

En réalité, au fond, la tendance générale est celle qui consiste à cautionner l'expropriation des petits paysans. Le dernier rapport de l'IFPRI-International Food Policy Research appuie justement que cette cession des terres permettrait de créer des «opportunités» en Afrique, tout en précisant qu'elle doit être encadrée, notamment par des obligations sociales et l'interdiction d'exporter en période de grande crise alimentaire.

Une position qui irrite les ONGs spécialisées dans la sécurité alimentaire ainsi que les écologistes sociaux. Même indignation dans les propos du petit fermier Odere qui me racontait ses déboires et sa rage samedi dernier à Nairobi : «Pour pouvoir manger et aussi vivre en harmonie avec notre nature, nous n'avons besoin de personne, ni de ceux qui préfèrent nos animaux plutôt que nos enfants, ni des dollars des Qataris».

En juillet prochain, les chefs d'Etat de l'Union africaine travailleront sur la question. Des sources proches du commissaire africain à l'agriculture, M. Timusiime, me signalent déjà qu'un document de travail préconisant une «cession encadrée», avec «termes et conditions aux investisseurs étrangers» comme l'écrit le document signé il y a une semaine par des ministres de l'UA, est déjà sur la table.

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